« Un réseau de fraudeurs bien organisé » sévit actuellement dans certaines écoles secondaires de la couronne nord de Montréal, révèle la Commission scolaire des Affluents (CSDA) dans un communiqué adressé aux parents d’élèves où on les invite à faire preuve de vigilance.

Les manœuvres frauduleuses visent les élèves du secondaire et sont effectuées au moyen de l’application Snapchat ou en personne, selon la commission scolaire.

Au terme d’un stratagème bien rodé visant à subtiliser de l’argent, des individus entrent en contact avec des élèves du secondaire en utilisant cette application très populaire chez les jeunes de cette tranche d’âge. Ils promettent à leur victime une remise sur des transactions qu’ils effectuent. En échange de cette rétribution financière, ils demandent les coordonnées bancaires de la personne sollicitée, lui promettant que le tout est parfaitement légal. En réalité, ce leurre leur permet de s’infiltrer dans le compte bancaire de la victime et de transférer l’argent vers un autre compte.

C’est une technique similaire à l’« hameçonnage » par courriel, qui consiste à soutirer des informations bancaires à la victime sous de faux motifs.

La commission scolaire a pris la décision vendredi dernier d’envoyer un courriel à tous les parents d’élèves du secondaire et a informé les directions d’école de la situation. « Nous avions déjà fait face à une situation semblable, mais ce n’était pas un système aussi organisé », explique Éric Ladouceur, porte-parole de la Commission scolaire des Affluents.

« Dans certains cas, les sommes retirées des comptes bancaires dépassent les fonds disponibles », dit la CSDA, comme le rapporte le journal Hebdo Rive Nord.

Un stratagème efficace

Le processus pour identifier et retrouver les fraudeurs qui utilisent des applications comme Snapchat pour arriver à leurs fins s’avère long et complexe. Le Service de police de la Ville de Repentigny (SPVR) recense quatre cas connus et dénoncés sur son territoire. L’un des cas impliquait un adolescent du secondaire qui sollicitait un autre élève.

Créer de faux comptes Snapchat dans le but de frauder est une pratique courante, affirme Bruno Marier, porte-parole du SPVR.

Les serveurs de Snapchat se trouvent à l’extérieur du pays. Traquer les fraudeurs nécessite l’obtention de mandats spéciaux, valides hors des frontières canadiennes. Ils peuvent donc souvent s’en sortir sans conséquence.

Leurs victimes, par contre, risquent des accusations criminelles puisqu’elles participent à un acte de fraude visant une institution financière. C’est pourquoi les jeunes touchés par ce phénomène hésitent à dénoncer de tels actes. « Les victimes ne réalisent peut-être pas qu’elles participent à une fraude. Elles y voient une occasion de faire de l’argent facile », précise Bruno Marier.

« Le but de notre sortie médiatique, c’est de susciter un dialogue de la part des parents. Il y a des risques liés au partage de ces informations bancaires », prévient M. Marier.

Les services policiers et la commission scolaire suggèrent donc aux parents des enfants susceptibles d’être touchés par ce phénomène de leur rappeler les comportements à suivre en matière de protection des renseignements personnels.

« Il ne faut pas que les jeunes baissent leur garde seulement parce que la situation a lieu sur les réseaux sociaux. On essaye de les former le plus possible là-dessus », insiste Éric Ladouceur.

Futur fléau ?

L’utilisation de plateformes comme Snapchat ou TikTok dans le but d’escroquer n’a pas encore atteint une grande ampleur chez les jeunes. Cependant, elle est à surveiller. « Des adolescents commencent à se servir de ces outils pour attirer d’autres jeunes dans des activités de fraude. On est à l’affût de ce phénomène, ça commence », affirme Isabelle Gendron, porte-parole du Service de police de la Ville de Sherbrooke (SPVS).

Le SPVS a eu affaire à quelques cas de transactions douteuses sur les réseaux sociaux au printemps dernier. Des jeunes dépensaient l’argent contenu dans des cartes-cadeaux et tentaient de revendre les cartes vides sur des applications pour téléphones intelligents.

« On travaille beaucoup en prévention en faisant des tournées dans les écoles avec les intervenants des forces policières », ajoute Mme Gendron.

Encore une fois, les comptes « fantômes » et la réticence à dénoncer de peur d’être accusé d’un méfait rendent le travail des enquêteurs plus difficile.

Peu de parents sont actifs sur Snapchat, application de partage de vidéos et de messages instantanés très utilisée par les personnes âgées de 20 ans et moins, soutient Nellie Brière, consultante en communications numériques.

Certains adultes ne maîtrisent donc pas suffisamment la plateforme pour encadrer des jeunes qui sont vulnérables. « C’est plus facile pour les fraudeurs d’agir dans un milieu qui n’est pas encadré », note-t-elle.

Il y a également une habitude de non-méfiance envers les personnes côtoyées en ligne, via des applications ou des jeux, qui se développe chez les adolescents qui grandissent à l’ère du numérique, ajoute Mme Brière.