« Faites votre part, nos assiettes sont vides », ont scandé les parents, habitants du quartier de Pointe-Saint-Charles et travailleurs communautaires devant l'école primaire Charles-Lemoyne.

Des dizaines de personnes se sont rassemblées à la sortie des classes pour demander de maintenir les dîners à 1 $ pour les familles défavorisées à l'automne prochain.

Comme 13 autres écoles à Montréal, Charles-Lemoyne a grimpé dans le classement de défavorisation des établissements scolaires. Résultat : elle ne se qualifiera plus, à compter de l'automne, pour les repas du midi subventionnés à 1 $.

« Ça veut dire que des enfants qui paient 1 $ pour dîner à l'école devront payer 5 $ pour le repas plus 3 $ en frais de garde du midi », a expliqué Camille Trudelle, porte-parole d'Action-Gardien, un organisme communautaire. Une somme importante pour plusieurs familles.

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C'est le Comité de gestion de la taxe scolaire de l'île de Montréal qui donne les enveloppes aux commissions scolaires, en fonction de l'indice de défavorisation des écoles. Celui-ci est calculé selon le revenu des familles dans un secteur donné. Or, des organismes communautaires dénoncent l'embourgeoisement de certains quartiers traditionnellement moins nantis et, surtout, l'effet sur les gens moins fortunés. « Depuis le recensement de 2016, il y a des familles avec plus d'argent qui s'installent dans le quartier », note Mme Trudelle. Pour elle, ça veut dire qu'un enfant « traîne le bagage socio-économique de son voisin ».

Les calculs permettant de classer les écoles sont complexes. Des écoles qui n'y avaient pas droit vont pour leur part accéder aux repas à 1 $ en fonction de la mise à jour, faite tous les cinq ans. Même si une école obtient les dîners à 1 $, la mesure ne s'applique pas à tous les enfants la fréquentant, mais bien aux familles ayant de faibles revenus. À l'école Ludger-Duvernay, dans Saint-Henri, c'est le tiers des enfants, estime Action-Gardien. À l'école Charles-Lemoyne, 195 enfants sur 300 profitent des repas à 1 $.

Inquiétudes

Les jumeaux de cinq ans et demi et la fille de 7 ans de Nilufar Akhter en font partie. La mère s'est dite « inquiète ». « Je ne sais pas ce que je vais faire », a-t-elle confié. Pour la mère au foyer et son mari, employé dans un restaurant, ça voudrait dire passer de 3 $ par jour à 24 $. « C'est beaucoup, pour moi », a-t-elle souligné.

Elle aimerait aussi que les services d'alimentation en milieu scolaire s'attaquent au gaspillage, trop fréquent, selon la femme qui a travaillé un an et demi au service de dîner. « Ça me déçoit, on jette beaucoup de nourriture », a-t-elle ajouté.

« Les enfants sont bien [en dînant à l'école], ça évite les déplacements », a dit de son côté Véronique Dejean, aussi touchée par cette mesure. La perte de collations le matin pour ses jumelles de 10 ans la préoccupe également, puisque ses filles n'ont pas d'appétit pour déjeuner.

La Commission scolaire de Montréal (CSDM), qui compte 10 écoles où l'aide sera retirée et 5 écoles qui bénéficieront nouvellement des repas à 1 $, estime que la solution serait une mesure de repas subventionnés pour tous les élèves.

« On demande au gouvernement du Québec depuis l'an dernier avec d'autres partenaires, dont les organismes communautaires, une mesure universelle, pour ne plus être dans ce type de calcul là », a dit au téléphone la présidente de la CSDM, Catherine Harel Bourdon. Elle dit n'avoir reçu aucune réponse, ni au provincial ni au fédéral.

En attendant, « on va essayer de notre côté de trouver certaines mesures pour aider », a-t-elle ajouté.