Situées à la frontière de deux commissions scolaires, les résidences de certains Montréalais sont dans des «zones grises» aux yeux de celles-ci. Une situation peu enviable où les élèves ne semblent appartenir à personne et qui fait craindre à des parents de perdre leur école de quartier.

La voie semblait toute tracée : l'an prochain, l'aînée de Guillaume Tardif irait à l'école Saint-Clément, située à un peu plus d'un kilomètre de la maison, à Mont-Royal. La famille réside sur le territoire de la commission scolaire de Montréal (CSDM), mais fait partie d'une portion de la ville que les commissions scolaires appellent une «zone grise».

Situées notamment à Cartierville, Mont-Royal et Outremont, ces zones grises sont le résultat de la création des commissions scolaires linguistiques, en 1998. Ceux qui les habitent peuvent inscrire leur enfant à la commission scolaire de leur choix. C'est ce qui devait permettre à la fille de Guillaume Tardif, comme à plusieurs autres, de fréquenter une école de la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSMB).

Or, devant la surpopulation dans ses écoles, la CSMB veut changer une modalité de ses critères d'admission pour les futurs élèves venus de ces zones grises. Selon les parents, cette modification, si elle est adoptée, leur donnera l'un des derniers choix dans la sélection de leur école.

«Si jamais ma fille entre à l'école Saint-Clément à Mont-Royal et qu'un élève de Sainte-Anne-de-Bellevue fait le choix d'aller à cette école, il aurait priorité puisqu'il est sur le territoire de la CSMB, illustre Guillaume Tardif. On ignore le concept de proximité. Au profit de quoi, je ne le sais pas.»

Une question épineuse

À qui appartiennent ces élèves?

Demain soir, le conseil des commissaires de la CSMB se penchera sur la question. «Chaque jour, les inscriptions se poursuivent, nos écoles sont de plus en plus pleines. Il y a des parents qui ne sont pas contents parce qu'ils considèrent qu'il faut favoriser ceux qui sont sur le territoire de Marguerite-Bourgeoys. Il faut trouver des façons de faire de l'espace», dit Gina Guillemette, porte-parole de la CSMB.

Les parents qui habitent les zones grises devraient logiquement se tourner vers la commission scolaire de Montréal, puisqu'ils résident sur son territoire. Or, ils n'ont pas plus priorité à leur école de quartier de la CSDM.

«Ils sont considérés comme des extraterritoriaux. La commission scolaire n'a pas l'obligation d'accepter un enfant qui arrive de la zone grise si elle n'a pas de place disponible», affirme Alain Perron, porte-parole de la CSDM.

La commission scolaire Marguerite-Bourgeoys pourrait-elle «renvoyer» les élèves des zones grises qui ne font pas partie de son territoire à la CSDM? «Si leurs écoles débordent, l'année prochaine, leurs élèves vont revenir ici. Même chose pour nous autres. Si on a une école qui déborde, on laisse de la place pour nos élèves», dit M. Perron.

Une situation «absurde»

Père de cinq enfants, Fabrice Desormeaux est lui aussi plongé dans une situation qu'il qualifie d'«absurde».

«Outremont, c'est dans ma cour, dit ce résidant de Montréal. On va prendre un élève à 20 mètres d'une école pour le déplacer, tandis qu'un autre élève qui a besoin de transport scolaire pourra y aller. Le critère géographique n'a plus aucune importance.»

Il estime que le tiers des enfants qui fréquentent l'école Saint-Germain-d'Outremont, de la CSMB, proviennent de cette zone grise et réclame, comme plusieurs autres parents, un statu quo le temps que des «études d'impact» soient réalisées. Les modifications proposées par la commission scolaire n'ont pas été «réfléchies», déplore-t-il.

La porte-parole de la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys assure pour sa part que rien n'est encore joué et que de la «mauvaise information» circule auprès des parents. Ceux-ci auront l'heure juste demain soir, promet-elle.