Les commissions scolaires dépensent plus pour leur administration qu'elles ne le prétendent, tandis que le ministère de l'Éducation finance une flopée de mesures sans en mesurer l'efficacité, révèle la vérificatrice générale (VG), Guylaine Leclerc.

Depuis des années, les commissions scolaires soutiennent que les coûts liés à leur administration représentent 4 % de leurs dépenses totales, un taux parmi les plus bas dans les organisations publiques. Ils atteignaient ainsi 472,5 millions en 2015-2016, selon elles. La VG vient dégonfler cette affirmation.

« L'information sur les frais d'administration que les commissions scolaires présentent à leur conseil des commissaires et dans leur rapport annuel de gestion n'inclut pas toutes les dépenses pertinentes », écrit-elle dans son rapport déposé à l'Assemblée nationale, hier. Elles se limitent à aborder les dépenses du siège social « sans inclure celles liées à la gestion des écoles et des centres ». Elles occultent ainsi, par exemple, les salaires des directeurs, des directeurs adjoints, des secrétaires et des agents de bureau, ainsi que des dépenses d'archivage, d'accueil du personnel, de représentation et de publicité.

En réalité, « la portion des dépenses de fonctionnement des 69 commissions scolaires consacrées à l'administration n'est pas de 4,1 %, mais plutôt quelque part dans la fourchette de 4,1 à 11 % », conclut la VG. 

Ces dépenses liées à l'administration s'élèveraient ainsi à plus de 472,5 millions. Notons que Guylaine Leclerc ne va pas jusqu'à dire qu'elles atteindraient le maximum de 11 % - soit 1,2 milliard -, puisque certaines enveloppes qu'elle a découvertes et qui comprennent des dépenses administratives contiennent aussi des dépenses liées à la pédagogie (comme le coût de l'imprimerie et de la reprographie lié à l'enseignement). Mais si l'on suppose qu'elles se trouvent au milieu de la « fourchette » déterminée par la VG, elles seraient presque deux fois plus élevées que ce qui est estimé par les commissions scolaires. La part de ces dépenses a tout de même diminué au fil des ans en raison des compressions, puisque la « fourchette » représentait entre 5,2 % et 12,7 % en 2009-2010, selon la VG.

Par ailleurs, certaines pratiques ne respectent pas les principes comptables. « 36 commissions scolaires ont imputé de 10 % à 94 % de leurs dépenses de publicité dans les activités d'enseignement », alors qu'elles devraient les inscrire dans les activités administratives. « Cela démontre qu'une commission scolaire peut paraître plus performante sur le plan administratif » simplement en inscrivant des dépenses dans une autre colonne, estime la VG.

Le ministère de l'Éducation a lui-même modifié les règles pour que les commissions scolaires puissent déplacer une partie des dépenses qui ont toujours été considérées comme administratives vers les dépenses liées à l'enseignement. Il s'agit des coûts de messagerie et de téléphonie, par exemple. Près de 100 millions sont ainsi disparus de la colonne des coûts liés à l'administration pour se retrouver ailleurs. « Cela peut laisser croire à une diminution de la proportion des dépenses de fonctionnement sans qu'aucune dépense ait été réduite », souligne le rapport.

LE MINISTÈRE ÉCLABOUSSÉ

De politique en plan d'action, le Ministère ajoute année après année des mesures sans faire une analyse de leur bien-fondé et sans en mesurer l'efficacité. Pour les trois quarts des 21 mesures analysées par la VG et totalisant 919 millions de dollars, le Ministère « n'a pas été en mesure de nous fournir une analyse satisfaisante qui aurait pu démontrer que sa décision d'investir permettait d'améliorer la réussite des élèves ». Bref, « l'application de nouvelles mesures est généralement orientée sur les moyens plutôt que sur la finalité recherchée, soit la réussite des élèves ».

Les paramètres pour calculer le financement de 63 mesures qui totalisent 1,2 milliard datent de plusieurs années et n'ont pas été révisés pour tenir compte de l'évolution des besoins. C'est le cas pour l'aide aux élèves en difficulté d'apprentissage.

UN PROGRAMME CRITIQUABLE

La VG lève le voile sur des aberrations concernant le programme d'intégration sociale de la formation générale des adultes. « Certaines commissions scolaires offrent des cours [...] dont l'objectif de formation s'éloigne des intentions éducatives du programme. » Celle des Découvreurs, à Québec, propose ainsi des cours de cuisine, d'initiation à la tablette électronique et de Qi Gong (gymnastique douce) à toutes les personnes de 50 ans ou plus, « sans égard à leurs limitations ou aux objectifs recherchés ». À la commission scolaire de la Pointe-de-l'Île, à Montréal, 63 personnes de 80 ans ou plus auraient suivi plus de 900 heures de formation en une année, soit plus que le nombre d'heures requis pour être considéré comme un élève à temps plein. « Fait encore plus surprenant, six de ces élèves ayant plus de 95 ans auraient suivi chacun plus de 1000 heures de formation en 2015-2016, dont un qui aurait suivi 7600 heures ces huit dernières années [...]. » Selon la VG, des éléments de ce programme relèvent manifestement davantage de la mission d'autres ministères, comme la Santé et la Famille. Elle note que les commissions scolaires font des surplus avec ce programme, car la subvention est plus élevée que leurs dépenses.