Des commissions scolaires qui se déresponsabilisent et qui mettent potentiellement parents et enfants en danger : donner le feu vert aux travaux bénévoles dans les écoles du Québec constituerait une pente extrêmement glissante, selon la FTQ-Construction.

Le plus gros syndicat du secteur sort de son mutisme, six semaines après une intervention des autorités contre des parents qui repeignaient une école, en Montérégie. La ministre du Travail s'est rapidement dite « derrière les parents du Québec qui souhaitent effectivement s'impliquer » et a promis de rédiger un règlement en ce sens.

Mais ouvrir davantage ces chantiers de rénovation aux bénévoles déresponsabiliserait les commissions scolaires et pourrait créer des dangers réels, en plus de rogner sur le travail de travailleurs en règle, a fait valoir l'organisation dans sa première entrevue sur le sujet, accordée à La Presse.

« La population ne se rend pas compte dans quoi elle s'embarque », dit Yves Ouellet, directeur général de la FTQ-Construction.

NON AUX CATASTROPHES

Selon lui, l'expertise des travailleurs spécialisés est essentielle pour éviter des catastrophes sur les chantiers.

Et le syndicaliste d'exposer un cas où un bénévole sans connaissances en construction installerait du matériel non résistant aux incendies dans une cage d'escaliers.

« Quand il va y avoir 16 élèves pognés dedans et que ce sera pas [le bon matériel], ils vont mourir. Ils vont tous mourir asphyxiés. Est-ce que c'est vraiment la faute du parent, qui a juste voulu aider ? Il a juste voulu aider, il ne savait pas », a affirmé M. Ouellet.

Reconnaissant le caractère « extrême » de son exemple, il a poursuivi avec un scénario où un parent d'élève peinturerait un mur infesté de champignons sans s'en rendre compte et où « les enfants sont malades comme des chiens trois ans après ».

Au cabinet de la ministre du Travail Dominique Vien, on prône la patience. Le règlement proposé par le gouvernement a été approuvé par le Conseil des ministres et devrait être publié pour commentaires sous peu.

« On invite tous les groupes, incluant la FTQ, à nous fournir leurs commentaires quand ils sauront exactement de quoi il s'agit, quand ils auront vu le projet de règlement », a affirmé son porte-parole Florent Tanlet.

CRAINTE DU DÉSENGAGEMENT DE L'ÉTAT

Même en l'absence de danger mortel, permettre à des parents d'élèves de peindre ou de rénover l'école de leurs enfants permettrait à l'État de se désengager face à ses obligations, avance Yves Ouellet.

« Moi, j'habite à Repentigny. Dans les cinq dernières années, mes taxes [scolaires] ont doublé, et plus, a-t-il dit en entrevue. On chiale tous que les écoles sont en décrépitude. Mais quand [les parents] auront le droit d'aller faire du bénévolat, pourquoi [la commission scolaire] se casserait la tête à payer du monde ? Elle va dire aux parents de lever leur derrière et d'aller peinturer. »

« Si tu te sens obligé d'aller peinturer les murs d'une école, c'est qu'il y a un problème », a-t-il dit.

Dans une lettre publiée dans La Presse, hier, le président de la Fédération du personnel de soutien scolaire, affiliée à la Centrale des syndicats du Québec, allait dans le même sens : « Ce n'est pas aux parents, aussi bien intentionnés soient-ils, de sortir leur coffre d'outils et d'aller bénévolement rafraîchir nos écoles », écrivait Éric Pronovost.

Une loi adoptée en 2011 par l'Assemblée nationale prévoyait que le travail bénévole dans le domaine de la construction devrait être encadré dans un règlement, mais celui-ci n'a jamais été édicté.

Dans les dernières années, les travailleurs possédant des cartes de compétence devaient demander une autorisation de la Commission de la construction du Québec (CCQ) pour effectuer des travaux sans exiger de rémunération. La FTQ-Construction plaide pour le maintien de ce statu quo.

Archives La Presse, Robert Skinner

Yves Ouellet, directeur général de la FTQ-Construction.