Martin Thibert, maire de Saint-Sébastien, une petite ville près de la frontière américaine, avait quasiment terminé de peindre l'intérieur d'une école publique avec l'aide d'un groupe de bénévoles lorsqu'une inspectrice a débarqué.

La Commission de la construction du Québec a affirmé aux parents, grands-parents et enseignants rassemblés qu'il était illégal au Québec de peindre une école sans être rémunéré - et sans détenir le permis approprié. L'inspectrice a demandé les noms et les pièces d'identification pour les dix personnes se trouvant dans la pièce.

M. Thibert a relaté qu'il avait d'abord refusé d'obtempérer, avant qu'elle ne menace d'appeler la Sûreté du Québec.

Ces événements survenus le mois dernier ont souligné le contrôle serré des organisations syndicales, qui ferait, selon des politiciens et des économistes, grimper les coûts des projets de construction et nuirait à la participation active de la société civile.

En réaction, le gouvernement du Québec a annoncé plus tôt ce mois-ci qu'il assouplirait bientôt les règles dans le but de permettre le travail de bénévoles pour certains projets de construction, une décision critiquée par la FTQ-Construction.

Ces événements ont aussi ramené à l'avant-plan l'état lamentable de plusieurs écoles publiques à travers la province et ravivé le débat sur le rôle des citoyens et du gouvernement à l'égard de l'offre et du financement des services publics.

Le porte-parole de la Coalition avenir Québec (CAQ) en matière de travail, Marc Picard, a soutenu qu'il y avait une «lente» évolution des mentalités à cet égard au sein de la population, mais que les syndicats ne suivaient pas. Le député a dit croire que les gens réalisent qu'ils paient «de plus en plus d'impôt sans que les services s'améliorent», et que les réglementations sont trop imposantes.

Des données du ministère de l'Éducation ont indiqué à la mi-avril que près de 90 pour cent des bâtiments étaient en «mauvais» ou en «très mauvais» état sur le territoire de la Commission scolaire de Montréal. Les données laissent croire que des centaines d'édifices abritant des écoles publiques à travers la province sont dans de piètres conditions.

M. Thibert a souligné que l'école Capitaine-Luc-Fortin de Saint-Sébastien, en Montérégie, n'avait pas été repeinte depuis 33 ans, et que les sommes nécessaires ne semblaient pas vouloir venir de la commission scolaire.

Le maire a décidé d'agir, a acheté pour environ 3500 $ de peinture et a organisé la venue d'environ 30 personnes par jour pour aider à donner de nouvelles couleurs aux murs de l'école.

Après la venue de l'inspectrice, l'école a été contrainte d'embaucher des professionnels pour conclure le travail à une rémunération de 94 $ par heure.

«Les gars ne voulaient pas nous charger. Mais le syndicat les a appelés et les a forcés à charger le plein prix», a-t-il soutenu.

Peindre l'école en entier à ce tarif équivaudrait à une facture pour la commission scolaire de 120 000 $, a dit M. Thibert. Selon le maire, ces frais élevés et des règles contraignantes compliquent de plus en plus la tâche pour les petites municipalités de payer pour un travail de construction sans l'aide de bénévoles.

«Demandez à n'importe quel maire. Du travail qui devrait coûter 30 000 $ en vient souvent à coûter 70 000 $. C'est notre réalité et elle doit changer», a déclaré M. Thibert.

Selon Germain Belzile, économiste à l'école des Hautes Études commerciales (HEC) et chercheur principal du groupe de réflexion plutôt à droite de l'échiquier politique Institut économique de Montréal, a dit croire que les lois actuelles plombent la volonté des Québécois de s'investir davantage dans leurs communautés et de dépendre moins des gouvernements.

D'autres voix se font entendre pour dire que les parents ne devraient pas avoir à peindre les écoles de leurs enfants, car la responsabilité revient au gouvernement d'assurer la sécurité des infrastructures publiques.