« Nous, on sait ce qui s’en vient et on a mal au ventre », lance Diane Lamarche-Venne, présidente de la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSMB), très inquiète de la pénurie d’enseignants qui plonge son organisation dans une crise sans précédent.

À la prochaine rentrée scolaire, la CSMB estime qu’elle aura besoin de 150 à 300 nouveaux enseignants.

« On est devant un mur », constate Mme Lamarche-Venne.

Pourquoi cette sortie exceptionnelle à La Presse alors qu’elle fait en général profil bas ?

« J’ai un souci de ne pas ameuter la population pour rien », répond-elle.

De fait, c’est à huis clos que le document « Pénurie d’enseignants : état de la situation et plan d’action » (portant l’étiquette « confidentiel ») a été discuté à l’assemblée des commissaires la semaine dernière.

Nous l’avons cependant demandé, et on nous l’a remis.

Il donne la mesure de l’ampleur de la crise qui frappe cette commission scolaire, la deuxième en importance au Québec et qui, à Montréal, compte tant d’écoles surpeuplées que certaines ont cessé d’inscrire de nouveaux élèves l’automne dernier.

La CSMB a actuellement « 125 enseignants non légalement qualifiés dont 50 % travaillent sous contrat au secteur Jeunes alors qu’elle n’en comptait aucun en 2015-2016 », peut-on lire dans le document.

Plus loin, il est précisé qu’en 2017-2018, la CSMB a reçu 45 000 demandes de suppléance pour des enseignants du primaire, ce qui représente environ 247 demandes de suppléance par jour. « Seulement 77 % de ces demandes ont été comblées », est-il précisé.

C’est dire le nombre important d’élèves dont la ou le titulaire était en congé prolongé et qui ont vu défiler dans leur classe tout un ballet de remplaçants depuis août.

Des exemples ? Mme Lamarche-Venne dit qu’elle préfère ne pas en donner. Gros mal de tête, manifestement.

« Nous avons des discussions avec le Ministère, avec les universités. On en parle, mais ça ne va pas assez vite. Ça ne marche pas », dit Mme Lamarche-Venne.

Les grands moyens

Les grands moyens sont donc maintenant pris et le tapis rouge, déroulé pour les bacheliers.

La CSMB a notamment décidé d’offrir à ses stagiaires des postes dans l’école de leur choix, en leur demandant de donner trois choix. Elle prend donc le risque que des écoles n’aient finalement pas de besoins réels à la rentrée et, partant, que certaines se retrouvent avec une enseignante en surplus. Mme Lamarche-Venne fait aussi le pari que les stagiaires se seront attachés à leur école et ne demanderont pas tous les mêmes établissements.

Cela pourrait coûter cher, suggère-t-on. Les commissions scolaires, menacées de disparaître et sommées depuis des années d’effectuer des coupes, peuvent-elles se le permettre ?

« On n’est plus rendu à dire qu’il faut économiser. Ce qu’on veut, c’est de s’assurer d’un enseignement de qualité. »

— Diane Lamarche-Venne, présidente de la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys

En ce sens, il est urgent, selon la CSMB, de donner une formation en pédagogie aux 125 enseignants actuellement en poste, mais non légalement qualifiés (qui ont par exemple un baccalauréat en mathématiques, en histoire ou en géographie, mais pas de brevet).

Elle presse donc le gouvernement de lui permettre de les former à l’interne grâce à un certificat d’études à distance qu’elle vient d’élaborer avec TELUQ.

Elle réclame aussi du gouvernement Legault une somme de 855 000 $ pour payer ce projet-pilote avec TELUQ et pour mener à bien diverses autres initiatives.

Entre autres choses, la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys compte organiser des missions de recrutement d’enseignants en France et en Belgique dans quelques mois.

Des besoins toujours plus grands

Parce que des enseignants, ici, ça ne pleut pas. Les universités peinent à attirer des étudiants dans leurs programmes en enseignement. Mme Lamarche-Venne donne l’exemple de l’Université du Québec à Montréal, qui s’attend à plus ou moins 200 finissants par année en enseignement préscolaire et primaire, alors que c’est ce dont la seule CSMB aurait besoin.

Or, les écoles de la CSMB ont besoin d’un nombre d’enseignants toujours plus élevé d’année en année.

La population, notamment dans l’arrondissement de Saint-Laurent, a explosé ces dernières années.

L’augmentation du nombre de classes à ratio réduit (maternelle 4 ans, classes d’accueil, besoins particuliers, etc.) s’est traduite par un ajout de 275 classes par rapport à il y a trois ans. Les congés de maternité ou de maladie et les nombreux départs à la retraite expliquent aussi les besoins qui explosent.

« Si cet état des lieux expose l’urgence d’agir, conclut le document détaillant la situation, il n’est pourtant que le portrait de la situation du personnel enseignant, laissant deviner tous les autres besoins de personnel en service direct aux élèves, notamment pour les techniciens en éducation spécialisée et les professionnels. Le portrait n’est guère plus rassurant. »