Pour revoir le modèle de financement des cégeps, le gouvernement caquiste fait appel à Youri Chassin, qui veut, chemin faisant, casser son image de ténor dogmatique de la droite.

Le gouvernement veut changer la façon de financer les cégeps, afin notamment d'assurer leur pérennité en région et de répondre aux besoins du marché du travail, dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre.

Ce dossier a été confié au député de Saint-Jérôme et adjoint parlementaire du ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, Youri Chassin.

Le financement des cégeps surgit soudainement comme priorité pour la Coalition avenir Québec (CAQ), après une campagne électorale de 39 jours où il n'en a été nullement question, pas plus que dans le discours d'ouverture du premier ministre, mercredi.

La CAQ se trouve ainsi à répondre à une demande de longue date du réseau, qui, outre la modification de la distribution entre les cégeps, réclame une augmentation de 140 millions du budget global.

À l'heure actuelle, les cégeps sont subventionnés proportionnellement au nombre d'étudiants qui les fréquentent, ce qui désavantage les établissements de petite taille.

La baisse du nombre de cégépiens - et leur tendance à prendre plus de temps qu'auparavant pour terminer leurs études - entraînent également une perte financière pour les cégeps.

En entrevue à La Presse canadienne dans son bureau de l'Assemblée nationale, la première accordée à un média national depuis son élection, M. Chassin, l'ex-directeur de la recherche à l'Institut économique de Montréal - un groupe de réflexion de droite - a indiqué qu'il entamera prochainement une tournée des cégeps en région.

Il ne promet pas d'augmenter le financement des cégeps, mais dit vouloir s'inspirer du rapport du comité d'experts mis en place par l'ex-ministre libérale de l'Enseignement supérieur, Hélène David. Ce rapport, qui sera bientôt achevé, constituera la « pierre d'assise des discussions qu'on aura », a-t-il affirmé.

« Ma première mission, c'est de me concentrer sur les cégeps pour comprendre leur réalité terrain, parce qu'il y a évidemment, d'un point de vue d'un ministère, une façon de financer les établissements collégiaux qui peut être appelée à être transformée », a déclaré M. Chassin, sans fixer d'échéance.

« On ne parle pas tant du niveau [de financement], mais de la façon [de financer] », a-t-il précisé.

L'été dernier, la CAQ s'était engagée à valoriser les parcours de formation professionnelle et technique, et donner davantage d'autonomie aux cégeps pour qu'ils développent des programmes adaptés.

La formation politique proposait de rehausser le financement de base afin de réduire la proportion des sommes allouées en fonction du nombre d'étudiants.

Au service de l'entreprise privée

À l'instar de son chef, le député Chassin avance que les établissements d'enseignement supérieur peuvent travailler davantage au service de l'entreprise privée.

« En ce qui a trait à la pénurie de main-d'oeuvre, il y a un certain nombre d'entreprises qui expriment des besoins que les cégeps sont tout à fait à même de combler, à partir du moment où ils ont les bons outils, les bons moyens », a-t-il dit.

Le Québec doit également favoriser davantage l'arrimage entre la recherche universitaire et les entreprises innovantes, d'après lui, même si la recherche universitaire n'a pas que pour but de servir aux entreprises, « bien entendu ».

Le réseau collégial est « particulièrement intéressant pour les régions », a complété l'élu, se gardant bien de critiquer les cégeps comme l'avait pourtant fait son chef, François Legault, en octobre 2011.

« Si on avait à rebâtir le système d'éducation, je pense qu'on ne devrait pas avoir de cégeps », avait dit M. Legault devant 300 jeunes à Longueuil, selon ce qu'avait rapporté Le Journal de Québec.

« Je pense que c'est quelque chose qu'il ne faut pas éventuellement exclure [l'abolition des cégeps] parce que, comme le disent parfois certains parents, c'est une maudite belle place pour apprendre à fumer de la drogue et puis à décrocher », avait-il ajouté.

50 nuances de Chassin

Entré en fonction depuis peu, dans un bureau encore dénudé, M. Chassin dit vouloir faire mentir ses détracteurs, qui le « caricaturent » en fonction de ses positions passées, identifiées à la droite. Il ne croit pas avoir été exclu du conseil des ministres en raison de ces positions.

L'économiste de formation et homme d'idées s'est déjà prononcé en faveur de la privatisation de la SAQ et d'Hydro-Québec, ainsi que de l'abolition des commissions scolaires, du Fonds vert et de la gestion de l'offre, et contre l'éolien, les subventions pour véhicules électriques et le nationalisme économique.

Son arrivée au ministère de l'Éducation le 8 novembre dernier a semé l'inquiétude parmi les syndicats d'enseignement, qui y voient « un très mauvais présage », attribuant à M. Chassin une vision mercantile et compétitive de l'enseignement supérieur.

Ses interlocuteurs dans les cégeps et les universités rencontreront plutôt quelqu'un de « nuancé », un ancien leader étudiant qui n'est pas « rigide », en somme, un « joueur d'équipe », promet-il.

« Oui, mes convictions m'habitent encore. Est-ce que c'est possible d'évoluer ? Bien entendu. Est-ce que je suis là pour porter un agenda secret comme on le laisse croire [...] Bien sûr que non.

« Mes déclarations ? Évidemment qu'il peut y avoir des nuances, évidemment qu'il peut y avoir des ralliements », a-t-il ajouté.

« Je suis tout à fait capable de travailler avec d'autres personnes qui ont des idées différentes, d'être en dialogue, de me laisser convaincre aussi.

« Je suis, je pense, et c'est ça mon message un peu, un gars raisonnable qui est prêt à travailler en dialogue avec les autres », a-t-il conclu.