Il aurait été facile de prévenir l’intoxication au monoxyde de carbone qui a conduit 35 enfants d’une école primaire de LaSalle à l’hôpital le 14 janvier dernier, dit la Direction régionale de santé publique de Montréal (DRSP de Montréal) dans un rapport publié mardi. Une vingtaine d’enfants ont dû être référés à des spécialistes à la suite de cet événement.

L’installation de détecteur de monoxyde de carbone n’était pas obligatoire dans les écoles, mais la DRSP de Montréal dit que depuis une décennie, elle en faisait la recommandation annuellement.

« Chaque année, une lettre est envoyée aux commissions scolaires et aux écoles privées de l’île de Montréal rappelant l’importance de l’entretien et l’inspection annuels des systèmes de chauffage fonctionnant avec un combustible fossile et l’installation de détecteurs de CO certifiés lorsqu’une source de CO est présente », écrit la Direction régionale de santé publique de Montréal (DRSP de Montréal).

En janvier, les élèves et des membres du personnel de l’école primaire des Découvreurs ont été intoxiqués par une fuite de monoxyde de carbone. Dans les corridors de l’école, la concentration de monoxyde de carbone était cinq fois plus élevée que la norme devant mener à une évacuation, a alors rapporté le Service de sécurité incendie de Montréal.

La Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys assure que l’école était bel et bien munie d’un détecteur de monoxyde de carbone et qu’il n’a pas fonctionné, mais encore aujourd’hui, la DRSP de Montréal ne peut le confirmer.

Des conséquences pour plusieurs élèves et enseignants

Dans la semaine suivant l’événement, 124 élèves sur les 193 présents la journée de la fuite de gaz rapportaient des symptômes à la suite de cet événement.

En février, en collaboration avec le CHU Sainte-Justine, le DRSP a mis sur place un « centre d’évaluation neurologique transitoire » pour les enfants qui fréquentent cette école.

Les pédiatres ont alors découvert que 24 élèves présentaient encore des symptômes liés à l’intoxication. Certains ont été dirigés en neurologie, ou encore en audiologie ou oto-rhino-laryngologie.

Maux de tête, acouphènes, diminution de l’audition, fatigue, troubles visuels et stress figurent au nombre des symptômes ressentis par les enfants.

La Direction régionale de la Santé publique ne sait pas comment ils vont aujourd’hui, puisqu’ils sont suivis à l’hôpital.

« Il n’est pas impossible que des atteintes soient permanentes. Mais dans la littérature scientifique, les enfants qui ont des séquelles permanentes ont été amenés presque morts à l’hôpital et ont survécu grâce aux miracles de la médecine moderne. Aucun enfant ne s’est présenté comme ça, donc la grande majorité des cas va récupérer. Mais je ne peux pas l’exclure », dit Maxime Roy, médecin conseil à la DRSP de Montréal.

Cinq enseignants de cette écoles sont en arrêt de travail à la suite de cet événement, indique pour sa part le Syndicat de l’enseignement de l’Ouest de Montréal qui les représente.

« Ce sont des gens qui ont encore des problèmes de mémoire, des troubles d’élocution. Il y en a qui ont des nausées, des étourdissements, certains ont été suivis en neurologie où on cherche à établir des diagnostics », précise sa présidente, Mélanie Hubert.

Les détecteurs souvent absents des écoles

Malgré les mises en garde de la DRSP, la plupart des commissions scolaires et écoles privées montréalaises n’avaient pas agi pour installer des détecteurs. Un sondage réalisé par la DRSP en 2017 auprès de celles-ci révélait que 94 % des établissements scolaires avaient une source qui présentait un risque d’intoxication au monoxyde de carbone, mais que seuls 10 % de ces bâtiments avaient un détecteur.

« De plus, pour 20 % des installations qui avaient une source potentielle de CO, aucun programme d’entretien et d’inspection régulier n’était en place », ajoute la DRSP de Montréal.

Le monoxyde de carbone est un gaz qui ne se voit pas et qui est inodore. Le respirer peut provoquer de graves symptômes pouvant aller jusqu’à la mort.

La Presse révélait en février dernier qu’avant que le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge ne demande aux écoles de se munir de tels détecteurs, des centaines d’écoles de la province n’en avaient pas. Plusieurs commissions scolaires nous avaient alors expliqué que c’est parce qu’elles n’en avaient pas l’obligation.

« Quand arrive un incident, ça peut changer le poids des affaires dans la balance. C’est ce qu’on voit ici. Ça ressemble à beaucoup de choses, pis c’est plate. On faisait cette sensibilisation avec le ton : “faudrait pas que ça arrive” », dit Maxime Roy, médecin conseil à la DRSP. Son travail de santé publique, ajoute-t-il, en est un « au long cours ».

« Les mesures pour prévenir ces intoxications collectives sont connues », conclut la DRSP dans son rapport.