(Montréal) Alterner entre un jour d’école en classe et un en ligne à la maison ne fait pas que des adeptes chez les jeunes de secondaire 4 et 5 : beaucoup laisseraient de côté la possibilité de suivre des cours en bas de pyjama pour être à plein temps en classe, avec leur enseignant.

Lorsque la COVID-19 a fait basculer des régions du Québec en zone rouge, la vie scolaire de beaucoup d’adolescents a changé.

Pour réduire le nombre d’élèves dans les écoles secondaires, ceux des niveaux 4 et 5 se sont fait dire par le gouvernement de rester à la maison un jour sur deux et de suivre leurs cours en ligne. La consigne est en vigueur depuis le 8 octobre — et a été implantée peu à peu dans les écoles.

La formule ne semble pas populaire chez les jeunes avec lesquels s’est entretenue La Presse Canadienne. Sans rendre compte de la situation de tous les élèves du Québec, ces adolescents ont ouvert une fenêtre sur leur réalité.

Ils ne se plaignent pas de l’alternance, mais lorsqu’interrogés, ont fait valoir leurs préférences.

« Je sais que cela a été mis en place pour la santé de tous, mais je n’aime pas cela », a laissé tomber Micheal Chouliotis, un élève de secondaire 4 à Rosemere High School.

Comme d’autres, il trouve cela plus dur de se concentrer lorsque les cours sont en ligne.

« J’ai plus l’impression d’être à l’école, d’être concentrée, en salle de classe », a renchéri Anaïs Rhéaume-Gravel, une élève de secondaire 4 au Collège Mont-Saint-Louis de Montréal.

Moins facile de poser une question au professeur, et plus long pour avoir une réponse, a donné en exemple Lucas Sauvé du Collège Charles-Lemoyne.

Georgia Sakellaropoulos est du même avis : « en classe, c’est plus facile de poser des questions ». Bien que de façon générale, l’alternance ne la dérange pas. « Ce n’est pas si mal, mais il faut se concentrer plus en ligne ».

Mais si on lui donnait le choix — et s’il n’y avait pas de risque — « je choisirais d’aller à l’école tous les jours », dit Georgia, qui est en secondaire 5 au Collège Villa-Maria de Montréal.

Après une journée entière en ligne, elle dit avoir souvent mal à la tête.

Malgré devoir prendre l’autobus ou le métro, parfois sous la pluie, et ne pas être confortable chez eux, à portée de main du frigo, la plupart des jeunes interrogés auraient fait le même choix que Georgia : l’école en personne tous les jours.

La technologie

Plusieurs ont mentionné que leurs professeurs n’ont pas tous les mêmes habiletés informatiques. Les cours en ligne sont ainsi parfois ardus, avec des enseignants qui ne savent pas comment fonctionne la technologie nécessaire aux cours en ligne, souligne Micheal.

Mais c’est normal, car c’est le début, estiment les jeunes. « Je suis sûr qu’on va bien s’arranger », indique Lucas Sauvé.

Et puis, les jeunes eux-mêmes n’étaient pas forcément équipés pour cela : Lysa Villeneuve a dû acheter en quatrième vitesse un ordinateur portable pour son fils Andreï Délinois, qui étudie en secondaire 5 au Collège Charles-Lemoyne. L’ordinateur sur lequel il travaillait était trop vieux et non compatible avec les programmes requis. Au printemps, il a même dû suivre des cours sur son téléphone.

Sans oublier l’internet : même en ville, la connexion n’est pas toujours stable.

Lysa Villeneuve se rappelle d’un jour où elle a reçu un coup de fil de l’école : son fils a manqué un cours. Mais non, a-t-elle dû expliquer : l’internet a lâché quatre fois ce matin-là, dont durant la prise de présence.

Aucun élève n’a mentionné que les autres chahutaient durant les cours en ligne. Et ils ne se sentent pas isolés : ils voient leurs amis en classe un jour sur deux. Mais le côté social de l’école tout de même est important pour Anaïs : « J’aime ça être à l’école pour voir des gens », a-t-elle spontanément dit pour expliquer sa préférence.

Pour Micheal, le problème est ailleurs.

« Je m’inquiète pour mon éducation et mon apprentissage », a-t-il confié, rappelant qu’il y aura des examens du ministère de l’Éducation à la fin de l’année.

Mais se faisant demander comment il va réagir si la formule en alternance se poursuit au-delà du 28 octobre, il a répondu sans hésiter : « je vais faire de mon mieux ».

Ceux qui aiment

Anaïs assure que plusieurs de ses amis apprécient la formule d’alternance.

Lucas Sauvé est de ceux qui aiment bien. Il trouve plus facile de se concentrer et de faire son travail : « tu as tout devant toi, ton ordinateur, tes livres, tu ne cherches rien », explique-t-il.

Le fils de Monica Audet, Antoine, qui fréquente l’École du Coteau à Mascouche, aime bien aussi, dit-elle. Parce que lors des journées sur les bancs d’école, il doit porter un couvre-visage toute la journée : « ça, ça l’embête ».

Et puis, cette année, l’école n’est pas comme avant, explique Anaïs. Les élèves doivent rester avec ceux de leur bulle-classe, ils ne peuvent plus manger tous ensemble à la cafétéria, et bien des activités parascolaires ont été annulées.

Sans oublier le port du masque en tout temps.

Sur cela, les adolescents ont été unanimes : c’est désagréable. « On s’habitue », disent-ils avant de le qualifier de chaud, d’embêtant, d’irritant.

Mais ils ont tous spontanément dit comprendre pourquoi les mesures sanitaires sont imposées.

Quand le chat n’est pas là, les souris dansent ?

Monica Audet n’est pas inquiète de laisser son adolescent de secondaire 4 seul à la maison.

« Il est responsable. On lui fait confiance ».

Lysa Villeneuve n’aurait eu aucune hésitation à laisser son jeune seul durant la journée de classe. Bien que cela ne soit pas nécessaire, car son conjoint est à la maison.

Plusieurs jeunes interrogés ont d’ailleurs un parent qui travaille de chez eux actuellement : ils ne sont donc pas sans supervision.

Et de toute façon, ils ne peuvent pas perdre trop leur temps, fait valoir Mme Audet. « Ils ont beaucoup de travaux et sont bien encadrés », dit la mère de famille qui se dit satisfaite de la façon dont l’école a géré toute la situation de la COVID-19 et des mesures sanitaires.

Malgré tous les changements, les jeunes ont déclaré — sans exception — que leur nouvelle situation d’alternance école maison n’a pas d’impact sur leur motivation ni leur intérêt face à l’école.

« Ce n’est pas moins motivant, mais c’est différent », conclut avec doigté Anaïs.