Confisquer ou pas le téléphone cellulaire ? Le recours judiciaire d'un élève de 15 ans de Saguenay, qui soutient que confisquer les appareils mobiles dans les écoles pendant plusieurs heures est exagéré, relance la discussion chez les enseignants et démontre que les règlements sont variables d'une école à l'autre.

Comment savoir qu'un élève a pris son téléphone cellulaire dans un cours même si c'est interdit ? Pour Claude Whiting, professeur d'éducation physique dans une école secondaire de Montréal, les indices sautent aux yeux. Un tel appareil dans un soutien-gorge ou dans un caleçon voilà de quoi gêner bien des mouvements.

« On le voit tout de suite ! Ils ne sont pas à l'aise pour bouger. Souvent, ils demandent pour aller boire de l'eau, pour aller aux toilettes. Ils vont sur Facebook ou voir leurs textos. Il y a des élèves qui ont une certaine dépendance... », dit-il.

Anecdotique ? C'est au contraire monnaie courante, dit l'enseignant qui compte 25 années d'expérience. Selon le code de vie de leur école, les élèves doivent laisser leur téléphone dans leur casier pendant leur cours d'éducation physique, mais l'enseignant leur « donne le privilège » de le laisser dans une armoire verrouillée pendant le cours, puis de le reprendre à la sortie.

« Il y a des élèves qui, malgré tout, gardent leur cellulaire dans le gymnase. Ils le mettent dans leur poche, sous un chandail posé sur le banc... Il y a toujours un accident : quelqu'un qui s'assoit dessus, un cellulaire qui tombe pendant qu'on joue au basket. On est pris avec un élève qui brise son appareil et qui ne devait pas l'avoir », poursuit Claude Whiting, pour qui les téléphones cellulaires sont un « fardeau à gérer ».

CONFISQUÉ PENDANT CINQ JOURS

Dans bien des commissions scolaires de la province, c'est le « code de vie » propre à chaque école qui dicte les règles concernant les appareils mobiles. Les règlements changent donc au gré des établissements.

À la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, par exemple, on indique que le téléphone cellulaire peut être confisqué pour une durée de 24 heures lors d'une « première offense ».

Un élève qui contrevient aux règles du collège Saint-Jean-Vianney, établissement privé situé dans l'est de Montréal, sera privé de son téléphone cellulaire beaucoup plus longtemps. Dès le premier accroc au règlement, l'appareil est confisqué pendant cinq jours ouvrables.

« Les élèves ont le droit d'avoir leur cellulaire sur eux, mais on ne doit pas le voir ni l'entendre », précise Karine Jodoin, conseillère aux communications du collège.

« LE CELLULAIRE N'A PAS LE MONOPOLE DE LA DISTRACTION »

S'il voit ou entend un appareil mobile dans sa classe, Guillaume Couture doit le confisquer jusqu'à la fin de la journée en vertu des règles de l'école où il enseigne, située dans la région de Saint-Hyacinthe. Ce professeur de français au secondaire fait toutefois preuve de souplesse.

« Je ne veux pas te voir en train de jouer à un jeu sur ton téléphone ou en train de texter. Mais j'ai déjà eu une élève qui l'avait mis sur son bureau, je lui ai simplement dit de le ranger », dit-il.

La technologie fait partie de la vie des élèves et il faut vivre avec, poursuit Guillaume Couture. « Je veux montrer ce qu'on peut faire avec un cellulaire, ça ne sert pas juste à envoyer des SMS et à aller sur les réseaux sociaux. Il est temps que l'école arrive en 2018. »

Un avis partagé par Patrice Bégin, lui aussi enseignant de français au secondaire. Interdire complètement le téléphone cellulaire à l'école, c'est « perdre la bataille », dit-il.

Il arrive à Patrice Bégin de laisser les élèves utiliser leur appareil mobile en classe de manière « ponctuelle ». Il croit qu'il est du devoir de l'école de leur montrer à bien utiliser ces appareils.

« Pour moi, ça va bien, ça fait partie de la gestion de classe. Quand c'est un examen, c'est clair pour mes élèves que je ne veux pas voir ou entendre un téléphone ! »

Bien entendu, il arrive que des élèves qui doivent accéder à leur téléphone à des fins éducatives l'utilisent pour autre chose. Mais ces mêmes élèves peuvent très bien parler de leur fin de semaine plutôt que de faire le travail en équipe qui leur est demandé... « Le cellulaire n'a pas le monopole de la distraction », observe Patrice Bégin.

CARTE BLANCHE AUX ENSEIGNANTS

Dans les Laurentides, la commission scolaire de la Rivière-du-Nord n'a pas de « consigne qui brime l'utilisation des cellulaires », dit Nadine Brochu, conseillère en communication.

Seul « l'usage personnel » est interdit en classe, comme parler au téléphone ou recevoir un message texte. Pour le reste, les enseignants ont carte blanche, dit Nadine Brochu, et pourraient par exemple autoriser l'écoute de musique pendant un cours.

« Si un enseignant juge que mettre de la musique ne dérange pas l'apprentissage ou que ça ne nuit pas aux activités pédagogiques de la classe, c'est une utilisation qui est à la discrétion des enseignants », dit-elle, en affirmant que la commission scolaire a choisi d'éduquer à l'usage de ces appareils plutôt que d'emprunter la voie de la répression.