« Pas de salaire, pas de stagiaires. »

Les doigts et orteils étaient gelés, mais les voix étaient fortes et claires.

Quelques milliers de cégépiens et d'étudiants universitaires ont défié le froid et marché dans les rues du centre-ville de Montréal mercredi après-midi pour réclamer des stages rémunérés dans tous les champs d'études.

Il s'agissait de la plus importante mobilisation jusqu'ici sur cet enjeu. Environ 58 000 personnes étaient en grève, mercredi.

« Comme je suis en stage et que je n'ai plus accès aux prêts et bourses, je travaille actuellement sept jours par semaine », a expliqué Sophie Chevalier, étudiante en enseignement préscolaire et primaire.

« Et quand on arrive à la maison, il faut faire des comptes rendus de stage, de la planification pour le lendemain... On est enseignantes de jour et étudiantes de nuit en ce moment. »

Même si elle n'est plus aux études, Nathalie Stake-Doucet est venue soutenir les élèves en soins infirmiers. Ces dernières ont des stages pendant toute la durée de leur formation technique. Sans salaire.

« J'ai moi-même déjà été maître de stage, et quand j'ai essayé de seulement demander des lunchs gratuits pour les étudiantes, je me suis fait regarder comme si je venais d'une autre planète », a-t-elle illustré.

CONTESTATION FÉMININE

Autant dans la foule qu'à travers les slogans et les pancartes, un constat s'imposait : le mouvement de contestation du moment est résolument féminin.

De fait, les domaines où les stages sont non rémunérés - éducation, soins infirmiers, travail social, etc. - emploient majoritairement des femmes.

« On est là pour aider les autres, mais qui nous aide, nous ? », s'est demandé Elizabeth Savard, étudiante en travail social, brandissant une pancarte portant l'inscription « Femmes stagiaires, salaires nécessaires ».

« Les jobs typiquement masculins, comme en génie, offrent des salaires pendant les stages. Nous, on n'a rien, juste parce que ç'a toujours été comme ça », a déploré Julie Gariépy, elle aussi étudiante en travail social.

VERS LA GRÈVE GÉNÉRALE ?

Le groupe de manifestantes et de manifestants s'est d'abord réuni à la place Émilie-Gamelin et a marché pendant environ deux heures dans une atmosphère festive. L'événement s'est terminé au square Victoria par des allocutions prononcées devant une centaine de courageux engourdis par le froid. La marche pacifique s'est déroulée sous l'oeil des policiers, mais aucun débordement n'a été observé.

Pendant toute la durée de la marche, le scénario d'une grève générale illimitée pendant le trimestre d'hiver a été évoqué.

« En se battant contre la précarité des étudiants, on se bat pour le futur de la société québécoise. Et pour ça, je suis prêt à aller jusqu'au bout », a commenté à ce sujet Thomas Brady, qui étudie en technologie de l'eau au cégep de Saint-Laurent.

« Ce n'est qu'un début, on est prêts pour l'hiver 2019 si le gouvernement ne bouge pas », a quant à elle promis Charlotte Studer, membre de l'organisation de la manifestation.

Cité lundi par le quotidien Le Devoir, le ministre de l'Éducation a affirmé être « déjà au travail » concernant les stages non rémunérés, affirmant avoir commandé à ses fonctionnaires un « état des lieux » sur la question.