Deux étudiants en médecine ont mis sur pied des ateliers pour les adolescents qui visent à déconstruire certains mythes autour de l’utilisation des nouvelles technologies et à rappeler qu’en la matière il y a toujours lieu d’apporter de la nuance. La Presse a assisté à l’un d’eux.

Ah, les ados ! Toujours sur leurs cellulaires, incapables de s’exprimer autrement que par le truchement des appareils électroniques… Au fait, sont-ils plus vulnérables aux réseaux sociaux que les adultes ? C’est le mythe auquel s’attaque justement Charles-Antoine Barbeau-Meunier, venu à l’école secondaire Jeanne-Mance à Montréal pour donner un atelier sur le « bien-être numérique ».

« Mes parents sont plus addicts que moi, observe Denzel, 16 ans. Je ne suis pas toujours sur Facebook et Instagram, tandis que mes parents, tout le temps. »

L’animateur et étudiant en médecine à l’Université de Sherbrooke intervient. « Tes parents, ce sont des ados ? » La quinzaine de jeunes devant lui rigolent.

Antoine, le plus volubile du groupe, en rajoute une couche. « Ma mère, quand elle mange du spaghetti, elle veut prendre une photo de son spaghetti. »

De l’anecdotique, Charles-Antoine Barbeau-Meunier ramène les élèves au portrait général. Que dit la science à ce sujet ? Il présente des études, parle de construction de l’identité sociale, du cerveau adolescent en changement. « Il devient plus sharp à l’adolescence », explique celui qui fait également un doctorat en neuro-imagerie.

Ces ateliers d’« autodéfense numérique » ont été conçus pour les élèves de troisième à cinquième secondaire par Charles-Antoine Barbeau-Meunier et Djamila Saad, qui étudie en médecine à l’Université McGill. Ils seront offerts à plus grande échelle dans les écoles à compter de septembre, notamment grâce à une bourse obtenue de La Génératrice, qui permet à de jeunes Montréalais de créer un projet d’« engagement citoyen ».

« On veut offrir une approche nuancée. Par exemple, si on lit sur l’impact des nouvelles technologies sur l’attention, le TDAH, on trouve des articles rapportés dans les médias [qui sont] polarisants, comme quoi c’est mauvais ou encore qu’il ne faut pas s’en faire. Ce qu’on veut, c’est démystifier tout ça. » — Charles-Antoine Barbeau-Meunier, étudiant en médecine à l’Université de Sherbrooke

Surtout, pas question de se poser en donneur de leçons. « On ne va pas vous dire comment vivre votre vie », leur dit d’ailleurs d’emblée Charles-Antoine Barbeau-Meunier. Il ne sort pas plus l’épouvantail de la cyberdépendance devant ces ados, qui n’étaient même pas nés quand des chercheurs ont commencé à s’y intéresser. « L’addiction, c’est un diagnostic clinique », leur rappelle-t-il, replongeant dans les faits scientifiques. Ce qui ne l’empêche pas de donner des ressources à ceux qui pourraient avoir besoin d’aide.

Approche critique

En entrevue, il s’étonne que les jeunes qu’il a jusqu’ici rencontrés dans des ateliers aient déjà une approche critique des nouvelles technologies.

En effet, nombre d’entre eux semblent avoir discerné les dérives possibles. « Des fois, tu vas au resto, et les gens sont tous assis autour d’une table sur leur téléphone cellulaire », observe Kevin. « Si t’es toujours sur ton cellulaire, ton cerveau ne sera pas assez développé. Il faut trouver une balance entre les deux », ajoute plus tard une étudiante.

Encore là, Charles-Antoine Barbeau-Meunier rapplique avec des études. Rien n’est aride et, même quand il cite Horace, « un badass », les jeunes l’écoutent avec attention.

« Je suis l’un des plus vieux jeunes du projet, dit Charles-Antoine Barbeau-Meunier, 31 ans. J’ai beaucoup d’intérêt pour la culture jeunesse, je suis attentif à ces mouvements-là qui évoluent très vite. C’est l’un des défis, on veut rejoindre les jeunes culturellement, avec un langage qui parle du quotidien. »

Car, pour les ados comme les adultes, le cellulaire est un objet du quotidien. « C’est leur deuxième cœur », dit leur enseignante Marie-Noëlle Lanneville. Dans ce cas, mieux vaut apprendre à s’en servir.