La Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ) ouvre la porte à certains compromis, à quelques jours du début des consultations sur le projet de loi 86, déjà controversé, encadrant la réforme de la gouvernance du milieu de l'éducation. Mais les élections scolaires doivent rester, martèle l'organisme.

« N'en déplaise au gouvernement, le suffrage universel est incontournable », lance la présidente de la Fédération, Josée Bouchard. Elle ajoute que, en signe d'ouverture, l'organisme est toutefois prêt à partager la gestion du réseau scolaire avec des parents et des membres nommés de la communauté, par qui Québec entend notamment remplacer les commissaires scolaires élus.

Réforme controversée

En décembre, le ministre de l'Éducation François Blais a déposé au tout dernier jour de la session parlementaire un projet de loi attendu visant à réorganiser la gouvernance du réseau.

Dès son dévoilement, le projet a soulevé beaucoup de résistance dans le milieu de l'éducation, déjà échaudé par la renégociation des conventions collectives.

Avec le projet de loi 86, c'est un grand brassage des structures que prévoit le ministre Blais. S'il est accepté, finies les élections scolaires. Le conseil des commissaires sera remplacé par un conseil scolaire formé de parents, de directeurs d'école, de membres du personnel et de membres de la collectivité.

Une idée à laquelle s'opposait jusqu'à récemment la FCSQ. Sa présidente l'a clairement fait savoir au ministre. Il lui aurait répondu qu'il ne souhaitait pas la rencontrer à ce sujet tant qu'elle ne changerait pas de position.

« On a tenté d'avoir des rencontres [avec le ministre Blais]. Ç'a été une fin de non-recevoir », dit Josée Bouchard.

Mme Bouchard s'est même adressée au premier ministre à ce sujet, mais elle a été redirigée vers François Blais.

Des compromis

Dans une nouvelle prise de position présentée hier lors d'une rencontre éditoriale à La Presse, la Fédération fait maintenant preuve d'une certaine ouverture.

L'organisme accepte par exemple l'idée que des parents (élus par le comité de parents) et des membres de la communauté nommés fassent partie du futur conseil scolaire (il y en aura un par commission scolaire).

La Fédération propose aussi que les parents, mais aussi les autres membres du conseil, aient le droit de vote (il y a des représentants des parents dans les conseils de commissaires actuels, mais ils n'ont pas le droit de vote).

Toutefois, ajoute Josée Bouchard, une proportion de ce comité doit continuer d'être formée de gens élus au suffrage universel et qui devront répondre de leurs gestes à la population. « On doit ça [aux citoyens] quand ils payent des taxes », dit la présidente, qui dénonce une perte de démocratie.

Qu'en est-il du faible taux de participation aux élections scolaires - il était en deçà de la barre des 5 % chez les francophones en 2014 -, principal argument de Québec pour mettre fin au scrutin ?

Mme Bouchard réitère une solution maintes fois proposée : jumeler les élections scolaires aux élections municipales.

Toujours au sujet de la composition du conseil scolaire, pas question d'appuyer la présence de directeurs d'écoles ou de membres du personnel. La FCSQ craint des dérives si certains employés des écoles tentent de « tirer la couverte de leur bord ».

Centralisation des pouvoirs

L'autre cheval de bataille de la Fédération, c'est la limitation de la centralisation des pouvoirs à Québec. Le ministre souhaite en effet s'accorder un droit de gestion dans les commissions scolaires pour leur donner des directives, dicter l'adoption de cibles et d'orientations et même destituer des gestionnaires.

Il pourrait aussi « inviter » certaines commissions scolaires à fusionner ou à fusionner leurs services.

« On n'est pas contre le partage de services, assure Mme Bouchard, ni contre les fusions quand c'est bien fait. » Mais, ajoute-t-elle, le rôle des commissions scolaires est d'être le « contrepoids au ministre ». « Il se donne pas mal de pouvoirs », estime la présidente, qui craint que les régions tant urbaines que métropolitaines ne soient « dépossédées de leur pouvoir de décision locale ».

La FCSQ présentera sa position dans le cadre d'un processus de consultation en commission parlementaire en compagnie d'une cinquantaine de groupes.

Les rencontres devaient débuter aujourd'hui, mais elles ont été reportées à cause du remaniement ministériel.

Les grandes lignes du projet de loi

• Abolition des commissions scolaires. Le conseil des commissaires sera remplacé par un conseil scolaire de 16 membres (six parents, des directeurs d'école, des membres du personnel et des membres de la collectivité).

• Si 15 % des parents d'un territoire l'acceptent, certains postes au sein des commissions scolaires pourraient continuer d'être pourvus grâce au suffrage universel, par voie électronique. Dans les commissions scolaires anglophones, le taux de participation a atteint 17,26 % aux dernières élections.

• Le ministre de l'Éducation aura un pouvoir d'intervention accru. Il pourra notamment donner des directives aux commissions scolaires, les obliger à adopter des cibles et des orientations et destituer des gestionnaires.

• Certaines commissions scolaires seront invitées à fusionner ou à fusionner des services.

• Les commissions scolaires devront créer un « comité de répartition des ressources » composé entre autres de directeurs d'écoles, qui sera chargé de proposer au conseil scolaire la manière d'utiliser les ressources financières allouées aux écoles.

• Une partie du budget (dont la proportion n'est pas précisée) sera transférée directement aux écoles.