Habituées à composer avec la surpopulation dans les écoles, les commissions scolaires de la région montréalaise doivent faire face à un nombre impressionnant de nouveaux arrivants cette année, parmi lesquels figurent des demandeurs d'asile qui ont traversé la frontière à pied tout l'été.

Le coordonnateur aux communautés culturelles de la Commission scolaire de la Pointe-de-l'Île (CSPI) était en vacances quand il a vu aux informations les migrants haïtiens franchir la frontière canado-américaine en juillet et en août. Il a immédiatement su que la rentrée serait chargée.

De fait, beaucoup de ces demandeurs d'asile se sont installés à Montréal-Nord, dans le nord-est de Montréal, où vit une importante communauté haïtienne. Si bien que la commission scolaire qui gère les écoles de ce secteur a reçu cet automne plus de 500 enfants demandeurs d'asile, dont les trois quarts environ sont d'origine haïtienne. La plupart sont arrivés à la mi-septembre.

Une rentrée hors du commun



«C'est une école primaire au complet!», dit Yve Laviolette. On a plus que doublé le nombre d'élèves dans les classes d'accueil de Montréal-Nord. Je n'ai jamais vu ça de ma carrière. Et c'est sans compter ceux qui ont suivi le processus normal de l'immigration, qui continuent à arriver.»

L'homme a beau gérer les classes d'accueil depuis plus d'une décennie dans cette commission scolaire, il n'avait pas mesuré l'ampleur de ce qui l'attendait à la rentrée.

«Quand j'ai vu en janvier que des gens passaient la frontière à - 20 °C au risque d'avoir des engelures, j'ai dit : "On va avoir une augmentation de clientèle." 

«J'ai été optimiste, j'ai prévu 30% d'augmentation dans Montréal-Nord. Mes collègues me disaient : "Es-tu sûr?" Finalement, c'est 130% d'augmentation», dit M. Laviolette, coordonnateur aux communautés culturelles de la Commission scolaire de la Pointe-de-l'Île.

Contrairement aux élèves arrivés au Québec au lendemain du tremblement de terre qui a secoué Haïti en 2010, ceux qui se présentent dans les écoles ces mois-ci ont besoin d'un suivi moins serré.

«Ils n'ont pas connu la guerre. Ils sont partis vite de chez eux, mais pas aussi en catastrophe qu'on pourrait penser, dit Yve Laviolette. Ils ont attendu la fin de l'année scolaire, ils sont arrivés avec les bulletins et les dossiers des enfants. Il y a quand même une petite préparation.»

Des lieux de transition



Les classes d'accueil - officiellement appelées classes d'intégration linguistique, scolaire et sociale - sont des lieux de passage, le temps que la maîtrise du français de ces élèves soit suffisante pour qu'ils puissent intégrer une classe ordinaire.

En plus de leur apprendre le français, les professeurs des classes d'accueil font office de guides dans la nouvelle société d'accueil de ces enfants.

«L'école, ça ne se fait pas pareil partout dans le monde. Il faut habituer les élèves à travailler comme on travaille chez nous. On a un test du secondaire où une question dit : "D'après toi..." On a des élèves qui sont démunis, ils ne comprennent pas le sens de la question», illustre Yve Laviolette.

Suzanne Jarry est enseignante depuis 30 ans. Elle désigne deux élèves d'origine haïtienne de sa classe d'accueil de première année de l'école primaire Saint-Vincent-Marie qui sont arrivés à Montréal il y a trois semaines à peine. «Eux autres, c'est pas facile», chuchote-t-elle. Pourtant elle sait que dans quelques semaines tout au plus, ils auront fait de grands progrès. «On travaille fort pour qu'ils puissent parler et s'exprimer.»

Plus les élèves sont jeunes, plus ils apprennent vite, note la directrice adjointe de l'école, Myrna Dupoux.

Dans sa classe de 3e et 4e années, l'enseignante Annie Tremblay jette un regard tendre sur son groupe. «Ils apprennent super rapidement, ils sont bons», dit-elle. Puis elle aide Hasan, un jeune Libanais, à trouver la signification du mot «ciel», qu'il ne comprend pas. Elle fait un grand geste vers le plafond. «C'est tout bleu.» «Sky, dit timidement Hassan. Ciii-elle.»

En hausse partout dans la métropole

La Commission scolaire de la Pointe-de-l'Île compte 68 classes d'accueil réparties dans ses écoles cette année, soit 21 classes de plus que l'an dernier. C'est cette commission scolaire qui a vu la plus grande arrivée de demandeurs d'asile, mais il n'y a pas que dans le nord-est de Montréal que de nouvelles classes d'accueil ont dû être ouvertes cet automne. La Commission scolaire de Montréal compte 42 groupes de plus que l'an dernier à pareille date et a inscrit depuis le 1er juillet 274 demandeurs d'asile.

La commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSMB) a aussi vu une augmentation de ses classes d'accueil, qui sont au nombre de 201, soit 27 classes de plus que l'an dernier. Les demandeurs d'asile ne sont pas la cause de cette hausse, précise toutefois la présidente de la CSMB. «Ils font partie de notre clientèle, mais ce ne sont pas eux qui ont fait une différence», dit Diane Lamarche-Venne.