Les élèves de maternelle d’une école de l’est de Montréal ont eu trois enseignantes différentes en trois jours d’école, à cause de la pénurie de personnel scolaire. Les parents de ces écoliers, qui vivent leur première rentrée scolaire, en mode COVID-19 de surcroît, sont inquiets du manque d’organisation et de stabilité.

Éliane Chaput n’aurait jamais pensé que la rentrée scolaire de sa fille Yanek allait se dérouler ainsi. « C’est dur sur un cœur de mère, dit-elle. Je me sens insécure et j’ai une seule envie : garder ma fille avec moi à la maison, le temps que les choses se placent ! »

Inscrite à l’école alternative publique Albatros à Anjou, sur le territoire du Centre de services scolaire de la Pointe-de-l’Île (CSSPI), Yanek et ses 16 camarades de classe ont eu des enseignantes différentes jeudi, vendredi et lundi. En arrêt de travail, l’enseignante de maternelle habituelle s’est fait remplacer par une enseignante enceinte, partie en congé d’invalidité après un seul jour d’enseignement. Puis, vendredi, une première remplaçante a pris la relève… et une deuxième lundi.

« L’enseignante régulière est partie pour un temps indéterminé, explique la directrice de l’école, Nathalie Germain, qui chapeaute deux établissements, les écoles des Roseraies et Albatros. C’est évident qu’il y a un gros problème de manque de personnel. »

Il manquerait actuellement 13 enseignantes à temps plein dans les écoles de la CSSPI. « Il y a des suppléantes qui font les remplacements, au jour le jour », dit Serafino Fabrizi, du Syndicat de l’enseignement de la Pointe-de-l’Île.

La recherche de suppléants demeure un enjeu, puisque la situation est fragile.

Il faut se préparer pour la suite, on ne sait pas ce qui s’en vient, une deuxième vague de COVID-19, par exemple.

Serafino Fabrizi, du Syndicat de l’enseignement de la Pointe-de-l’Île

Ce qui préoccupe les parents de l’Albatros, en ce moment, c’est la désorganisation générale de la rentrée de leurs petits. « On en vient à se demander : bon, ça va être qui aujourd’hui ? », se questionne Julie Bernèche, mère de Béatrice, 5 ans. C’est sûr qu’on veut de la stabilité. C’est leur première expérience d’école ! »

Pour le petit Benjamin, cette rentrée chaotique a été anxiogène. « Il me dit qu’il ne sait pas qui est sa prof, il est tout mêlé, confie sa mère Jacynthe Marion, elle-même enseignante de maternelle à contrat cette année. Il m’a même demandé de venir dans ma classe. »

Désorganisation

Préoccupée et stressée par cette rentrée atypique, Mme Marion est allée donner un coup de main à l’enseignante présente vendredi, après sa journée de travail. « Rien n’est prêt, le local est surchargé, les jeux et les jouets ne sont pas sortis, le matériel n’est pas prêt, dit-elle, visiblement découragée. Je me sens impuissante. »

Plutôt que d’inscrire leur fille à l’école de leur quartier, Sébastien Gaboury et sa conjointe ont choisi l’école alternative Albatros pour leur aînée Charlotte. « On nous en a beaucoup vanté les mérites, dit-il, mais là, j’ai déchanté pas mal. »

Selon lui, les changements répétés d’enseignants ont des conséquences jusque dans la cour d’école. Peu rassuré par le déroulement des deux premières journées d’école de sa fille, il a cru bon se pointer, sans avertissement, près de l’arrêt des autobus scolaires afin d’observer la prise en charge des enfants.

C’était désorganisé, il n’y avait personne pour accueillir les enfants. Ce sont les grands qui ont aidé et guidé les plus petits, complètement perdus dans la foule. Par chance, ma fille avait un ami de 6e année !

Sébastien Gaboury

Sébastien Gaboury et d’autres parents se mobilisent pour trouver des solutions et travailler avec la direction de l’école : « Je ne veux pas que d’autres parents d’enfants qui commencent l’école vivent ça ! »

La directrice Nathalie Germain a bon espoir que l’enseignante sur place lundi et mardi allait rester pour de bon. « Je pense à retourner dans la salle de classe, le temps qu’on trouve une solution, laisse-t-elle tomber. Je suis d’abord et avant tout une professeure, et comme administratrice, j’avoue que je me pose la question. »

Rappelons que le 20 août, La Presse révélait que 500 postes d’enseignants étaient à pourvoir, dont 90 réguliers, au Centre de services scolaire de Montréal, le plus important de la province. Pour ce qui est des surveillantes d’élèves, pour encadrer le service de dîner, par exemple, il y a toujours 50 postes à remplir sur 500 sur le territoire de la CSSPI seulement.