La construction d'un nouveau bâtiment pour agrandir une école primaire du quartier Côte-des-Neiges a dû être interrompue parce que l'école construite dans les années 50 était dans un tel état de vétusté qu'il était risqué de faire des travaux sur le même terrain, soutient l'entrepreneur en construction chargé des travaux.

L'entreprise était simple en apparence : l'école primaire Félix-Leclerc avait besoin d'être agrandie pour y loger davantage d'élèves. La Commission scolaire de Montréal (CSDM) a donc choisi de construire un pavillon adjacent à l'école existante. La construction, commencée à l'été 2014, devait durer un an.

Les délais se sont multipliés, notamment à cause de la découverte d'amiante dans les murs du gymnase de l'ancienne école. Or, l'entrepreneur chargé de la construction du nouveau bâtiment soutient qu'avant même qu'on y découvre de l'amiante, l'école Félix-Leclerc était dans une condition désastreuse.

«Ça fait 34 ans que je suis en affaires, j'ai jamais vu une affaire de même», affirme François Chevrier, président du Groupe Socam.

«Quand on arrive, les plans sont déjà faits : on a trois ou quatre semaines pour soumissionner. Les bâtiments existants ne sont pas supposés être un problème», dit M. Chevrier.

Les travaux de construction du nouveau bâtiment ont dû être interrompus pendant un an parce que la structure de l'école construite en 1952 était instable, dit-il. C'était «un vrai château de cartes» et celui-ci était menacé d'effondrement.

«Vous devez passer de la machinerie très, très lourde, ça crée des vibrations. Il y a une zone de sécurité qui a été établie par la CSST, explique François Chevrier. Ça aurait pu être dangereux pour les enfants. Je ne pouvais pas construire, c'était trop dangereux, même pour nos travailleurs.»

Il affirme que malgré ses conseils, la CSDM a choisi de faire des travaux d'urgence pour stabiliser la structure plutôt que de démolir l'école. «Dès le départ, j'ai dit que reconstruire ou essayer de renforcer l'existant, ça coûtait plus cher que de faire un bâtiment neuf. Mais les professionnels n'étaient pas d'accord avec ce que je disais», soutient François Chevrier.

Des élèves relogés

Pour faire avancer les travaux du nouveau pavillon plus rapidement, les quelque 360 élèves ont dû quitter leur école au retour des vacances de Noël 2016. Ils sont depuis relogés dans une école du quartier La Petite-Patrie.

Malgré tout, les travaux de construction avancent à pas de tortue, déplore Annie Lavoie, membre du conseil d'établissement de l'école Félix-Leclerc.

«Le chantier s'étire tellement qu'à côté, le nouveau pavillon de l'hôpital Sainte-Justine s'est bâti en presque autant de temps.»

«On se demande comment la CSDM gère ce chantier, où est son pouvoir face à un entrepreneur qui a l'air de faire la pluie et le beau temps», dit-elle. 

Des infiltrations d'eau dans un gymnase neuf

Les relations sont tendues entre la commission scolaire et l'entrepreneur, note un document de la CSDM obtenu en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. On y décrit «d'intenses discussions» entre l'entrepreneur et l'architecte quant à la date de fin de travaux, qu'on prévoyait dans le document en juillet 2017.

En outre, une infiltration d'eau nécessitant des «travaux correctifs» s'est produite dans le gymnase nouvellement construit. Devra-t-on le refaire à neuf? Ni l'entrepreneur ni la CSDM n'ont pu nous répondre.

Une firme spécialisée a été mandatée pour «accompagner» la CSDM dans différents «postes faisant l'objet de litiges», litiges que la commission scolaire refuse de commenter. Ce contrat de consultation a été accordé à la firme Revay pour une somme de 49 800 $.

Plus de trois ans après le début des travaux, la CSDM envisage de démolir le bâtiment original de l'école, l'un des plus vétustes du parc immobilier de la commission scolaire, pour en construire un nouveau. 

«Cette option nous permettrait d'avoir une nouvelle école moderne, construite sur deux étages, reliée au pavillon 2017 par un lien aérien et souterrain», a écrit la CSDM aux parents.

Pourquoi ne pas avoir pris cette décision dès le début des travaux? «Tant qu'on n'a pas ouvert les murs, fait les introspections pour voir l'état véritable de l'édifice, on ne peut pas prendre cette décision», dit Alain Perron, porte-parole de la commission scolaire.

Annie Lavoie déplore le fait que les membres du conseil d'établissement et les parents en général soient tenus dans l'ignorance. «Il y a un manque de transparence de la CSDM. Je ne suis pas paranoïaque, mais on revendique de la transparence, et c'est difficile», dit-elle.

- Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse