(Ottawa) Ottawa transfère 2 milliards aux provinces pour mieux assurer la sécurité des enfants du pays dont la rentrée scolaire se fait ces jours-ci.

De passage dans une école de Toronto, mercredi, le premier ministre Justin Trudeau s’est défendu d’avoir trop attendu avant de faire cette annonce. Au Québec, les enfants sont déjà de retour sur les bancs d’école ou se préparent à s’y retrouver dans moins d’une semaine.

Invité à expliquer pourquoi il a fallu tout ce temps pour qu’Ottawa intervienne, le premier ministre a d’abord évoqué la question des compétences, l’éducation relevant exclusivement des provinces.

« Nous, on ne va pas dire aux provinces qu’est-ce qu’elles devraient faire, mais on peut s’assurer que les provinces aient des ressources supplémentaires pour baisser le niveau d’anxiété des parents », a affirmé M. Trudeau.

« Ces ressources-là vont pouvoir aider pour amener des choses qui ne seraient peut-être pas une priorité, ou des choses auxquelles ils ne pensent pas maintenant, qui vont peut-être devenir nécessaires à la mi-septembre ou à la fin octobre », a-t-il supposé, en rappelant la possibilité d’une seconde vague de la pandémie.

Les 2 milliards seront distribués en fonction du nombre d’élèves de 4 à 18 ans dans chaque province et territoire.

Le Québec en récoltera 432,15 millions, l’Ontario 763,34 millions.

Argent sans condition ?

L’aide sera distribuée en deux versements, le premier à l’automne 2020, le second au début de 2021, après un exercice de reddition de comptes.

« Ce qu’on a demandé, c’est qu’en décembre, ils nous disent ce qu’ils ont fait avec l’argent, comment ils ont protégé les enfants, avant qu’on verse la deuxième moitié de cet argent », a offert M. Trudeau, en réponse à une question de journaliste.

Pourtant dans le discours qu’il a livré pour faire son annonce, il a assuré qu’il ne voulait pas empiéter sur les compétences provinciales.

« Ce sont mes collègues, les premiers ministres des provinces, qui ont la responsabilité d’assurer la sécurité de nos enfants en classe et celle des enseignants au travail. Mais notre gouvernement va être là pour les aider », a-t-il déclaré.

Le gouvernement fédéral calcule que les écoles pourraient avec cet argent améliorer leur système de ventilation, augmenter les mesures d’hygiène ou acheter de l’équipement de protection personnelle et des produits de nettoyage.

« Au cours des prochaines semaines, on va travailler main dans la main avec les provinces et les territoires pour que les fonds se rendent le plus vite possible », a-t-il promis.

Une somme supplémentaire de 112 millions ira aux Premières Nations pour la rentrée scolaire dans les réserves.

Des provinces froissées ?

Le premier ministre ontarien Doug Ford a révélé que certains de ses homologues, réunis en conférence téléphonique mardi, n’étaient « pas heureux que quelqu’un leur pile sur les pieds » et qu’ils se sont plaints d’un empiétement dans leur compétence.

« Je leur ai dit hier, les gars, on comprend ça », a relaté M. Ford lors de son point de presse mercredi. « Lorsque le premier ministre m’a parlé vendredi, la première chose qui est sortie de sa bouche c’était “Doug, je comprends que ce n’est pas de ma compétence, mais je veux seulement aider”. Et nous sommes reconnaissants pour ça et je veux remercier le premier ministre », a-t-il ajouté.

Québec faisait-elle partie des provinces froissées ? Au bureau du premier ministre François Legault, on a renvoyé les questions au sujet de l’aide d’Ottawa au cabinet de la ministre responsable des Relations canadiennes, Sonia LeBel.

« À l’aube de cette rentrée scolaire bien particulière, nous accueillons favorablement l’annonce du gouvernement fédéral. Il est primordial que nous ayons la flexibilité pour utiliser cet argent selon nos priorités », a fait savoir la ministre LeBel dans une déclaration écrite.

Elle a indiqué que le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, consultera ses partenaires du réseau scolaire afin de déterminer les priorités pour investir les quelque 216 millions auxquels Québec aura droit dès cet automne.

La vice-première ministre, Geneviève Guilbault, a elle aussi fait preuve de prudence.

« C’est sûr que, comment dire, des fois, les sommes du fédéral sont entre guillemets “tagguées”, dans le sens où on nous contraint à les dépenser pour certaines choses », a-t-elle laissé tomber.

D’autres réactions au Québec

La Centrale des syndicats du Québec (CSQ) a saisi l’occasion pour critiquer le gouvernement Legault.

« Devant un gouvernement de la CAQ qui fait la sourde oreille envers les besoins réclamés en éducation et en santé, le Canada répond à un désengagement », a écrit Sonia Éthier, présidente de la CSQ, dans un communiqué publié mercredi après-midi.

À l’Assemblée nationale, avant même de connaître les détails de l’annonce, les partis d’opposition ont exigé qu’Ottawa verse l’argent aux provinces sans faire de chichis.

« On demande juste au gouvernement fédéral de déposer le chèque et le Québec devra faire ce qu’il a à faire avec cet argent-là », a lancé Martin Ouellet, leader parlementaire du Parti québécois.

Le NPD veut des conditions

Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD) dit qu’il réclame cette aide aux provinces depuis longtemps.

« On comprend les inquiétudes des parents. Et c’est exactement pour ça qu’on a poussé pour ces mesures depuis des semaines », a déclaré Jagmeet Singh dans un point de presse à Toronto, mercredi matin.

M. Singh s’est présenté devant une école primaire de Toronto, une heure avant l’annonce faite par le premier ministre Trudeau dans une autre école de la même ville.

À ses côtés, une députée provinciale ontarienne, Marit Stiles, s’en est prise au gouvernement provincial. L’élue néo-démocrate de Queen’s Park a également reproché à Ottawa d’avoir tardé à offrir cette aide aux provinces. « Quand tu remets ton devoir cinq semaines en retard, on ne te donnera pas un A », a-t-elle lancé.

« Nous avons besoin de classes plus petites. Donc les dollars (du fédéral) aux provinces devraient être attachés à cette exigence qui rend le retour à l’école plus sécuritaire », a réclamé le chef néo-démocrate, faisant fi du fait que l’éducation est de compétence provinciale.

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Les sommes maximales allouées par province et territoire :

– Alberta : 262,84 millions

– Colombie-Britannique : 242,36 millions

– Manitoba : 85,41 millions

– Nouveau-Brunswick : 39,79 millions

– Terre-Neuve-et-Labrador : 26,18 millions

– Territoires du Nord-Ouest : 4,85 millions

– Nouvelle-Écosse : 47,88 millions

– Nunavut : 5,75 millions

– Ontario : 763,34 millions

– Île-du-Prince-Édouard : 10,39 millions

– Québec : 432,15 millions

– Saskatchewan : 74,90 millions

– Yukon : 4,16 millions