La semaine s’achève à l’Université Concordia et, dans un petit local du département d’études françaises, plusieurs étudiants étirent leur vendredi. C’est la première rencontre de la session et l’heure est aux présentations dans le groupe des débutants.

« Je m’appelle Walid. »

« Bienvenue », répondent d’une seule voix les participants assis en cercle.

« Je m’appelle Guy. Comme Guy-Concordia », dit un autre. « Bienvenue », entend-on à nouveau.

Les étudiants sont invités par l’animatrice à nommer les objets qu’ils voient dans la pièce. « Un mur », dit avec fierté l’un d’eux. « J’ai travaillé en construction », explique-t-il. « Une map », dit avec assurance une étudiante en pointant une carte épinglée au mur. « Comment dit-on “map” en français ? », interroge l’animatrice. « Un tapis ? », avance une étudiante d’origine asiatique.

L’Université Concordia a beau offrir ses cours en anglais, de nombreux étudiants internationaux qui la fréquentent souhaitent s’établir au Québec une fois leurs études terminées. Le Programme de l’expérience québécoise (PEQ), que Québec a voulu modifier l’automne dernier avant de finalement reculer, n’est pas étranger au succès que remportent les cours de français dans cette université. Ceux qui veulent emprunter la voie rapide pour obtenir un Certificat de sélection du Québec doivent avoir un bon niveau de connaissance du français, incitation certaine à apprendre la langue pour bien des étudiants.

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Chanel Bourdon, coordonnatrice de la promotion et de la valorisation de la langue française à l’Université Concordia

« Avec la mini-crise qu’il y a eue quand [le ministre de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration] Simon Jolin-Barrette a annoncé les changements [au PEQ], les gens se sont inscrits rapidement pour passer les examens. Les étudiants ont eu peur, ils veulent s’assurer que leurs programmes sont reconnus et suivent autant de cours de français que possible. On sent l’urgence », dit Chanel Bourdon, coordonnatrice de la promotion et de la valorisation de la langue française à l’Université Concordia.

De fait, quatre étudiants sur dix inscrits à des cours de français à l’Université Concordia sont des étudiants internationaux. Pour peaufiner leur apprentissage, ils peuvent compter sur le programme Réussir en français, initiative du département d’études françaises qui a reçu l’automne dernier un financement de l’Office québécois de la langue française.

Objectif : comprendre ses étudiants

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Axel Watanabe, professeur d’économie à l’Université Concordia

Dans les groupes de discussion, Axel Watanabe se démarque, pas tant par sa maîtrise du français que par son statut à l’université, où il enseigne depuis un peu plus d’un an. L’homme d’origine japonaise dit qu’il se « sentai[t] coupable » de ne pas parler français et qu’il a rapidement vu les inconvénients à ne pas maîtriser cette langue en donnant ses cours d’économie.

« J’enseigne en anglais, mais les étudiants parlent parfois entre eux en français pendant les pauses. Je n’ai aucune idée de ce qu’ils se disent. Il arrive qu’un étudiant explique à un autre en français un concept que je viens d’enseigner. J’aimerais savoir si c’est bien traduit ! », dit Axel Watanabe, dont le niveau de français est plus qu’appréciable.

Il estime qu’il lui faudra du temps pour maîtriser en français les termes techniques de son champ d’intérêt, mais ne désespère pas d’y parvenir. 

Un jour, j’aimerais pouvoir répondre aux questions des étudiants en français.

Axel Watanabe, professeur d’économie à l’Université Concordia

Âgé de 38 ans, il a fait une bonne partie de sa carrière dans des universités américaines. Le professeur d’économie insiste : en arrivant au Québec après des années passées aux États-Unis, le changement lui a semblé aussi radical que lorsqu’il a quitté le Japon pour l’Amérique du Nord. La connaissance de la province et de ses habitants passe par une compréhension de la langue, croit-il.

Vivre en français

Les animateurs du Centre d’apprentissage et de promotion du français de l’Université Concordia encouragent les étudiants à vivre en français. « On leur montre que c’est faisable et que c’est pratique de tout faire en français, et on les aide à trouver des activités pour se tisser un réseau social francophone », dit Chesline Pierre-Paul, coordonnatrice du Centre. Des jumelages sont notamment faits avec des étudiants de l’Université de Montréal.

Le matériel dans les cours a été adapté à la réalité québécoise. Pendant des années, on a utilisé un manuel fait en France qui avait comme référence pour les transports en commun le TGV ou qui décrivait les beautés de l’Arc de Triomphe. La journaliste Céline Galipeau est entrée dans les livres, tout comme l’Acadie et la fête du Travail.

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Leila Darabi

Originaire d’Iran, Leila Darabi est arrivée au Québec il y a quatre ans et termine son baccalauréat en études françaises dans l’espoir de reprendre son métier de psychologue. « Avant, je dois améliorer mon français pour travailler avec les gens ici. Je dois parler français très couramment », dit-elle. Elle participe depuis deux ans aux groupes de conversation mis sur pied par l’université.

Mère d’une fille de 2 ans, elle souhaite s’établir pour de bon au Québec. C’est le genre d’histoire qui fait le bonheur de Chanel Bourdon. « Quand mes étudiants reviennent me voir pour me dire qu’ils restent ici avec leurs enfants, j’en ai les larmes aux yeux », dit la coordonnatrice du programme.