Les 50 000 étudiants, professeurs et employés de l’Université McGill devront participer dès cet automne à un programme d’éducation obligatoire sur les violences sexuelles, sans quoi ils s’exposent à des sanctions pouvant aller jusqu’au renvoi.

Le programme, lancé cette semaine sur le site web de l’université, se décline en quatre modules : la violence sexuelle, le consentement sexuel, l’intervention du témoin et le soutien aux survivants.

Avec ce cours, l’Université espère « transformer la culture du campus pour qu’elle devienne une culture de respect et de consentement et, à terme, aider à créer une communauté exempte de violence sexuelle », lit-on dans la transcription de la formation.

L’approche didactique est simple. Mises en situation, choix de réponses et explications : les concepts sont clairement définis, et les limites personnelles à ne pas franchir sont bien établies. Il faut environ 45 minutes pour suivre le cours interactif.

Un exemple tiré du module sur le consentement sexuel : « Votre ami Simon va à une fête où il rencontre Sam, une camarade de classe. Ils ont tous les deux bu et quand Simon retrouve Sam plus tard dans la soirée, il lui demande si tout va bien. Sam répond en essayant d’embrasser Simon, puis elle se dirige en trébuchant vers une chambre […]. Selon vous, que devrait faire Simon ? »

La réponse : « Lorsqu’on parle de consentement, il est important d’être capable d’évaluer si la personne est en position de le donner ou non. »

MESURES DISCIPLINAIRES

Gare à ceux qui tarderaient à suivre le cours. La vice-rectrice adjointe de l’université, Angela Campbell, impliquée dans sa conception, confirme en entrevue la nature des pénalités en cas de dérogation. 

Pour les étudiants qui commencent à l’automne, on va geler leurs comptes pour qu’ils ne puissent pas s’inscrire à la session d’hiver de 2020.

Angela Campbell, vice-rectrice adjointe

Quant au personnel ? « [C’est] selon le droit du travail — avertissement, lettre de réprimande, suspension sans solde, congédiement —, nous appliquons le principe de gradation des sanctions », a-t-elle précisé.

La vice-rectrice espère ne jamais en arriver là et croit à la participation de tous. « Surtout celle des professeurs, qui comprennent vraiment qu’on est toujours là pour apprendre et non seulement pour enseigner. Je ne m’attends vraiment pas à des objections pour ce programme », dit-elle.

De l’avis de Petra Rohrbach, présidente de l’Association des professeur(e)s et bibliothécaires de McGill, l’importance d’un cours obligatoire sur les violences sexuelles fait consensus auprès de ses collègues. Certains éléments ont tout de même suscité des débats, notamment l’encadrement des relations intimes entre professeurs et étudiants.

Aux yeux de certains professeurs, « le fait d’interdire ces relations, sans exception, est une mauvaise idée pour atteindre l’objectif d’un changement de culture », dit Mme Rohrbach. De leur côté, les étudiants ont fortement milité pour une interdiction totale des relations entre professeurs et étudiants, qu’il y ait rapport d’autorité ou non.

En fin de compte, le cours précise que « les dynamiques de pouvoir compliquent le consentement lorsqu’il y a un lien d’autorité entre les personnes. »

Dans l’ensemble, les étudiants saluent la démarche de la direction. « Nous sommes heureux de constater que l’Université prend l’initiative de combattre la violence sexuelle », affirme Bryan Buraga, président de l’Association étudiante de l’Université McGill.

UNE BONNE APPROCHE ?

La présidente de l’Association des sexologues du Québec, Isabelle Le Goff, tient à saluer le contenu du cours, qui a le mérite d’expliquer de façon claire et facile à comprendre des notions comme le consentement, en prenant bien soin d’inclure une diversité d’individus pour que « tous puissent se reconnaître ».

Elle se questionne cependant sur le caractère punitif du programme de McGill.

Je ne sais pas à quel point c’est gagnant d’opter pour la sanction. Si on favorise la récompense, c’est beaucoup plus gagnant. Je ne suis pas certaine que le message va bien passer.

Isabelle Le Goff, présidente de l’Association des sexologues du Québec

Avec ce cours, McGill se plie aux exigences de la loi adoptée en décembre 2017 qui force tous les établissements d’enseignement supérieur à mettre sur pied un programme obligatoire d’éducation aux violences sexuelles d’ici le 1er septembre.

Les préparatifs vont bon train dans d’autres universités. Le Sexual Assault Resource Centre de l’Université Concordia est d’ailleurs à l’origine du programme qui a servi de modèle à McGill. La porte-parole de Concordia, Vannina Maestracci, confirme qu’un cours y sera prêt à temps pour la rentrée.

À l’Université du Québec à Montréal, l’approche sera différente, affirme Caroline Tessier, directrice du service des communications. Le programme contiendra deux capsules vidéo d’une trentaine de minutes chacune : l’une destinée aux étudiants, l’autre au personnel.

Et les sanctions ? « On n’en est pas là », répond Mme Tessier. Même son de cloche du côté de Concordia. En revanche, comme la loi vise la formation obligatoire pour tous, « il faudra s’assurer annuellement que la formation est suivie par tout le monde », dit Mme Tessier.

Il a été impossible de vérifier le coût d’implantation de cette loi, à McGill ou ailleurs.