Les garderies en milieu familial ont perdu 3600 enfants en un an. Les parents se tournent davantage vers les centres de la petite enfance (CPE) et les garderies privées non subventionnées, deux milieux où le nombre de places augmente. La révision du tarif imposé aux parents et la lutte contre les « places fantômes » expliquent aussi la baisse du taux d'occupation des services de garde en milieu familial. Précisions.

TAUX D'OCCUPATION EN BAISSE

Le ministère de la Famille chiffre à 91 604 le nombre de places « disponibles » dans les garderies en milieu familial subventionnées. Ce nombre reste stable, ou à peu près, depuis 2009. Mais dans les faits, ces places ne sont pas toutes occupées. En 2014-2015, 86 % de ces places étaient réellement utilisées. Ce taux était observé depuis des années. Or, en 2015-2016, il a chuté à 82,1 %, selon les données obtenues la semaine dernière auprès du ministère de la Famille. Le nombre d'enfants qui fréquentent les garderies en milieu familial est donc passé de 78 831 à 75 206. C'est une perte de 3625 enfants (4,6 %).

« DÉPLACEMENT DE LA CLIENTÈLE »

Le ministre de la Famille, Sébastien Proulx, explique l'exode d'abord par « un déplacement de la clientèle ». Avec la création récente de places en CPE, davantage de parents font le choix d'y envoyer leur enfant, constate-t-il. Du 1er avril 2014 au 31 mars 2016, 5600 places se sont ajoutées dans les CPE. On en compte aujourd'hui plus de 93 000, qui sont occupées à 98 %.

LE PRIVÉ EN HAUSSE

Les garderies privées non subventionnées ne cessent de croître, elles aussi. Elles comptent 60 000 places, soit 14 000 de plus qu'en 2014. La Fédération des intervenantes en petite enfance du Québec (FIPEQ-CSQ), qui représente des responsables de services de garde en milieu familial, accuse le gouvernement Couillard d'être responsable d'un exode de sa clientèle vers le réseau non subventionné. Il a révisé le tarif pour les services de garde subventionnés en 2015, ce qui a fait fuir des parents, selon le syndicat. Les parents paient maintenant un tarif modulé en fonction de leur revenu, et non plus un tarif unique de 7 $. Selon la FIPEQ-CSQ, il est désormais plus avantageux pour certains de fréquenter le réseau non subventionné et de toucher un crédit d'impôt. La CSQ reconnaît néanmoins que des parents font aussi le choix d'envoyer leur enfant dans un CPE, où le tarif est le même que dans les garderies en milieu familial. Selon elle, 653 responsables de service de garde ont cessé leurs activités depuis 2015. Elle en représente 11 000 sur environ 15 000.

LES « PLACES FANTÔMES »

La révision du tarif a également « permis d'atténuer le problème des places fantômes », selon le ministère de la Famille. « Le fait que la contribution totale puisse atteindre jusqu'à 20 $ par jour, ça a amené des parents à refuser de signer des ententes qui ne correspondent pas à leurs besoins », selon une porte-parole, Ève Gauthier. En 2014, une association de CPE avait accusé des garderies en milieu familial d'être les principaux responsables du phénomène des « places fantômes » : Québec versait malgré lui des subventions pour des places qui n'étaient pas réellement occupées par un enfant. Par exemple, des parents signaient une « fiche d'assiduité » indiquant que leur enfant fréquentait une garderie pendant cinq jours par semaine, alors que ce n'était pas le cas. Ils acceptaient de payer les cinq jours malgré tout (au tarif quotidien de 7 $ à l'époque). En agissant ainsi, ils déclenchaient aussitôt le versement de subventions à la garderie, même pour les jours où leur enfant n'était pas présent. Autre exemple : des garderies demandaient aux parents de payer pour réserver une place tout en réclamant au gouvernement des subventions comme si l'enfant fréquentait déjà leur établissement. Sébastien Proulx attribue en partie la baisse du taux d'occupation des garderies en milieu familial aux mesures prises pour contrer le phénomène des « places fantômes ».

LE BUDGET FOND

Québec s'ajuste à la baisse du nombre d'enfants dans les garderies en milieu familial : il réduit de près de 8 % le montant des subventions versées à ce réseau en 2017-2018, selon le budget déposé le mois dernier. L'enveloppe fond de 624,8 millions à 575,8 millions, une coupe de 49 millions. Ces prévisions budgétaires laissent croire que l'exode des enfants dans ce réseau s'est poursuivi au cours de l'année financière qui vient de se terminer, 2016-2017. Les données sur le taux d'occupation pour cette année-là ne sont pas encore disponibles, mais le ministère de la Famille a déjà une bonne idée de la situation. Selon ce que disait un représentant du Conseil du trésor au huis clos du budget, les dépenses sont en baisse parce que le gouvernement a pris des moyens pour ne plus subventionner de « places fantômes » et que les parents choisissent d'autres services de garde.