(Montréal) La communauté anglophone de Montréal a été durement touchée par la réalité démographique de l’est de la ville, mardi, lorsque le ministre de l’Éducation a annoncé qu’il enclencherait le processus pour transférer trois écoles anglophones dans le système scolaire francophone.

Le ministre Jean-François Roberge a fait valoir qu’à compter du mois de septembre, il manquera 3000 places à la Commission scolaire de la Pointe-de-l’Île, alors que certaines écoles anglophones du même secteur seront presque à moitié vides.

« Une classe vide n’est utile à personne, a soutenu le ministre devant les journalistes. Il faut s’élever au-dessus d’un débat partisan ou un débat francophones versus anglophones. »

Mais un débat entre francophones et anglophones a bel et bien eu lieu mardi lorsqu’il a annoncé sa décision en entrevue à la station radiophonique 98,5 FM, avant même d’en informer d’abord la Commission scolaire English Montreal.

La commission scolaire a réagi en tenant une conférence de presse pour dénoncer cette « trahison ».

« Je trouve que c’est cavalier, parce que nous avons une communauté, des parents qui attendent de savoir où vont leurs jeunes, des employés qui attendent de savoir ce qui va se passer », a déclaré Angela Mancini, présidente de la commission scolaire.

« Je pense que ça aurait été important que le ministre prenne l’opportunité de nous parler pour qu’on puisse, nous, préparer notre communauté », a-t-elle ajouté.

Le poids démographique des communautés anglophones du Québec a diminué au cours des dernières décennies, mais Montréal a gardé sa masse critique de centaines de milliers d’anglophones. L’est de la ville compte cependant une population croissante d’immigrants, dont les enfants ne peuvent entrer dans le système scolaire anglophone en vertu de la loi.

Aucune entente avant l’échéance

Le mois dernier, le ministre de l’Éducation du Québec avait donné aux commissions scolaires anglophone et francophone du secteur jusqu’au 10 juin pour qu’elles négocient un accord visant à réduire la surpopulation dans les écoles francophones.

« Comme l’échéance d’hier est passée, on enclenche le processus qui va mener à une prise de décret au conseil des ministres. Ce n’est vraiment pas de gaieté de cœur », a souligné le ministre.

C’est la deuxième fois en six mois que le gouvernement utilise une disposition de la Loi sur l’instruction publique qui autorise les transferts forcés. Plus tôt, c’était une école secondaire anglophone de l’ouest de l’île de Montréal qui avait dû être transférée dans le système francophone.

M. Roberge s’est dit ouvert à écouter toute proposition de dernière minute qui pourrait éviter le transfert.

En mai, une lettre du ministre à la commission scolaire anglophone avait été révélée dans les médias. Le ministre disait à la commission scolaire qu’il comptait transférer les trois écoles de Montréal — les écoles primaires General Vanier et Gerald McShane, ainsi que l’école secondaire John Paul I — dans le système francophone en septembre prochain.

Un jour après la publication de la lettre, le ministre Roberge se disait déçu que l’information ait circulé publiquement. Il avait déclaré que les négociations sur la réduction de la surpopulation se poursuivaient depuis des années sans arriver à une solution et que les commissions scolaires avaient encore un mois pour parvenir à un accord.

Selon Mme Mancini, cette lettre envoyait le message à la commission scolaire francophone qu’elle n’avait pas à négocier, car le gouvernement prévoyait procéder au transfert ultimement.

Une cohabitation ?

Mme Mancini indique que sa commission scolaire a proposé plusieurs solutions, dont la cohabitation avec la commission scolaire francophone, mais les parties ne sont pas arrivées à une entente.

Le ministre Roberge parle de la cohabitation comme d’une solution uniquement « à court terme ».

« Ce n’est pas des conditions idéales, si on veut faire la francisation des nouveaux arrivants, quand on est dans une école où il y a plusieurs anglophones en même temps, a-t-il expliqué. Ce n’est pas l’idéal, mais à court terme, ça peut nous aider. »

L’Association des commissions scolaires anglophones du Québec accuse toutefois le gouvernement de pénaliser la communauté.

Russell Copeman, directeur général de l’association, affirme que son regroupement et la commission scolaire examinent leurs options, dont la contestation judiciaire — selon lui, la communauté anglophone a le droit constitutionnel de contrôler et de gérer son système scolaire.

« Nous préférerions, de loin, une entente négociée, a indiqué M. Copeman. Ce gouvernement ne semble pas vouloir laisser le système faire ce qu’il doit faire en temps opportun pour résoudre ces problèmes. »