Le parent d'un enfant discriminé en raison d'une déficience intellectuelle peut lui aussi être considéré comme une victime de la discrimination infligée à son enfant, vient de trancher la Cour d'appel du Québec. La Commission scolaire de Montréal (CSDM) a ainsi été condamnée à verser 7500 $ à la mère d'un adolescent trisomique parce qu'il n'a pas obtenu de services adéquats.

Le fils de Suzanne Ouellet, atteint de trisomie 21 et d'une déficience intellectuelle moyenne, a fait l'objet d'un « traitement discriminatoire fondé sur son handicap », lors de ses deux premières années du secondaire entre 2006 et 2008, avait conclu le Tribunal des droits de la personne, en mars 2014.

L'adolescent de 14 ans avait été intégré en classe ordinaire à son entrée au secondaire à l'école Sophie-Barat, même si son niveau scolaire équivalait à celui de première année du primaire. Or, l'adolescent n'a pas eu droit aux services et aux « adaptations nécessaires à son apprentissage en milieu scolaire ordinaire » par la CSDM, ce qui justifie la décision du tribunal. 

Sa mère, Suzanne Ouellet, n'avait alors eu droit à aucune indemnité. Toutefois, la Cour d'appel a conclu qu'elle avait bien subi un « préjudice moral » en raison du traitement discriminatoire infligé à son fils. « La conduite discriminatoire de [la CSDM] a causé non seulement angoisse et affliction à la mère, mais l'a aussi forcée à entreprendre des démarches qui lui ont coûté temps et efforts », écrivent les trois juges, dans leur décision du 24 février dernier.

Cette décision reconnaît le droit des parents d'être indemnisés lorsque leur enfant est victime de discrimination, se réjouit Me Lysiane Clément-Major, avocate à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDQ) qui représentait la famille. « C'est un point vraiment important pour la Commission. Ça a une incidence sur les dossiers d'intégration scolaire et sur les dossiers où les droits d'enfants handicapés peuvent avoir été brimés et où les parents avaient droit à des dommages », explique-t-elle.

Cette victoire est toutefois en demi-teinte pour la CDPDQ, puisque la Cour d'appel ne leur a pas donné raison sur deux points. Ainsi, la commission scolaire n'a pas agi de manière discriminatoire en 2008 en dirigeant l'adolescent dans une école spécialisée, comme le soutenait Me Clément-Major.

La CDPDQ envisage de faire appel en Cour suprême sur un « point technique » susceptible d'avoir des « conséquences sur les prochains dossiers d'intégration scolaire », selon Me Clément-Major. Dans cette affaire, c'est la CDPDQ qui devait démontrer que les décisions prises par la commission scolaire ne respectaient pas l'intérêt de l'adolescent. Or, ce « fardeau devient extrêmement lourd en pratique », maintient l'avocate, qui demande de l'imposer plutôt à la commission scolaire. La CSDM n'avait d'ailleurs présenté aucune preuve en première instance, précise-t-elle.

La CSDM n'avait pas pris connaissance du jugement hier.

- Avec Louise Leduc, La Presse