L'opposition officielle demande à une commission parlementaire de se pencher sur la falsification des résultats scolaires.

Le porte-parole péquiste en matière d'éducation, Alexandre Cloutier, adressera jeudi une lettre à la commission de la culture et de l'éducation pour qu'elle se saisisse d'un mandat d'initiative sur «les évaluations des apprentissages dans le système scolaire québécois».

La semaine dernière, le ministre de l'Éducation, Sébastien Proulx, avait écarté l'idée de consultations sur cet enjeu en laissant entendre que des enseignants avaient peur d'en parler en public, mais des syndicats de profs soutiennent plutôt qu'ils sont prêts à en discuter ouvertement.

Dans la lettre obtenue par La Presse canadienne, le député de Lac-Saint-Jean écrit: «À la suite de nombreux témoignages selon lesquels des résultats scolaires seraient modifiés, nous considérons qu'il est de notre responsabilité d'entendre les citoyens, les groupes et les experts qui souhaitent s'exprimer sur cette question afin d'en cerner les causes et de faire des recommandations pour mettre fin à cette pratique. Nous sommes enfin d'avis que ce dialogue doit se faire publiquement et de manière non partisane.»

Selon lui, le refus du ministre ne suffit pas. Il veut savoir combien d'élèves sont touchés, quelle est l'ampleur du phénomène, puisque le ministre tente de minimiser le problème, à son avis.

«J'imagine que quand on est ministre de l'Éducation, ça a l'air fou d'admettre que le problème est généralisé, et visiblement, c'est le cas», a lancé M. Cloutier dans une entrevue avec La Presse canadienne en début de soirée.

Ce sera aux élus membres de la commission parlementaire par la suite de se rencontrer à huis clos et de décider si oui ou non ils acceptent le mandat d'initiative.

M. Cloutier admet que le dernier mot revient au leader parlementaire du gouvernement. Comme les membres de la commission sont majoritairement libéraux, ils pourraient décider de se ranger à l'opinion du ministre.

«Omerta»

En Chambre, Sébastien Proulx avait repris les affirmations du député caquiste Jean-François Roberge, selon lequel il y avait un «climat de peur malsain» parmi les professeurs, une «omerta», pour rejeter l'idée d'une commission parlementaire.

Alexandre Cloutier a dit avoir reçu des centaines de témoignages sur sa page Facebook de professeurs qui dénoncent leur direction d'école ou leur commission scolaire parce qu'elles maquilleraient les mauvais résultats scolaires.

Les notes seraient falsifiées pour donner aux élèves en difficulté la note de passage et ainsi atteindre les taux de réussite scolaire visés par le gouvernement.

«Visser le couvercle sur le presto»

Un sondage de la Fédération autonome de l'enseignement (FAE) suggère que près d'un professeur sur deux avait vu la note qu'il avait attribuée à un élève être ajustée à la hausse sans qu'il ait pour autant donné son consentement.

Le président de la FAE, Sylvain Mallette, a dénoncé le ministre qui «parle à la place des profs» et qui tente de «visser le couvercle sur le presto», parce qu'il ne veut pas briser l'omerta.

«Les pédagocrates au ministère et dans les commissions scolaires ne veulent pas que les profs viennent témoigner de la réalité parce que ce sont gens-là qui nous tordent le bras et nous imposent de mentir aux parents et aux élèves», a-t-il déclaré dans une entrevue en fin d'après-midi.

M. Mallette soutient qu'il n'y a pas une école au Québec qui est épargnée par ces pratiques et qu'un grand nombre d'enseignants sont prêts à en témoigner, si le ministre leur garantit qu'ils ne feront pas face à des représailles.

Il réclame d'élargir au-delà du «tripotage de notes», pour parler du problème de «l'évaluation des apprentissages en général».

La présidente de la Fédération des syndicats de l'enseignement (FSE-CSQ), Josée Scalabrini, est du même avis. Elle estime que la commission parlementaire est l'outil existant le plus adéquat pour approfondir cet enjeu, mais qu'il faudra aussi aborder plus largement les «dérives» de la gestion axée sur les résultats.

Il y a trois semaines, le ministère de l'Éducation avait expliqué qu'un résultat est ramené à 60 pour cent pour tenir compte d'une possible «erreur de mesure dans l'ensemble des évaluations qui couvrent la matière» et que la pratique «cherche à éviter de porter préjudice à un élève».