(Sackville) Dans certaines des plus petites universités du Canada, la vie universitaire doit reprendre en contexte de pandémie. Mais pour beaucoup d’étudiants cette année, la frénésie de la rentrée sur le campus laissera place à de longues journées à tenter de fuir la solitude.

Un retour en classe en personne est prévu cet automne dans les trois universités de la soi-disant « Maple League » des provinces de l’Atlantique – l’Université Mount Allison, à Sackville, au Nouveau-Brunswick, l’Université Saint-Francis-Xavier, à Antigonish et l’Université Acadia, à Wolfville, toutes deux en Nouvelle-Écosse.

Cependant, pour des centaines d’élèves qui arrivent dans les écoles, cette rentrée nécessitera un auto-isolement, et amènera des questionnements sur les conséquences d’une éventuelle deuxième vague de COVID-19. Dans les provinces de l’Atlantique, les étudiants venant de l’extérieur de la région doivent s’isoler pendant 14 jours.

Jerry Ko, un étudiant en musique en quatrième année à l’Université Saint-Francis-Xavier, est récemment sorti de deux semaines d’isolement après être arrivé au Canada depuis Hong Kong.

En entrevue depuis son salon, M. Ko a confié qu’il s’était senti « très seul » pendant cette période.

Il a eu de la difficulté à ne pas sortir dans les rues lors des sept derniers jours de sa quarantaine.

Ce guitariste jazz de 21 ans meublait ses journées avec cinq heures de répétition, la préparation de repas, et des demi-heures dans sa cour. Son propriétaire et un ami s’occupaient de faire son épicerie. Il n’a eu aucune conversation en personne.

À Sackville, Thorique McKenzie, un étudiant en biologie, a lui aussi ressenti beaucoup de solitude pendant cette période.

« Je me disais : “Quand est-ce fini ? J’en ai assez”. Mais c’était une mesure nécessaire que nous devions prendre pour combattre le virus », a relaté cet étudiant de 21 ans d’origine bahaméenne lors d’une entrevue dans le centre d’accueil du campus.

Sa nourriture était transportée à sa chambre de résidence et il pouvait parfois aller à l’extérieur, mais les étudiants ne devaient pas socialiser les uns avec les autres en personne.

M. McKenzie est arrivé avant le lancement d’un bouquet d’activités en ligne par l’université, allant des soirées dansantes sur Zoom, aux sessions pour « apaiser son âme » organisées par le directeur de la santé mentale de Mount Allison.

Les administrateurs de l’université s’attendent à ce que plus de 180 personnes s’isolent dans les chambres des résidences au cours des semaines à venir, et 70 autres le feront hors campus.

Un plan advenant une éclosion

Le président de l’université, Jean-Paul Boudreau, assure qu’il a un plan dans le cas où une éclosion de COVID-19 se déclarerait. Une résidence consacrée à l’isolement a été aménagée et le personnel de la santé publique est prêt à enquêter sur les contacts.

Selon lui, les petites universités ont bien fait d’aller de l’avant avec les classes en personne.

« Nous sommes des universités axées sur l’expérience immersive […] Pour nous, l’ouverture était importante, car c’est ce que nous faisons », a-t-il expliqué en entrevue.

À Mount Allison, près de la moitié des cours se dérouleront en personne, et 18 % auront une certaine portion en personne. À Saint-Francis-Xavier, environ 72 % des cours de premier cycle sont en personne.

À l’Université Acadia, 51 % des classes adopteront un format hybride en personne et en ligne. À l’Université Bishop’s, à Lennoxville, au Québec, environ 51 % des cours pourront être suivis en personne.

L’année dernière, 2200 étudiants étaient inscrits à Mount Allison. M. Boudreau s’attend à ce qu’il y ait des centaines d’étudiants de moins cette année, mais les chiffres finaux sur les inscriptions pourraient encore changer. Les autres universités de la « Maple League » font des prévisions semblables.

Sentiments partagés des étudiants

Lorsqu’ils pensent aux semaines à venir, les étudiants qui ont choisi de se rendre sur le campus sont partagés sur les mesures mises en place par les universités dans ce contexte.

« Avec les lignes directrices qui nous sont fournies, je pense que nous pouvons compter les uns sur les autres », a déclaré Charlotte Hache, étudiante de troisième année en biochimie à Mount Allison.

« Il faut porter des masques, respecter la distanciation sociale. J’y crois beaucoup. »

Cependant, M. Ko, qui a dû signer un document de renonciation controversé à l’Université Saint-Francis-Xavier, est moins optimiste.

La renonciation édicte qu’aucune poursuite ne peut être intentée contre l’université, même en cas de « négligence, rupture de contrat ou manquement à toute obligation légale ou toute autre obligation de diligence » – y compris si l’université omettait de « prendre des mesures raisonnables pour sauvegarder ou protéger » l’étudiant des risques COVID-19.

« Les gens disent de le signer, mais de dire qu’on le fait à reculons […] L’école ne nous a pas donné une bonne impression là-dessus », a-t-il expliqué.

Il fait confiance à son département, mais moins au campus dans son entièreté.

« D’après mon expérience passée aux résidences, il y a beaucoup de fêtes et personne ne s’en souciait vraiment, même si beaucoup de choses un peu folles se produisent », a-t-il relaté.

Une renonciation « nécessaire »

Un porte-parole de l’Université Saint-Francis-Xavier a déclaré que son établissement a travaillé avec les autorités sanitaires de la province pour garantir que son plan respecte les normes et ainsi assurer un retour en classe sécuritaire.

Le conseil d’administration de l’université a examiné les objections des étudiants sur la renonciation, mais il a décidé que le document était « une nécessité » pour que les étudiants reviennent en classe à l’automne, a écrit le porte-parole Kyler Bell dans un courriel.

« Si, à un moment quelconque, nos plans sont considérés comme non sécuritaires par la santé publique, nous ne procéderons pas », a-t-il conclu.