(Québec) Les deux New-Yorkais pro-maternelles 4 ans qui sont venus témoigner en commission parlementaire toutes dépenses payées ont rendu «un service à la nation québécoise», s’est défendu mercredi le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge.

Le ministre s’est ainsi justifié d’avoir déboursé 4825 $ du budget de son ministère afin de couvrir les frais de déplacement, de repas et d’hébergement de Carlyn A. Rahynes et Rafael Alvarez.

Ces responsables de l’implantation d’un réseau universel de prématernelle 4 ans à New York ont témoigné en commission parlementaire le 5 juin dernier en faveur du projet de loi du ministre.

Normalement, les groupes qui se déplacent à Québec pour présenter un mémoire doivent couvrir leurs propres dépenses.

Mercredi, les partis d’opposition à l’Assemblée nationale ont uni leurs voix pour dénoncer la situation. Selon eux, il est inacceptable de se servir des fonds publics pour rembourser les dépenses d’alliés, et de refuser de le faire pour tous les autres groupes.

«C’est la première fois qu’on a un ministre qui devient une agence de voyages, qui "book" l’hôtel, le billet d’avion, qui fait venir à grands frais des experts, des pseudo-experts», a martelé la porte-parole libérale en éducation, Marwah Rizqy.

M. Roberge a répliqué en mêlée de presse que selon lui, les deux New-Yorkais avaient rendu «un service à la nation québécoise».

«Il faut comprendre que les experts internationaux qui sont venus, sont venus rendre un service à la nation québécoise en nous informant de la façon dont ça s’est fait, et de la meilleure façon pour éclairer nos travaux», a-t-il dit.

Il a refusé de rembourser les 4825 $ aux Québécois, affirmant que ceux-ci obtiendraient «un rendement sur leur investissement exceptionnel».

«Je pense que c’est totalement inacceptable qu’il dise ça aux Québécois, a déclaré la députée Christine Labrie, de Québec solidaire (QS). Ça ne devrait pas être des fonds publics qui sont engagés pour défendre une option politique.»

Par ailleurs, le ministre Roberge, qui est député depuis 2014, a déclaré qu’il ne savait pas qu’une commission parlementaire pouvait faire comparaître un groupe par visioconférence, comme cela s’est déjà produit à au moins deux reprises depuis son élection.

De la «grossière négligence», selon la députée péquiste Véronique Hivon, qui blâme aussi le ministre pour avoir colporté «des choses qui ne sont pas la vérité» la veille en disant qu’il était impossible de faire de la visioconférence.

«Ce qui se passe, c’est vraiment pas banal, a-t-elle déclaré en point de presse. D’avoir un ministre qui a refusé d’entendre plusieurs experts québécois, et qui, dès le départ, a amené comme premier groupe des experts de l’étranger pour essayer de faire valoir son point de vue.

«On apprend qu’il a payé pour ces experts-là, et ensuite, il invoque des arguments qui ne tiennent pas la route pour essayer de se justifier comme quoi il ne pouvait pas les faire comparaître par visioconférence. C’est très grave», a-t-elle renchéri.

Le ministre Roberge a par la suite concédé qu’il demandera à des experts de témoigner par visioconférence «la prochaine fois».

Mardi, QS a demandé à la commissaire à l’éthique d’enquêter sur la manœuvre du ministre. Le Parti québécois avait déjà alerté en juin le président de l’Assemblée nationale, François Paradis.

Les partis d’opposition s’inquiètent en outre du mélange des genres, c’est-à-dire de la possible ingérence du pouvoir exécutif dans le processus législatif.

L’étude détaillée du projet de loi 5, qui permettrait le déploiement de la maternelle 4 ans universelle au Québec, et non pas seulement dans les milieux défavorisés, se poursuit pour les prochaines semaines.

Fait à souligner, le ministre a tôt fait de refuser d’enchâsser dans la loi une date pour le déploiement de la maternelle 4 ans pour tous, pourtant promis d’ici 2023 par son parti en campagne électorale.

Il s’est défendu en disant qu’il pourrait y avoir dans les prochaines années des impondérables pouvant empêcher tel déploiement, tels que des inondations ou l’arrivée massive de réfugiés, par exemple.