Des parents québécois ont lancé dimanche un mouvement pour mettre fin à la «ségrégation scolaire», qui a pour effet selon eux de séparer les élèves de familles plus nanties, et les autres, ainsi que les enfants plus doués, et les autres.

«Il faut reconnaître que notre système scolaire est inefficace et inéquitable», a laissé tomber en entrevue Stéphane Vigneault, le coordonnateur du Mouvement L'école ensemble, une initiative née dans la région de Gatineau.

M. Vigneault souligne que le taux de décrochage au secondaire «reste barré» à 25%, tandis que les résultats des élèves québécois aux examens internationaux, comme le fameux PISA, «stagnent, au mieux».

«La fondation de notre système d'éducation, elle est brisée. Et la cause, c'est la ségrégation scolaire. Tant qu'on ne nomme pas ce problème-là, tant qu'on ne répare pas, on pourra pomper tout l'argent qu'on veut, on va constamment se buter à un échec», a-t-il soutenu.

Le Mouvement L'école ensemble prône la fin du financement public des écoles privées, l'abolition de la sélection des élèves de l'école publique pour des programmes particuliers, et l'amélioration de l'aide aux enfants en difficulté. Il réclame également plus d'options «enrichi» pour les élèves plus performants à même les écoles publiques.

Selon ces parents, le système éducatif au Québec est affecté par la «ségrégation» qui sévit entre le système public et privé, mais aussi directement dans le système public, où les enfants ayant de meilleures notes sont choisis pour aller dans des programmes spéciaux, par exemple l'école internationale.

«Notre système d'éducation, qui doit être un ascenseur social, en fait est rendu un descenseur social», a-t-il expliqué.

«Quand les meilleurs ont quitté, quand on les sépare des autres, ceux qui restent non seulement ne sont plus tirés vers le haut, mais en plus il y a un phénomène de rupture, un seuil qui fait que ceux qui restent organisent leur spirale vers le bas», a-t-il ajouté.

Les parents du mouvement ne sont pas les seuls à être arrivés à ce constat. En octobre 2016, le Conseil supérieur de l'éducation avait conclu dans un rapport que le Québec «est engagé depuis déjà quelques années dans une logique de quasi-marché qui encourage l'essor d'une école à plusieurs vitesses».

«Dans ce contexte, il risque d'atteindre un point de rupture et de reculer non seulement sur l'équité de son système d'éducation, mais aussi sur son efficacité globale», avait-il remarqué.

Le groupe a reçu un appui de taille, celui d'un grand homme de l'éducation au Québec, Guy Rocher. Le sociologue, un ancien membre de l'importante commission Parent dans les années 1960, estime que le mouvement «sort des ornières de l'habituel débat sur l'école privée subventionnée en considérant l'ensemble de la situation».

«Oui, nous avons erré en utilisant l'argent des contribuables pour financer l'école »privée«. Mais le réseau public, en voulant concurrencer le privé sur son propre terrain, celui de la sélection des élèves, a accentué le problème en feignant de ne pas voir ceux qui restent derrière, à l'école dite ordinaire», a-t-il écrit dans une lettre que le mouvement a rendue publique.

Optimiste pour la suite

Le mouvement rencontrera prochainement chaque parti politique pour qu'ils incluent les revendications du groupe dans leurs programmes en vue des élections générales de 2018.

M. Vigneault se dit optimiste face «l'alignement des planètes» sur le plan politique.

Il estime que l'actuel ministre de l'Éducation Sébastien Proulx est «en mode écoute», et que les députés de l'opposition responsables du dossier sont aussi passionnés par le sujet - Alexandre Cloutier du Parti québécois, Jean-François Roberge de la Coalition avenir Québec et Gabriel Nadeau-Dubois de Québec solidaire.

«Je regarde ces quatre personnes-là et moi je me vois très bien autour d'une table avec les quatre, puis qu'on soit capable d'arriver à faire le même constat que le Mouvement l'école ensemble fait.»