Avec plus de 1300 cas actifs de COVID-19 dans les écoles du Québec, la gestion est de plus en plus lourde pour les directions d’école. Malgré les promesses de Québec faites avant la rentrée des classes, les résultats de tests tardent souvent à arriver, et la communication avec la Santé publique n’est pas toujours au rendez-vous.

Il y a huit jours, le directeur général du Collège Jean de la Mennais, Richard Myre, a appris qu’un élève de son école avait reçu un diagnostic positif à la COVID-19. Il a pris la décision de fermer deux groupes et a avisé les parents par courriel le soir même.

Il a ensuite contacté la Santé publique de sa région pour qu’elle mène son enquête épidémiologique. Ses courriels et appels sont restés sans réponse pendant une semaine, jusqu’à ce qu’il interpelle son député.

Vendredi après-midi, il a appris que les résultats de laboratoire de l’élève – transmis par télécopieur – ne se sont pas rendus à la Direction de santé publique de la Montérégie. « Puisqu’il n’y avait pas de cas positif dans le système, il n’y a pas eu de déclenchement d’enquête, malgré mes courriels et appels », dit Richard Myre, qui dit avoir reçu des excuses de la Santé publique.

Ce n’est pas un cas isolé, dit Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE).

On a beaucoup d’exemples où il y a une rupture de communication entre la Santé publique et les écoles. Ça peut prendre du temps à avoir un retour d’appel, ou même parfois, on n’en a pas.

Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement

En entrevue, la députée Véronique Hivon, porte-parole du Parti québécois en matière d’éducation, a souligné que dans sa région, Lanaudière, il y a « des enfants qui attendent leurs résultats depuis 10 jours ».

Un engagement respecté ?

En août, tandis que les délais pour recevoir des résultats de tests s’allongeaient, le ministre de la Santé, Christian Dubé, s’est engagé à ce que le processus soit plus rapide à la rentrée.

« Il nous reste trois semaines avant que les enfants soient à l’école, pour nous assurer d’une meilleure rapidité. Les CISSS et les CIUSSS doivent livrer la marchandise et les laboratoires doivent être au rendez-vous », a déclaré le ministre.

La Dre Sarah-Amélie Mercure, spécialiste en santé publique à la Direction de santé publique de Montréal, indique que le délai visé est inférieur à 24 heures entre le moment où un élève ou un membre du personnel scolaire reçoit un résultat positif et le moment où la Santé publique en informe l’école.

On y arrive en 24 heures dans la majorité des cas, mais pour une minorité de cas, ça prend plus de 24 heures.

La Dre Sarah-Amélie Mercure, de la Direction de santé publique de Montréal

Vu l’engorgement actuel, « le système repose beaucoup sur la grande collaboration des parents, et cela s’est révélé efficace. Jusqu’à maintenant, on n’a pas échappé beaucoup de cas », estime-t-elle.

Comme les personnes âgées, les élèves et le personnel scolaire comptent parmi les cas prioritaires, assure la Dre Mercure. Mais à la Santé publique de Montréal, il peut y avoir 300 cas prioritaires par jour, a-t-elle ajouté.

Des responsabilités accrues pour les écoles

Vendredi, Le Devoir a révélé que, pour limiter les éclosions dans les écoles, les directions de santé publique de Montréal et de la Montérégie permettent désormais aux écoles d’isoler une classe de façon préventive.

Les directions d’école ne se substituent pas à la Direction de santé publique (DSP), assure le directeur général du Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM), Robert Gendron.

C’est toujours la DSP qui prend la décision de garder ou pas des personnes en isolement, que ce soit des élèves ou du personnel. Si [un cas] arrive dans la journée, on a une réponse dans la journée. Si ça arrive le soir, on a une réponse le lendemain.

Robert Gendron, directeur général du Centre de services scolaire de Montréal

Il apparaît évident que la Santé publique est débordée, dit pour sa part le président de la Fédération des établissements d’enseignement privés (FEEP), David Bowles, et que « la réalité » n’est pas celle envisagée en début d’année scolaire.

Celui qui est aussi directeur d’un collège en Montérégie apprécie néanmoins avoir la possibilité d’isoler une classe, ce qui lui permet d’aviser les parents plus rapidement quand un cas survient. « C’est une responsabilité à porter, mais je préfère la porter qu’être en attente d’appels ou de lettres », poursuit M. Bowles.

– Avec la collaboration de Louise Leduc, La Presse

« Comme si ça faisait six mois que l’école roulait »

Un mois après le début des classes, le directeur général du Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM), Robert Gendron, estime que, pour le milieu de l’éducation, c’est « comme si ça faisait six mois que l’école roulait ». « Les gens disent que c’est lourd, difficile, complexe, exigeant, mais en même temps, les gens travaillent et font en sorte que l’école reste ouverte. Parce que si une chose est claire, c’est qu’on est tous mieux quand l’école est ouverte », dit Robert Gendron.

Au début de septembre, il a fait part à deux reprises au sous-ministre de l’Éducation de ses préoccupations quant à « l’état d’épuisement » des directions d’établissement. « Nous avons déjà des directions qui viennent, depuis la rentrée scolaire, de s’absenter pour une durée indéterminée pour cause d’épuisement professionnel. D’autres, et en nombre élevé, nous envoient des signaux de détresse devant la tâche colossale qu’elles ont peine à faire quotidiennement (gérer une école avec tout ce que cela sous-entend, gérer de nombreux chantiers, gérer des mesures sanitaires imposantes, gérer les stocks et les commandes de matériel sanitaire, gérer la pénurie du personnel, gérer les élèves et le personnel exemptés, gérer les cas d’éclosion de COVID-19, etc.) c’est du jamais vu », écrit le directeur général dans une lettre que La Presse a obtenue en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.

En entrevue, M. Gendron explique qu’il se préoccupait du fait que Québec demande à chaque direction d’école de déclarer quotidiennement les cas de COVID-19 qui survenaient dans son établissement, un processus depuis centralisé. « [La lettre visait à] dire que les directions avaient tellement de travail qu’il fallait les aider », explique M. Gendron.

– Avec William Leclerc, La Presse