Enseigner à placer des fractions en ordre croissant, expliquer l’accord du participe passé : bien des parents ont découvert le printemps dernier que faire l’école à la maison n’avait rien de facile. Ce sont surtout les femmes qui ont eu la responsabilité d’enseigner quand les écoles ont été fermées en raison de la pandémie, révèle une étude de Statistique Canada.

Qui en fait le plus à la maison ? Voilà un terrain miné sur lequel bien des couples n’osent même plus s’avancer, mais Statistique Canada a trouvé un point sur lequel hommes et femmes s’accordent : ce sont les mères qui ont surtout été responsables de l’école à la maison en pandémie.

« Les hommes et les femmes vont dans le même sens, c’est un résultat assez solide », note Karine Leclerc, analyste pour le Centre des statistiques sur le genre, la diversité et l’inclusion de Statistique Canada.

Elle a signé une étude publiée lundi, dans laquelle la majorité des femmes (64 %) ont déclaré que c’était surtout elles qui étaient responsables d’enseigner à domicile ou d’aider les enfants à faire leurs devoirs. Un peu moins de la moitié des hommes (46 %) ont affirmé que c’était surtout à leur partenaire que cette tâche incombait.

Quand il est question de la petite enfance et des jeunes, la pédagogie est intimement associée aux femmes, rappelle la professeure de sociologie à l’Université du Québec à Montréal Francine Descarries.

« Ce sont les femmes qui ont payé le gros prix » de la pandémie, dit-elle, relevant qu’elles ont aussi été plus touchées par le chômage que les hommes dans les derniers mois.

Les vaccins ont beau commencer à être distribués, la pandémie n’est pas terminée. Des classes sont toujours fermées, et la résurgence des cas de COVID-19 pourrait donner lieu à d’autres fermetures d’écoles. Dans son étude, Karine Leclerc note que, « par conséquent, cela peut imposer un fardeau continu sur les parents, en particulier les mères ».

De manière générale, les femmes ont déclaré être celles qui accomplissaient principalement les tâches parentales pendant la pandémie. Francine Descarries utilise une « illustration-choc » pour faire parler les plus récents chiffres de Statistique Canada. Sur une année, calcule la sociologue, les femmes consacreraient « 6 semaines de 35 heures de plus que leur mari » aux tâches liées aux enfants, ce qui amène un « déséquilibre par rapport à la capacité de l’investissement professionnel, mais aussi à l’espace-temps dont vous disposez par rapport à l’autre », dit Mme Descarries.

Fait intéressant, quand les hommes travaillent de la maison ou sont sans emploi, le partage des tâches parentales semble favorisé, mais le contraire se produit quand ce sont les femmes qui restent à domicile. Elles sont alors plus susceptibles de dire qu’elles sont les principales responsables de ces tâches. « On ne se retrouve plus dans une répartition équitable », explique Karine Leclerc.

Les hommes « surestiment » leur contribution à certaines tâches

Quand vient le temps de jouer avec les enfants, de les mettre au lit ou de s’assurer qu’ils se couchent, une majorité de femmes et d’hommes disent le faire à parts égales.

Toutefois, les femmes disent en majorité être les seules responsables de rester à la maison avec les enfants (51 %) ou d’amener ou d’aller chercher les enfants à l’école, à la garderie ou au service de garde (55 %).

Ces tâches sont partagées équitablement, estiment pour leur part la moitié des hommes sondés par Statistique Canada.

Cette disparité dans les réponses ne surprend pas l’analyste de Statistique Canada. « A priori, on peut penser qu’il y a un problème avec l’enquête, mais d’autres études montrent que les hommes ont tendance à surestimer leur contribution », explique Karine Leclerc.

Francine Descarries utilise « une caricature » pour illustrer un autre phénomène qui pourrait être en jeu. « Une mère de famille peut faire à la fois du repassage, parler au téléphone et surveiller les enfants qui font les devoirs. Les femmes utilisent beaucoup le multitâche, alors que cette pratique est moins familière chez les hommes », dit la professeure.

La sociologue espère que la proximité avec les enfants vécue pendant la crise de la COVID-19 aura permis à certains pères de se sentir valorisés dans cette relation et qu’ils la maintiendront.

« Il y a tellement de choses dans les comportements parentaux qui sont liées à cette proximité. On l’a vu avec les congés de paternité, qui ont apporté des changements considérables. Même visuellement : les pères sortent seuls avec les enfants. On n’est plus dans la génération où les enfants tempêtaient pour que ce soit la mère qui les habille. Des changements se produisent, ils sont toujours trop lents à notre goût », note Mme Descarries.