(Québec) Les trois partis d’opposition ont acquis la conviction que le gouvernement Legault s’apprête à bâtir un coûteux réseau de maternelles 4 ans à travers le Québec sans plan ni boussole.

Le chaos est tel dans le cheminement du projet que le moment est venu de réclamer un temps d’arrêt, ont dit en chœur mercredi l’opposition officielle libérale, l’opposition péquiste et Québec solidaire.

« C’est extrêmement inquiétant, parce qu’il n’y a pas de plan », a dénoncé la porte-parole péquiste, la députée Véronique Hivon, qui tente en vain depuis plusieurs mois de forcer la main au ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge.

« S’il refuse de le dévoiler, (son plan d’action), c’est parce qu’il n’en a pas de plan », a renchéri la porte-parole libérale, la députée de Saint-Laurent, Marwah Rizqy, qui elle aussi a multiplié les démarches pour que le ministre dévoile son jeu.

« J’ai l’impression qu’il n’y en a pas (de plan) et cela m’inquiète beaucoup », a commenté elle aussi la porte-parole solidaire, la députée Christine Labrie.

Les trois députées porte-parole en éducation réagissaient au reportage diffusé la veille par La Presse canadienne, révélant que le ministère de l’Éducation avait répondu à des demandes d’accès à l’information dans ce dossier en produisant bien peu d’informations utiles, soit des documents caviardés, ou déjà rendus publics, tout en refusant de transmettre plusieurs documents, sous divers motifs.

Aux yeux des députées de l’opposition, le refus d’obtempérer du ministère confirme l’hypothèse selon laquelle le gouvernement n’a pas élaboré de plan de match détaillé avant de se lancer dans cette aventure.

Et l’aventure s’annonce coûteuse, de l’ordre de 2 milliards, selon l’opposition.

« Il y a un enjeu de l’utilisation des fonds publics qui est très inquiétant parce qu’on ne sait pas exactement si cela aura l’effet souhaité », ajoute Mme Labrie, en entrevue téléphonique.

« C’est beaucoup de fonds investis sans garantie de résultats », selon elle.

Marwah Rizqy craint pour sa part « une explosion des coûts », particulièrement ceux liés à la construction ou l’agrandissement d’écoles, depuis que le premier ministre François Legault a déclaré : « Ca coûtera ce que ça coûtera », en parlant du réseau de maternelles 4 ans.

Dans les circonstances, tous les partis d’opposition s’entendent pour réclamer au gouvernement un temps d’arrêt pour y voir plus clair : il faut « un moratoire », dit Québec solidaire.

« Tout milite pour dire au gouvernement : prenez un pas de côté », selon Mme Hivon.

Le ministre Roberge n’a pas été capable d’élaborer un véritable plan de déploiement de ce nouveau réseau, « parce que les embûches sont bel et bien réelles », a fait valoir Mme Hivon, en entrevue téléphonique, faisant référence à la difficulté de recruter le personnel requis et de trouver les locaux nécessaires.

Selon elle, cette initiative gouvernementale, une des priorités absolues du premier ministre Legault, « n’est tout simplement pas réalisable » parce que « les conditions de réussite » d’un projet de cette envergure ne sont pas réunies.

À titre d’exemple, Mme Hivon note que le gouvernement confie la responsabilité de créer le réseau aux commissions scolaires, qu’il s’apprête à abolir, augmentant d’autant le « coefficicent de difficulté ».

Or, « ce n’est pas le temps de jouer dans les structures », croit Mme Rizqy, quand on veut bâtir un tel réseau.

Christine Labrie croit que les « conditions sociales » du succès de l’entreprise ne sont pas davantage au rendez-vous, les parents ne se ruant pas pour inscrire leur enfant à la prématernelle 4 ans.

D’après des commentaires entendus de la part des commissions scolaires, elle dit s’attendre à ce que « la plupart des classes n’atteignent pas leur capacité ».

La création, d’ici cinq ans, d’un réseau universel de prématernelles 4 ans figurait parmi les principaux engagements de la Coalition avenir Québec (CAQ) durant la dernière campagne électorale, en vue de mieux détecter les troubles d’apprentissage chez l’enfant.

En mission en Roumanie, le ministre Roberge n’a pas donné suite à une demande d’entrevue.