(Québec) La réforme de l’éducation du gouvernement Legault est en voie d’être adoptée sous le bâillon, et de nouveaux amendements par le gouvernement font augmenter la colère des partis d’opposition.

« Méprisant », « Arrogant », « Cynique » : l’opposition à Québec ne mâchait pas ses mots, tard vendredi, pour dénoncer un amendement de dernière minute qui, selon les partis, vient éliminer toute période de transition pour les commissaires élus, qui perdraient leur emploi dès la sanction qui devrait être prononcée dans les prochaines heures.

La porte-parole du Parti québécois en matière d’éducation, Véronique Hivon, a dit croire que le gouvernement caquiste « ajoutait l’insulte à l’injure » en déterminant que la sanction ferait foi de tout, alors que le projet de loi prévoyait plutôt la date du 29 février pour l’abolition des élections scolaires et des commissaires.

Le leader parlementaire de Québec solidaire Gabriel Nadeau-Dubois a parlé d’« un geste cynique et méprisant ».

La porte-parole du Parti libéral Marwah Rizqy a déploré un « spectacle » et un manque flagrant de transparence.

« Nous recevons des courriels de comités de parents — plus de trente — pour dire que le projet de loi 40 n’est pas la solution. Ces parents doivent aussi être entendus. Les oppositions sont bâillonnées, et les commissaires sont congédiés », a-t-elle déclaré en point de presse.

Elle a aussi dit croire que la communauté anglophone avait « parlé à un mur » avec l’attitude du gouvernement.

Le recours au bâillon pour adopter le projet de loi très controversé de 300 articles et 160 amendements ouvre la porte aux dérives et mine la démocratie, avaient déjà dénoncé tour à tour autant les partis d’opposition, que les syndicats, les commissaires scolaires et les fédérations de parents.

Après plus de 60 heures en étude détaillée en commission parlementaire, le gouvernement Legault a décidé qu’il en avait assez et a invoqué la procédure accélérée d’adoption.

Le projet de loi 40 prévoit notamment l’abolition des élections scolaires et des commissaires, mais comporte une foule d’autres dispositions qui « saccagent la Loi sur l’instruction publique », a dénoncé le chef intérimaire de l’opposition officielle, Pierre Arcand.

Le texte législatif aborde entre autres la formation du personnel enseignant, les conseils d’établissement, les regroupements de services, le choix de l’école, les rapports, la révision des notes, le rôle du directeur, etc.

En Chambre, le premier ministre François Legault a invité l’opposition à « aller dans les centres commerciaux pour demander aux gens s’ils souhaitent conserver les élections scolaires ou non ».

Le ministre délégué Éric Caire a pour sa part fait valoir que le gouvernement allait économiser 10 millions en abolissant les élections. Il a plaidé que les commissions scolaires sont une « hypothèque à la réussite scolaire », en ajoutant que le projet de loi redonne le pouvoir aux parents, qui siégeront aux conseils d’établissement des écoles.

« Les parents ne sont pas des géniteurs incompétents », a-t-il affirmé.

Populisme

Plus tôt vendredi, le président de la Fédération des commissions scolaires (FCSQ), Alain Fortier, a quant à lui évoqué la « violence politique ». D’autres disaient s’inquiéter pour l’avenir.

« C’est hallucinant, c’est très dangereux, et démocratiquement, c’est une descente aux enfers qu’on est en train de préparer, a dénoncé la commissaire scolaire Paulette Simard Rancourt, en mêlée de presse. Ça ne s’arrêtera pas là, la perte de démocratie au Québec, parce que quand on est capable d’imposer de tels changements qui impliquent une démocratie bafouée, on peut s’attendre à ce que ça continue. »

La FCSQ reproche ainsi aux caquistes de retirer aux francophones le droit d’élire leurs représentants scolaires, tandis que les anglophones conserveront ce droit de vote. Sur cette base, la Fédération en appellera aux tribunaux.

« On veut faire taire les voix contraires au Québec », a lancé M. Fortier, en déplorant qu’on perdrait ainsi le contre-pouvoir des élus scolaires de proximité.

Recours

La Fédération autonome de l’enseignement (FAE) a fait savoir, vendredi, qu’elle ira au bout de tous les recours possibles, pour faire invalider la future loi. Elle entend entre autres contester notamment les heures de formation imposées dans le projet de loi, parce qu’elles n’ont pas été convenues, comme il est coutume de le faire, dans un processus de négociation libre entre les deux parties.

« Ne nous laissons pas abattre par ces coups ignobles qui sont portés par celui qui a fait le choix de nous tourner le dos, a déclaré le président de la FAE, Sylvain Mallette, en conférence de presse au parlement. Nous avons un devoir de résistance. »

Des présidents de comités de parents représentant au total 500 000 enfants ont demandé au gouvernement de reculer et de ne pas adopter par bâillon le projet de loi 40.

La Fédération des comités de parents doit d’ailleurs se réunir samedi en conseil général.

C’est la quatrième bâillon de la le CAQ en seulement huit mois. Le gouvernement a fait adopter la loi sur la laïcité, la réforme de l’immigration et la loi sur la déréglementation des tarifs d’Hydro-Québec en mettant fin abruptement aux travaux.