Les parents feront peut-être quelques économies lorsque le projet de loi caquiste encadrant les frais scolaires - et les règlements qui l'accompagneront - entrera en vigueur d'ici quelques mois, mais sans plus. De toute façon, ils sont nombreux à accepter la facture actuelle.

C'est ce qu'a exposé jeudi le ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge, qui a déposé le projet de loi 12 visant à préciser la portée du droit à la gratuité scolaire et à permettre l'encadrement de certaines contributions financières pouvant être exigées.

Attention : l'objectif premier du gouvernement n'est pas de réduire la facture des parents, a-t-il tenu à souligner en point de presse, mais bien de « clarifier la situation ». À l'heure actuelle, les frais scolaires varient d'une région à l'autre.

« Il y aura à la fin des économies pour les parents, parce que dans le projet de loi on précise qu'il ne peut plus y avoir aucun frais d'administration ou d'admission, ce qui était facturé à plusieurs endroits », a-t-il plaidé.

Il ajoute que les coûts facturés devront obligatoirement refléter les coûts réels, c'est-à-dire qu'un article qui coûte 13,50 $ ne pourra être facturé à 15 $. « Il n'y a aucun droit d'arrondir de quelque façon pour financer l'école d'une manière un peu tout croche. »

Toutefois, une chose est claire : les frais scolaires sont là pour rester, a statué le ministre. Un sondage réalisé en janvier par le gouvernement, auxquels ont participé 33 324 personnes - dont 83 % sont des parents - démontre qu'une majorité de parents sont « très satisfaits ou plutôt satisfaits du partage actuel des frais scolaires entre l'école et les parents ».

Lorsqu'elle était dans l'opposition, la Coalition avenir Québec (CAQ) voulait « abolir une fois pour toutes les frais abusifs imposés par les commissions scolaires ». M. Roberge se scandalisait entre autres des frais de surveillance du midi dans les écoles secondaires. Ils sont maintenus.

« (Les parents) ne nous demandent pas de changer de tout en tout la facture, ils veulent que ce soit plus clair, un peu plus équitable, mais ils disent que grosso modo, la facture actuelle, ça leur convient », a déclaré M. Roberge.

Jeudi, il a expliqué que les Québécois devront attendre le dépôt de règlements, après l'adoption du projet de loi, avant de pouvoir avoir l'heure juste sur ce qui va être gratuit ou non. Ces règlements fixeront entre autres des montants maximums pouvant être facturés aux parents pour le transport scolaire le midi et le service de dîneurs au primaire.

À défaut de fournir aux journalistes une liste exhaustive de ce qui sera gratuit, il a donné quelques exemples.

Ce qui devra être gratuit et fourni par l'école :

-matériel de laboratoire

-matériel d'éducation physique (sauf les vêtements)

-matériel d'arts

-romans

-tablettes électroniques ou ordinateurs portables (si l'école fait le choix de mettre de côté les manuels scolaires papier)

-calculatrice scientifique (si elle est obligatoire dans le cadre d'un cours)

-mouchoirs

Ce qui pourra continuer d'être facturé :

-documents dans lesquels l'élève écrit, dessine ou découpe

-effets scolaires qui ne peuvent être réutilisés

-matériel d'usage personnel (crayons, gommes à effacer et agendas)

-matériel d'organisation personnelle (étuis à crayons, sacs d'école et cadenas)

-programmes particuliers (sports-études, arts-études)

-surveillance du midi au secondaire

-sorties pédagogiques

Ces dernières seront facturées aux parents, malgré la directive du précédent gouvernement libéral pour qu'elles soient gratuites.

Cette directive a été « plus ou moins suivie par les écoles », selon Jean-François Roberge, qui s'engage à offrir, éventuellement, deux sorties gratuites par élève « tout le long du primaire et du secondaire ».

Il estime qu'au final, les commissions scolaires auront un manque à gagner « de 0 à une dizaine de millions au maximum ».

En juin dernier, son prédécesseur, le libéral Sébastien Proulx, avait tenté de clarifier ce qu'il est permis ou non de facturer aux parents.

Il avait émis une directive ministérielle qui précisait quels frais pouvaient être facturés aux parents, dans la foulée d'une action collective intentée contre 68 commissions scolaires pour des frais abusifs.

Une entente à l'amiable avait été conclue avec les commissions scolaires visées, qui se voient aujourd'hui dans l'obligation de rembourser 153 millions.

La directive ministérielle prévoyait entre autres que les sorties éducatives organisées dans un contexte pédagogique devaient être gratuites, tout comme l'inscription à l'école et aux programmes particuliers.

Aucune liste détaillée des articles scolaires gratuits n'avait été fournie, puisque chaque commission scolaire gardait « l'opportunité d'interpréter la loi », avait dit le ministre à l'époque.

Les partenaires scolaires s'étaient alors empressés de dénoncer la confusion qui perdurait, selon eux, même s'ils reconnaissaient que des progrès avaient été faits.

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Ils ont dit...

« Le projet de loi vient renforcer notre politique officieuse de ségrégation scolaire. Le ministre vient confirmer le droit de certaines écoles publiques à effectuer un tri des enfants en fonction du revenu de leurs parents. Les flûtes à bec à 30 $, c'est important, mais l'enjeu fondamental, ce sont les projets particuliers sélectifs à 3000 $. [...] Le ministre Roberge avait l'occasion de prendre le taureau par les cornes et d'aborder les enjeux qui comptent. Il a choisi l'immobilisme. »

Stéphane Vigneault, coordonnateur du Mouvement L'école ensemble

« C'est un pas dans la bonne direction vers la clarification du droit à la gratuité scolaire. Il faut continuer à courir le marathon pour arriver au fil d'arrivée avant les dernières rencontres des conseils d'établissement de l'année. »

Corinne Payne, présidente de la Fédération des comités de parents du Québec

« La majorité des frais qui existaient continueront d'exister, ce qui était gratuit continuera de l'être. Pas de grandes avancées ici. Les parents devront continuer de payer pour du matériel, des activités et des projets qui seront placés dans la catégorie "à payer par les parents" comme les uniformes, les calculatrices, les cadenas pour les casiers, etc. »

Christine Labrie, députée de Québec solidaire

« Nous saluons le dépôt du projet de loi, grandement attendu par les acteurs du milieu scolaire. Il donne déjà des indications, mais les détails et les balises seront davantage connus dans le projet de règlement. »

Alain Fortier, président de la Fédération des commissions scolaires du Québec