Des dizaines d’élèves actuels et anciens ont manifesté vendredi après-midi devant l’école secondaire Henri-Bourassa, à Montréal-Nord, en réclamant des mesures concrètes de lutte contre le racisme dans le milieu de l’éducation au Québec.

« On est ici pour dénoncer, mais surtout pour exiger des vrais changements », lâche Gio Olmos, ancienne élève de Vincent Ouellette. Cet enseignant d’histoire, maintenant suspendu, est vivement critiqué depuis une semaine pour avoir dénigré des élèves non blancs depuis au moins une décennie.

Aujourd’hui diplômée, Gio Olmos suggère plusieurs solutions pour « s’attaquer au racisme systémique » dans les écoles. « Ça prend des mécanismes de plaintes neutres, un accompagnement psychosocial adéquat pour les élèves, de la formation pour les profs, bref des opportunités d’échange sur les minorités », lance-t-elle. Cathy Ramirez, elle, dit avoir été témoin de plusieurs commentaires racistes de Vincent Ouellette au fil des ans.

Ça doit cesser. On soutient aujourd’hui les élèves de notre école, mais l’intention, c’est d’ouvrir un débat bien plus large. Bien d’autres institutions sont concernées.

Cathy Ramirez, diplômée d'Henri-Bourassa

Dans une vidéo publiée mercredi sur la page Facebook Béliers solidaires, d’autres élèves ont dit s’être sentis provoqués, ridiculisés ou agressés par l’enseignant. « On a eu le cours sur Charlie Hebdo et il demandait à des élèves musulmans de s’excuser », a témoigné un élève. « Il nous a traités de terroristes, nous a dit que c’était notre faute », a souligné un autre.

Linda Laimeche, qui a aussi suivi les cours de Vincent Ouellette, salue le courage des victimes de prendre la parole. « On tient à cette école. Si on parle maintenant, c’est aussi parce qu’on veut amener du changement dans un établissement qu’on apprécie vraiment », fait-elle valoir. Pour Hiba Jabouirik, autre élève de l’enseignant, nier la présence du racisme systémique dans les écoles aura de lourdes conséquences. « Ce qu’on a vécu, c’est un pion dans un grand échiquier. Sans le reconnaître, on légitime les gestes d’enseignants comme le nôtre. On fait en sorte qu’ils se sentent soutenus », dit-elle.

Juste un peu de « vouloir politique »

Coorganisateur du rassemblement, le militant antiraciste Will Prosper abonde dans le même sens. « On n’a jamais vraiment regardé ce qui se passe en termes de racisme en éducation au Québec. Trop d’élèves sont laissés à eux-mêmes », affirme-t-il.

Ça prend juste un peu de vouloir politique. On ne peut pas continuer à se fermer les yeux. On détruit des vies, on détruit l’avenir de nos jeunes.

Will Prosper

L’humoriste Eddy King a fait une allocution remarquée lors de la manifestation, en disant comprendre la discrimination que les jeunes vivent. « Je l’ai vécu moi aussi, et je me souviens que ç’a gâché mon secondaire 5. Aujourd’hui, j’en ris, je me suis refait, mais je sais à quel point ça peut marquer », a-t-il lancé.

Paule Robitaille, la députée de Bourassa-Sauvé, s’inquiète pour sa part qu’il y ait une « méconnaissance des recours à prendre ». « La population des écoles de Montréal-Nord est peut-être moins bien équipée pour faire des plaintes en bonne et due forme. Beaucoup sont des immigrants qui ne savent pas comment le système des écoles fonctionne. Ils ne savent pas toujours quels sont leurs droits », soulève-t-elle.

Le CSSPI dit avoir « entendu » les élèves

Jointe par La Presse, la direction du centre de services scolaire de la Pointe-de-l’Île (CSSPI) « tient à dire aux élèves actuels et anciens d’Henri-Bourassa qu’elle les a entendus ». « En plus de l’enquête en cours, il a été décidé d’amorcer dès maintenant l’actualisation du code d’éthique applicable à tout le personnel et de veiller à son application », affirme la porte-parole, Valérie Biron.

Antoine El-Khoury, le directeur de l’organisation, réitère que « par leur position unique, les enseignants et autres membres de l’équipe-école ont un grand impact sur les élèves, leur bien-être et leur développement ». « Il s’agit d’une responsabilité énorme, que tous nos employés doivent prendre très au sérieux », dit-il.

Le CSSPI indique enfin qu’il s’assurera que « le processus de plainte, qui comporte plusieurs paliers, soit bien connu » par tous et toutes, par l’entremise de son site internet.

— avec Judith Lachapelle, La Presse