Des muffins au pot en passant par les parents qui fument, le ministère de l'Éducation a reçu de nombreuses questions de ses employés depuis la légalisation du cannabis l'année dernière.

À l'entrée en vigueur de la loi légalisant le cannabis en octobre dernier, le ministère de l'Éducation du Québec a invité ceux qui travaillent dans le réseau scolaire à lui faire part de toute question sur le cannabis par le truchement d'une adresse courriel. Les inquiétudes vont des muffins au pot aux employés qui fument.

Ces courriels obtenus en vertu de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics - caviardés pour masquer l'identité des expéditeurs - ouvrent une porte sur certaines inquiétudes vécues dans les établissements d'enseignement.

Une enseignante craint par exemple de voir des parents aux facultés affaiblies arriver à l'école. « Plusieurs parents consomment de la marijuana, écrit-elle. Si un parent vient à une rencontre et qu'on constate qu'il a consommé, quels sont nos droits et que pouvons-nous faire ? »

Le Ministère lui suggère de se « référer aux autorités en place », tout en rappelant que plusieurs municipalités ont adopté une réglementation relative au cannabis, « dont certaines prévoient des dispositions à l'endroit des personnes ayant les facultés affaiblies par le cannabis ».

Une autre personne écrit qu'en « discutant avec une collègue » et en se remémorant un film où il était question d'une entreprise fabriquant des muffins au pot, une question lui est venue à l'esprit.

« Comment devrons-nous gérer ce genre de situation, le cas échéant ? », demande-t-elle.

« Des bonbons au pot, à quoi ressemblent ces derniers ? Et qui mange des muffins ordinaires ou au pot ? Comment faire la distinction ? »

- Extrait d'un courriel d'une citoyenne envoyé au ministère de l'Éducation du Québec, obtenu en vertu de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics

Elle est renvoyée par le ministère de l'Éducation à des programmes de prévention en matière de dépendance, et on lui rappelle qu'il y a une « interdiction formelle » de posséder du cannabis à l'intérieur d'une école ou sur le terrain de celle-ci.

Un « établissement d'éducation privée » se demande pour sa part si ses employés peuvent fumer du cannabis en dehors des heures de classe.

« Nous avons plusieurs personnes de notre faculté qui résident sur le campus en tout temps. [...] Nous avons pu comprendre qu'aucun individu n'a droit de posséder du cannabis sur un terrain d'un établissement scolaire », lit-on. Le fait que des employés résident sur leur lieu de travail leur en donne-t-il la permission ? demande-t-on. Non, répond en substance le ministère de l'Éducation, qui note dans un autre courriel que même les élèves présentant des ordonnances médicales doivent se conformer à cette interdiction.

La quantité de cannabis que peuvent avoir les gens en leur possession soulève également des interrogations.

« Que devra faire le directeur d'école qui, lors d'une intervention à l'école, saisit une quantité de cannabis inférieure à 5 g ? Devra-t-il continuer de déclarer la situation à la police ou devra-t-il s'arranger seul pour l'intervention et la destruction du cannabis ? », interroge une autre personne. Elle se fait répondre de déposer les objets saisis « dans un sac prévu à cet effet en présence d'un témoin » et de les remettre à un policier.

Les inspections dans les écoles, rappelle le Ministère, se font sans avertissement préalable. « Il y a obligation de permettre l'accès aux terrains et aux bâtiments de l'établissement à des fins d'inspection », faute de quoi, rappelle-t-on, les établissements s'exposent à une amende.

« J'en ai confisqué, des biscuits »

La Fédération québécoise des directions d'établissement d'enseignement (FQDE) dit qu'elle n'a pas eu à répondre à davantage de questions des directions d'école depuis l'entrée en vigueur de la loi légalisant le cannabis.

« On continue à appliquer un règlement qui était là au départ, dit sa présidente Lise Madore. J'en ai confisqué, des biscuits au pot, il y en avait avant la légalisation ! Est-ce que les jeunes vont se mettre à en manger plus quand ils vont avoir un accès plus facile à des produits qui se mangent ? Tout est dans la mode, la façon dont ça sera mis sur le marché. »

La Fédération des commissions scolaires du Québec a quant à elle « accompagné » ses membres qui voulaient revoir leurs politiques en matière de drogues et d'alcool. « Il ne semble pas y avoir d'inquiétudes particulières, c'est quelque chose à quoi on devait déjà faire face », souligne sa porte-parole, Caroline Lemieux.

- Avec William Leclerc, La Presse