Les travaux d'agrandissement de l'école primaire Saint-Benoît, dans le quartier Ahuntsic, à Montréal, ne sont pas encore commencés que déjà, on peut dire qu'ils ne se feront pas sans heurts.

Pour mener à bien ce chantier qui doit durer plus d'un an, la Commission scolaire de Montréal (CSDM) a relogé depuis la rentrée les élèves de 3e à 6e années dans une école située un peu plus au nord dans le quartier.

Même si elle reconnaît que l'école Saint-Benoît, occupée à 140%, avait un besoin «criant» d'être agrandie, la mère Julie Simard déplore que près de 200 enfants fassent chaque jour le trajet vers l'autre école. Ceux qui fréquentent le service de garde - toujours dans l'école en rénovation - sont accompagnés d'un éducateur pour gagner leur école temporaire matin et soir. Une distance, selon Google Maps, de 1400 mètres.

«Ils nous disent que c'est bon pour l'activité physique, dit la mère. Hé! Un instant! Ne me donnez pas ça comme point positif, ça ne pèse pas lourd dans la balance.»

Les parents réclament une navette entre les deux écoles depuis le printemps dernier, mais les règles de la CSDM stipulent qu'à compter de la 3e année, une résidence doit être à plus de 1600 mètres de l'école pour qu'un enfant ait droit au transport scolaire.

«Quand on essaie de savoir on est à quelle distance de l'école selon eux, ils nous disent : vous êtes en bas de 1,6 km. Naturellement, ils ont bâti leur propre logiciel de calcul. On ne sait jamais à quelle distance on est», dit Julie Simard.

«Nous utilisons un logiciel qui n'est pas Google Maps, dit la présidente de la CSDM Catherine Harel Bourdon. Il est basé sur la Ville de Montréal, avec les sens de rue. Ce n'est pas fait pour les voitures, c'est un logiciel adapté aux piétons.»

Un trajet jugé dangereux

Au coin de la rue Tolhurst et du boulevard Henri-Bourassa, où passent chaque matin les enfants déplacés, les parents craignent les prochains mois. «Aller porter les enfants en été, ça va, mais l'hiver, ce sera difficile. Je suis mère monoparentale. Je suis prête à payer l'essence pour l'autobus», dit Claudette Elusme Guillaume. La mère de trois enfants doit maintenant marcher une vingtaine de minutes matin et soir pour faire le trajet entre sa résidence et l'école que fréquente son aîné.

Bien des parents estiment qu'en plus d'être fastidieuse, cette marche imposée est dangereuse, notamment parce qu'elle implique de traverser le boulevard Henri-Bourassa, qui compte huit voies.

«Je suis inquiète, et l'hiver n'est pas commencé. Il y a des virages à gauche interdits, mais des camions tournent quand même. À la commission scolaire, personne n'est imputable. Personne ne portera le blâme si le pire arrivait», affirme Catherine Tremblay, dont la fille fréquente l'école Saint-Benoît.

La présidente de la CSDM indique qu'il est «impossible» de faire un accommodement particulier pour les enfants de cette école. «Si on se met à déroger au 1,6 km, il va falloir le faire pour tous ceux qui sont à la même distance. On dépasse déjà de plusieurs millions de dollars notre enveloppe de transport. Il faut comprendre qu'à Montréal, on n'a pas plein de circuits de transport scolaire comme en banlieue : si on ajoute un autobus sur la route, c'est 50 000 $. Et c'est 50 000 $ qu'on doit couper ailleurs», dit Catherine Harel Bourdon.

Certains aménagements apportés

L'endroit où les enfants traversent le boulevard Henri-Bourassa a récemment été peint pour bien indiquer aux automobilistes qu'un passage de piétons s'y trouve.

Depuis la rentrée, un brigadier scolaire est présent à cette intersection. Le jour du passage de La Presse, lorsque les enfants étaient nombreux à arriver en même temps, les derniers à passer regagnaient le trottoir en courant, alors que le feu était rouge depuis quelques secondes.

«Nous avons fait une demande officielle à la Ville le 17 juillet pour augmenter le temps de traverse, ils nous ont dit que le délai de réponse est de deux mois. Il n'y a eu aucun sentiment d'urgence parce que c'est une école», affirme Émilie Thuillier, conseillère municipale du district d'Ahuntsic.

La semaine dernière, la Ville de Montréal a finalement acquiescé à cette demande des parents. Elle augmentera le temps de traverse de 7 secondes, le portant ainsi à 36 secondes. «C'est la norme», dit Mme Thuillier, qui note que celle-ci est «contestée».

Tout porte à croire que les élèves devront continuer à gagner leur école temporaire à pied, beau temps, mauvais temps. 

«Ce n'est pas une solution à long terme», se désole Mounir Chettat. Le père s'est porté volontaire pour accompagner bénévolement un groupe d'enfants à l'école à pied le matin, mais jusqu'ici, le nombre de bénévoles est insuffisant pour démarrer le projet de «trottibus».

Julie Simard estime quant à elle que c'est à la commission scolaire de fournir une solution, pas aux parents. «Pour le trottibus, ce sont des parents qui doivent être bénévoles pour accompagner les enfants qui marchent. C'est facile de remettre ça dans la cour des parents», conclut-elle.