Alors que le gouvernement Legault présentera la semaine prochaine son plan sanitaire mis à jour en vue de la rentrée scolaire, la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE) juge qu’on n’est pas prêts à un retour en classe. Elle propose même qu’on reporte la rentrée après la fête du Travail.

Le plan de retour en classe présenté à la mi-juin « a besoin d’être actualisé », a expliqué lundi le ministre de la Santé, Christian Dubé.

La question du port du masque « va être réévaluée », a ajouté Horacio Arruda, directeur national de santé publique.

À l’heure actuelle, dans les endroits publics, toute personne de 12 ans et plus doit porter un masque. L’Ontario, qui a dévoilé le 30 juillet son plan détaillé de retour en classe, obligera le port du masque à partir de la 4e année.

L’opposition a fustigé le gouvernement lundi, l’accusant d’être encore une fois un coup en retard en éducation, les protocoles d’urgence n’étant notamment exigés des centres de services (les anciennes commissions scolaires) que le 15 septembre, soit bien après la rentrée.

« C’est un euphémisme de dire qu’on est à la dernière minute », a déclaré le co-porte-parole de Québec solidaire (QS), Gabriel Nadeau-Dubois.

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Véronique Hivon, députée du Parti québécois

Je ne peux pas croire qu’on est rendus le 3 août et qu’on n’a pas un plan plus clair et précis, et surtout, des investissements d’annoncés pour accompagner les écoles sur […] les enjeux de soutien.

Véronique Hivon, députée du Parti québécois

Selon elle, le suivi pédagogique de l’élève est le véritable « angle mort » du gouvernement à l’heure actuelle.

Si un élève, une enseignante ou une éducatrice du service de garde présente des symptômes, quelles précautions seront alors prises ? C’est là l’une des questions centrales qui restent pour l’instant en suspens, relève pour sa part la libérale Marwah Rizqy, porte-parole de l’opposition en matière d’éducation.

« L’isole-t-on ? Si elle a des enfants à l’école, sont-ils aussi isolés ? Et il faut encore souvent quatre ou cinq jours avant d’avoir les résultats du test. Dans l’attente, on fait quoi ? »

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Marwah Rizqy, députée libérale

Et les masques pour le milieu scolaire ? Sont-ils déjà commandés ? demande Mme Rizqy.

Il faut un plan, « et ça presse » parce que la rentrée scolaire est toute proche, dit Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE).

Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, a refusé les demandes d’entrevue, lundi, aussi bien celles de La Presse que de La Presse canadienne. C’est plutôt Claudia Landry, conseillère politique au cabinet du ministre de l’Éducation, qui a répondu aux questions des journalistes.

Elle a assuré que le plan de juin « est d’actualité », mais que des précisions seront données la semaine prochaine « pour que le réseau scolaire continue de prévoir la rentrée ».

Du cas par cas

S’il y a éclosion de COVID-19 dans une école, fermera-t-on les classes concernées ? L’école au complet ?

« Pour l’instant, c’est du cas par cas. Cela va faire partie du protocole d’urgence [à mettre en place avant le 15 septembre] », a répondu Mme Landry, précisant que c’est la Santé publique qui le déterminera.

De la maternelle jusqu’à la troisième secondaire, « les élèves vont toujours rester ensemble, dans des groupes fermés », ajoute-t-elle.

En quatrième et cinquième secondaires, deux options sont sur la table. « Soit on revient à 100 %, mais qu’on revoie les cours à option pour s’assurer que les groupes restent fermés. Sinon, on peut permettre le plus de cours possible, mais avoir un horaire en alternance avec une partie des cours qui se fait à distance. »

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Le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge

En entrevue à la radio la semaine dernière, le ministre Roberge a déclaré qu’advenant une deuxième vague, « il n’est pas prévu de fermer les écoles à la grandeur du Québec ».

Cependant, lors d’éclosions, « il est possible que des élèves soient mis en retrait pour deux semaines, ou des classes ou l’école au complet ».

Mais « même en cas de fermeture temporaire, les cours continueront d’être donnés », a-t-il assuré.

Sur le site du ministère de l’Éducation, plus question d’école optionnelle comme au printemps. À partir de la rentrée, la présence physique à l’école devient obligatoire pour tous les élèves, exception faite des élèves ayant un problème de santé qui les rend tout particulièrement vulnérables à la COVID-19.

La libérale Marwah Rizqy l’espère bien. « L’éducation, c’est obligatoire », a-t-elle rappelé, et advenant une deuxième vague, « j’espère que les parents ne seront pas de nouveau laissés à eux-mêmes ».

Pour une rentrée après la fête du Travail

Pour sa part, Josée Scalabrini favorise une rentrée en douceur, après la fête du Travail. Elle estime qu’avant cette date, l’absentéisme est de toute façon très élevé parce que de nombreux Québécois « sont occupés à fermer leur chalet » à la fin d’août et au début de septembre.

Mme Scalabrini soutient aussi que le retour en classe le printemps dernier, à l’extérieur de Montréal, s’est très bien fait dans les écoles qui y sont allées en douceur, mais qu’il a été chaotique là où les centres de services ont voulu précipiter les choses, sans préparation adéquate.

Mais dans la mesure où la date du retour en classe est connue depuis belle lurette, dans la mesure où bon nombre d’enfants n’auront déjà pas eu d’école depuis cinq mois, est-il vraiment approprié de proposer un tel report ? Mme Scalabrini est convaincue, elle, que ce serait nettement préférable que d’y aller « pêle-mêle et trop vite ».

Quelle que soit la date de la rentrée, certaines inconnues pèseront lourd. La COVID-19 se tiendra-t-elle à peu près tranquille ? Bien sûr, impossible de le savoir. Mais aussi, combien de profs seront au rendez-vous ? Même sans la COVID-19, de nombreux enseignants prévoyaient prendre leur retraite cette année parce que ceux qui sont en fin de carrière avaient intérêt à partir en raison de changements de règles dans le régime de pension.

« Ce n’est que dans quelques mois que le gouvernement saura combien d’enseignants ont décidé de partir », indique Mme Scalabrini.

Chose certaine, la sécurité des enfants comme celle des enseignants doivent être prises très au sérieux, dit-elle. Le printemps dernier, a-t-elle dit, « quand davantage de parents que prévu ont décidé de renvoyer leurs enfants à l’école, le gouvernement a changé d’idée et a décrété que les enseignants de 60 à 70 ans pouvaient aussi rentrer au travail ».

De la même façon, pendant des mois, « parce qu’il n’y avait pas assez de masques, le gouvernement disait qu’ils n’étaient pas nécessaires ».

À la rentrée, les enseignants auront besoin d’être convaincus « que la Santé publique travaille pour la santé des gens, et non pour le gouvernement », a insisté Mme Scalabrini.

Ce que prévoit le plan initial

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Affiches rappelant les règles sanitaires aux élèves de l’école primaire Saint-Gabriel-Lalemant, à Sorel-Tracy

> Les élèves devront rester ensemble dans les mêmes locaux, séparés en sous-groupes de six élèves, à l’intérieur desquels ils devront rester à un mètre d’écart.

> Les mains devront être lavées en début et en fin de journée, avant et après les repas, et après les pauses et les récréations.

> Les horaires seront modifiés pour réduire le nombre d’élèves qui entrent et sortent en même temps.

> Les modules de jeux des écoles seront accessibles.

> Les centres de services (anciennes commissions scolaires) devront faire distribuer tablettes ou ordinateurs aux élèves qui en ont besoin.

> Les centres de services devront aussi mettre en place « des mesures de reddition de comptes sur les services à distance rendus aux élèves » pour éviter que des élèves soient largement laissés à eux-mêmes, comme cela s’est vu dans plusieurs cas au printemps.

> Pas plus de 48 élèves pourront se trouver dans un même autobus scolaire, à raison de 2 par banc. Le nettoyage complet de l’autobus sera effectué entre chaque groupe d’élèves transportés.

– Avec La Presse canadienne