La faculté de médecine de l'Université Laval continuera d'utiliser des porcelets vivants pour l'enseignement d'une procédure délicate en pédiatrie, malgré l'opposition d'un petit groupe de médecins basé aux États-Unis.

L'organisme américain Physicians Committee for Responsible Medecine (Comité des médecins pour une médecine responsable) a lancé une campagne pour dénoncer l'utilisation de porcelets vivants dans le cadre de la formation en pédiatrie.

Cette campagne a pris la forme d'un panneau d'affichage en bordure de l'autoroute 740 à Québec et d'une lettre signée par trois médecins et un résident aux ministres Hélène David et Gaétan Barrette, respectivement responsables de l'Enseignement supérieur et de la Santé.

Ces porcelets sont utilisés pour la formation en réanimation dans les cas d'enfants ou de nouveau-nés souffrant d'un pneumothorax, une accumulation d'air entre le poumon et la cage thoracique qui peut avoir des conséquences funestes. Ce cours sera donné du 3 au 5 mai, d'où l'intervention de l'organisme américain.

«Le Physicians Committee a recensé 220 programmes de pédiatrie aux États-Unis et au Canada. Aucun de ces 220 programmes ont rapporté utiliser des méthodes animales pour entraîner des étudiants en pédiatrie», a expliqué à La Presse canadienne le docteur Jérémie Cadet, l'un des cosignataires de la lettre aux ministres David et Barrette.

«Quand les simulateurs, les bébés mannequins, sont sortis, les programmes se sont graduellement détournés de cette pratique», a-t-il ajouté.

«Un petit porcelet, évidemment, ça saigne, ça respire, mais ce n'est vraiment pas la même anatomie qu'un enfant ou un bébé au niveau de la cage thoracique, des voies aériennes. (...) Il y a des mannequins qui sont très réalistes: ils peuvent pleurer, ils peuvent saigner, cligner des yeux, respirer», a-t-il fait valoir.

«Il a déjà un trou»

Rejoint à son tour par La Presse canadienne, le vice-doyen exécutif de la faculté de médecine, le docteur Bruno Piedboeuf, réplique que l'institution réévalue cette pratique à chaque année et maintient qu'un mannequin, aussi sophistiqué soit-il, ne peut mimer adéquatement la procédure.

Il explique que cette procédure consiste à insérer une aiguille d'assez grosse taille dans une très petite cage thoracique et que ce n'est pas l'anatomie qui doit être reproduite pour l'apprentissage, dans ce cas, mais bien la texture en raison de la nature du geste, qui est difficile, désagréable et délicat.

«Quand on parle des nouveau-nés prématurés, par exemple, la cage thoracique est petite et il y a un organe assez important au centre, le coeur», a dit le docteur Piedboeuf.

«Il faut utiliser une aiguille assez grosse pour perforer la cage thoracique et cette sensation est extrêmement désagréable parce que, quand on pousse dessus, les côtes s'affaissent un peu. On a l'impression qu'on va passer de bord en bord du bébé, mais il faut le faire. On n'a pas le choix», a-t-il ajouté.

Pour le docteur Piedboeuf, qui est aussi néo-natalogiste et pédiatre, le mannequin ne fait tout simplement pas le poids sur le plan pédagogique.

«Le mannequin, il a déjà un trou. On ne peut pas faire un trou à chaque fois. Reproduire cette sensation désagréable - parce qu'elle est vraiment désagréable quand on perce la cage thoracique - on n'y arrive pas avec un mannequin», a-t-il insisté.

Le docteur Piedboeuf souligne que l'Université Laval se trouve dans une situation particulière en ce sens qu'elle forme de nombreux médecins - autant spécialistes que généralistes - qui pratiquent en région éloignée et qui risquent d'avoir à réaliser cette procédure sans pouvoir faire appel à un spécialiste en pédiatrie ou en néo-natalogie qui en a l'habitude.

«J'ai eu, il y a quelques années, un appel au milieu de la nuit d'un médecin de famille en région qui était en salle d'accouchement avec un bébé qui était en réanimation, qui avait un pneumothorax et qui ne voulait pas le drainer. Je lui ai dit qu'il n'avait pas le choix, qu'il fallait le drainer parce que le bébé était en réanimation et que le rythme cardiaque s'en allait», a-t-il raconté.

«Il a appelé son chirurgien qui refusait de le drainer aussi parce qu'il disait ne pas être à l'aise de drainer un bébé parce qu'il n'en avait jamais fait. Finalement, il a trouvé un médecin de famille qui était à l'urgence qui a accepté de venir et drainer le bébé. Sinon, ce bébé-là serait décédé parce que personne ne se sentait le courage de drainer ce pneumothorax», a-t-il ajouté.

Si c'était votre enfant?

«Nous, on veut que les médecins qu'on forme soient à l'aise avec cette technique d'urgence qui sauve des vies», insiste le docteur Piedboeuf, qui ne nie pas pour autant les problèmes éthiques liés à cet enseignement.

«La question de savoir si c'est acceptable ou non de pratiquer chez des animaux se pose toujours. Mais elle se pose à l'inverse aussi. On pourrait questionner des parents: est-ce que c'est acceptable que, la première fois que le médecin pratique cette technique-là chez un être vivant, ce soit sur votre enfant qui est en réanimation?» lance-t-il.

Il souligne au passage que cette pratique est bien encadrée.

«On s'assure que les animaux ne souffrent pas. Ils sont sous anesthésie profonde et on peut garantir qu'ils ne souffrent pas (...) et le comité de surveillance du bien-être des animaux est très exigeant», dit-il.

Bien qu'il reconnaisse que cette approche soulève des problèmes éthiques, il maintient que l'institution continuera à la soutenir et à la réévaluer aussi longtemps qu'une solution alternative satisfaisante n'aura pas été trouvée.

Le Physicians Committee for Responsible Medecine regroupe 12 000 médecins. Les États-Unis comptent un peu plus d'un million de médecins et le Canada un peu plus de 83 000, excluant, dans les deux cas, les résidents.