La mobilisation de parents de Québec a porté ses fruits. L'école secondaire Cardinal-Roy dans le quartier Saint-Sauveur devra continuer d'accueillir les élèves du secteur régulier et ceux en adaptation scolaire, qui étaient menacés d'être expulsés pour laisser toute la place aux élèves des programmes sports-arts-études. Ce cas doit éveiller les consciences sur ce qui se joue en éducation au Québec, disent des organismes de défense de l'école publique.

Ils ont formé des chaînes humaines, ont multiplié les rencontres et les lettres aux commissaires scolaires. Mardi soir, le conseil des commissaires de la commission scolaire de la Capitale a répondu à la mobilisation des derniers mois en refusant à l'unanimité de laisser tomber les programmes d'adaptation scolaire et régulier de l'école secondaire du centre-ville de Québec, comme le demandait la direction de l'école.

« Dire qu'on est heureux est un euphémisme », dit Audrey Santerre-Crête, porte-parole du comité J'aime Cardi, qui a mené la charge. « La commission scolaire donne des devoirs au conseil d'établissement de l'école en disant : "Vous allez être obligés de jouer avec tous les acteurs. Le régulier et l'adaptation scolaire restent, il faut monter un programme pédagogique qui va être attrayant." »

L'école secondaire Cardinal-Roy est quasi pleine et la quarantaine de programmes particuliers qu'elle offre accueille des jeunes dont les notes scolaires au primaire dépassent 80 %. Les coûts liés à ces programmes sont souvent de plusieurs milliers de dollars. En 2009, l'école a cessé d'admettre les élèves du régulier au-delà de la deuxième secondaire pour faire davantage de place aux élèves de ces programmes particuliers.

Le cas de l'école Cardinal-Roy est l'illustration de ce qui se passe ailleurs dans la province, dit Stéphane Vigneault, coordonnateur du Mouvement L'école ensemble.

« Quand on prend un pas de recul, c'est un cas emblématique. C'est typique, c'est dans la logique qui découle du système d'éducation qu'on s'est donné et qui a fait de l'éducation un marché. On se retrouve avec le public sélectif qui vient cannibaliser le public ordinaire, et tout ça se fait au nom de la concurrence avec l'école privée », dit-il.

Exclure l'adaptation scolaire et le régulier d'une école secondaire de quartier en aurait fait « une école privée qui ne porte pas son nom », abonde Audrey Santerre-Crête.

« Ça aurait été un dangereux précédent de dire : on ferme les portes aux enfants d'un quartier pour l'offrir seulement à l'élite. On n'est pas contre le sport-études, mais on veut que ça se bâtisse en parallèle avec le régulier. Nos écoles servent à créer les citoyens de demain, il faut qu'ils apprennent à vivre ensemble », dit-elle.

« La voix des parents est entendue »

La mobilisation des parents ne se fait pas en vain, assure la porte-parole du mouvement « Je protège mon école publique », né dans la foulée des compressions en éducation du précédent gouvernement libéral.

« Je crois humblement que nous avons eu un impact réel dans la priorisation de l'éducation au Québec, qui est très récente. Je pense que la voix des parents est plus entendue par les politiciens que la voix des professeurs, malheureusement. On voit que ça a mené le réseau dans un état déplorable », dit Pascale Grignon.

La réflexion sur l'école publique doit aussi se faire dans les plus hautes instances, poursuit-elle. « Il y a plein de programmes particuliers qui peuvent être offerts sans évaluation à l'entrée. Il y a des enfants qui ont des talents extraordinaires en musique et qui peuvent être moins bons en français. Est-ce qu'il faut pour autant leur enlever la possibilité d'être motivés à l'école en ne leur proposant pas la musique ? Poser la question, c'est y répondre. »

La présidente de la Commission scolaire de la Capitale estime qu'il sera maintenant aux parents du quartier de prouver que l'école est importante pour eux. « La balle est dans le camp des parents, il faut qu'ils inscrivent leurs enfants à Cardinal-Roy », dit Manon Robitaille.

De son côté, la commission scolaire entamera une « réflexion » sur le secteur régulier au secondaire, notamment pour les cinq écoles du centre-ville de Québec, précise la présidente.

Pour Claudine Thériault, dont le fils est entré en adaptation scolaire à l'école Cardinal-Roy cette année et qui s'est impliquée dans le conseil d'établissement, il faut « surfer sur cette mobilisation » pour toutes les écoles de la capitale.

« S'il y avait eu une mobilisation plus faible, peut-être qu'on aurait eu un autre type de décision des commissaires. On était un peu cyniques au début, quand on a amorcé le combat. On se demandait si la décision était déjà prise et si on faisait ça pour rien. On est nouveaux dans la démocratie scolaire, mais on va continuer d'être là », conclut Claudine Thériault.