« C’est vraiment une rentrée spéciale, cette année », s’exclame Julie Lavallée. « Spéciale », car l’aîné de ses deux garçons fera ses premiers pas à la maternelle, mais aussi parce que la COVID-19 chamboule la préparation des écoles en vue de la rentrée.

Normalement, Julie Lavallée et son fils Mark Jarry auraient assisté à une visite des classes et à une rencontre des enseignants au mois de mai dernier. Comme les écoles étaient fermées dans la grande région de Montréal, la Dorval Elementary School a plutôt organisé un évènement sous forme de… service à l’auto.

PHOTO TIRÉE DU COMPTE FACEBOOK DE LA DORVAL ELEMENTARY SCHOOL

Des élèves ont pu rencontrer le personnel de la Dorval Elementary School grâce à un évènement organisé sous forme de service à l’auto.

« C’était formidable ! Leur stationnement est en forme de U. On entrait dans l’allée et on ouvrait nos fenêtres et notre coffre de voiture. Dans le coffre, on avait placé des documents qu’on avait remplis à l’avance. Comme ça, l’échange se faisait sans contact », raconte Mme Lavallée.

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Mark Jarry

Durant le tour d’une quinzaine de minutes, Mark et sa maman ont rencontré la directrice de l’établissement, la prof d’éducation physique et tous les enseignants des classes de maternelle.

On est sortis du stationnement et mon garçon était tellement excité. Il ne se pouvait plus. Chaque enfant a reçu un sac identifié à son nom. Ils ont eu une bouteille d’eau avec le logo de l’école, un t-shirt, des crayons et du papier pour pratiquer leurs lettres et leurs chiffres. Mark a voulu enfiler son t-shirt sur-le-champ.

Julie Lavallée

Ce jour-là, le garçon n’a pas pu voir la classe dans laquelle il passera la prochaine année scolaire. Mais l’idée de la maternelle a pris forme dans la tête de l’enfant de 5 ans. « Avant, la maternelle, c’était un peu abstrait pour lui. Là, c’est devenu vraiment plus réel, plus concret. Il s’est mis à parler en disant : “ c’est mon école ”. »

Nathan Bélisle, lui non plus, n’a pas pu visiter sa future école. Heureusement, il connaît un peu les lieux, car sa grande sœur fréquente l’école Saint-Thomas-d’Aquin, à Saint-Hyacinthe. L’établissement a d’ailleurs préparé un livre virtuel pour les enfants qui s’apprêtent à commencer la maternelle.

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Nathan Bélisle

Grâce à des vidéos et à des photos, Nathan a pu voir les locaux de la maternelle, le gymnase et la salle où il dégustera son lunch. Des enseignants ont expliqué le déroulement d’une journée à la maternelle et ont présenté des bricolages d’autres élèves.

« Il y avait une vidéo pour expliquer comment se comporter dans l’autobus. C’était super mignon. C’était un scénario avec une mascotte qui expliquait ce que les enfants doivent faire et ne pas faire. Ça expliquait comment s’asseoir et les règles de sécurité. Mon garçon est vraiment resté accroché à cette vidéo. Je pense que c’est parce qu’il y avait une mascotte ! », plaisante Manon Racicot, la maman de Nathan.

Le premier jour sans papa et maman

Raphael Poulin n’apprendra pas qui sera son enseignante le 27 août prochain, lors de son premier jour à la maternelle. « D’habitude, au printemps, l’école organise une journée d’accueil. Les parents font le tour de l’école tandis que les enseignants et les orthopédagogues observent les enfants pendant qu’ils jouent. Ils forment les groupes de cette manière », explique Amélie Girard, la maman de Raphael.

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Raphael Poulin

En cette année spéciale, les enseignantes de l’école Chante-Bois, à Blainville, prendront plutôt trois semaines pour évaluer les enfants et former des classes équilibrées.

Autre différence, un seul parent pourra accompagner son enfant lors du premier jour de classe. « L’école a souligné que c’était important de respecter cette consigne et je le comprends dans les circonstances », dit Mme Girard. Elle admet que cette mesure risque d’être déchirante pour certains parents qui voudront assister à ce moment marquant.

L’école du Grand-Héron, à LaSalle, a elle aussi dû annuler sa traditionnelle visite des classes pour les futurs élèves du préscolaire. François-Xavier Dehédin se console en se disant que son fils Carter connaît déjà les lieux puisque son grand frère fréquente l’établissement. Le père de famille a encore peu de détails concernant la rentrée, mais il redoute qu’il ne soit plus permis aux parents d’accompagner leur enfant lors du premier jour de maternelle, comme avant.

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Carter Déhédin

« Je pense bien qu’il aurait aimé être accompagné. Les enfants aiment tous être accompagnés. Ils aiment ça qu’on leur tienne la main, qu’on les rassure, que papa ou maman soit proche », dit M. Dehédin. « Au moins, son grand frère ne sera pas trop loin. »

Quarantaine, masques et autres inquiétudes

Jeanine Guindi a reçu un appel d’une éducatrice spécialisée de l’école Arc-en-ciel, à Sainte-Julie, qui voulait connaître un peu la personnalité de son garçon, Nicolas Harvey, en mai dernier. Le mois suivant, toute la famille a été conviée à un 5 à 7 – extérieur et sur rendez-vous – pour rencontrer le personnel de l’école. « On n’a pas vu les locaux, mais au moins, on a vu les gens », souligne Mme Guindi.

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Nicolas Harvey

Pour elle, la distanciation physique et les masques pour les enseignants sont des « détails » dont son fils s’accommodera facilement à l’école. En fait, ce que la mère de famille redoutait le plus, c’était que la rentrée scolaire soit reportée ou, pire, qu’elle ait lieu de manière virtuelle.

Je n’aurais pas voulu que la rentrée soit complètement chamboulée. S’il avait dû commencer avec l’école à distance, on dirait que ça n’aurait pas été une vraie rentrée scolaire. Ça m’inquiétait vraiment.

Jeanine Guindi

Julie Lavallée, elle, n’a pas de grandes inquiétudes malgré le fait que son enfant est asthmatique. Elle se questionne toutefois sur la gestion des cas de COVID-19 par les écoles. « Admettons qu’un enfant a la COVID-19 dans la classe de mon fils. Est-ce que la classe entière va devoir se placer en quarantaine ? Est-ce que la classe de mon autre fils qui va à la garderie devra être placée en quarantaine aussi ? Et que vont-ils faire avec les grands frères et les grandes sœurs ? Et ceux qui prennent le même autobus ? »

Quand le ministre de l’Éducation a annoncé, la semaine dernière, que la distanciation physique ne serait plus obligatoire à l’intérieur d’une même classe, Manon Racicot a quant à elle poussé un soupir de soulagement. Sa seule préoccupation concerne maintenant le port du masque par l’enseignante de son fils.

« C’est ce bout-là que je trouve un peu plate pour mon fils. Ça peut être difficile de bien comprendre les mots quand ils sont dits derrière un masque. Ça me chicote un peu », mentionne Mme Racicot.

Mais la mère de famille a bon espoir que l’enseignante de son garçon saura s’adapter à la nouvelle réalité. Puisque s’adapter, c’est ce que tout le monde fait depuis cinq mois.

« Je vais me battre pour que les parents puissent y être »

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Annie Poirier, enseignante au préscolaire, souligne que le premier jour de maternelle est « hyper important ».

La présence des parents le premier jour de maternelle est essentielle, jugent des enseignantes. Mais déjà, certaines écoles ont dû annoncer qu’elles n’accueilleraient pas les pères et les mères des tout-petits en raison de la COVID-19.

Annie Poirier, enseignante au préscolaire, souligne que le premier jour de maternelle est « hyper important ». « Je vais me battre pour que les parents puissent y être », dit-elle.

Cette présence est importante pour rassurer les enfants, mais aussi pour créer un lien avec les parents. « Il y a beaucoup d’adultes qui ont eu une mauvaise expérience à l’école et qui sont frileux à l’idée d’y revenir pour leur enfant. Mais les parents, on veut les avoir comme alliés. On veut être accueillants, on veut les mettre en confiance afin de développer une belle collaboration », explique Mme Poirier, qui enseigne depuis 14 ans dans la couronne nord de Montréal.

Des réponses rapides

À l’école de Geneviève Comeau, dans les Laurentides, les parents ont aussi l’habitude d’accompagner leur enfant à la première journée de maternelle. Mais cette année, l’enseignante ne sait pas encore si elle pourra recevoir petits et grands dans sa classe.

En temps normal, les parents aident leur enfant à ranger leur matériel scolaire dans leur casier et leur bureau. Les enfants se rendent ensuite au service de garde afin que Mme Comeau puisse expliquer le fonctionnement de sa classe et répondre aux questions des parents.

Souvent, les parents de la maternelle ont beaucoup de questions. Certains d’entre eux arrivent avec des inquiétudes et la rencontre permet de les rassurer. Ils obtiennent des réponses rapidement au lieu de devoir attendre à la première rencontre de parents, trois semaines plus tard.

Geneviève Comeau, enseignante

Annie Poirier souligne aussi que le passage de la garderie à la maternelle est une étape angoissante pour certains enfants de 5 ans. La présence des parents aide à faire cette transition plus « en douceur ». « Quand tu passes d’un groupe de huit amis à la garderie à une classe de 20 enfants, c’est un changement considérable. Et il y a des grands dans l’école. Les sixième année, ils sont impressionnants pour les enfants en maternelle », dit l’enseignante qui compte 14 ans d’expérience.

« À géométrie variable »

Au Centre de services scolaire de Montréal (qui a pris le relais de la Commission scolaire de Montréal), certaines écoles pourront accueillir les parents à la rentrée, d’autres non. « Ce sera à géométrie variable selon les écoles », indique le porte-parole Alain Perron. « Il faut tenir compte du fait que chaque école possède des contraintes spatiales ou physiques selon la configuration de l’édifice […] En d’autres mots, chaque école est responsable d’organiser une rentrée adaptée à son milieu. »

Le Centre de services scolaire des Grandes-Seigneuries, en Montérégie, indique de son côté que les parents n’auront pas accès à la classe de leur enfant à la rentrée, mais que les écoles trouveront des solutions pour assurer la « sécurité affective » des enfants.

« Certaines écoles vont accueillir les parents et les élèves dans la cour d’école pour que le lien ne se rompe pas trop vite. Mais les parents n’auront pas accès à la classe parce qu’il faut respecter les règles du gouvernement. Dans une classe avec des enfants et des parents, ça ne peut pas fonctionner », s’attriste Hélène Dumais, porte-parole du Centre de services scolaire de la Montérégie.