Les écoles publiques où l'uniforme complet n'est pas obligatoire sont en voie de devenir l'exception au Québec. Dans un contexte de concurrence avec les établissements d'enseignement privés, il ne subsistera bientôt qu'une seule école où l'uniforme ne sera pas obligatoire sur le territoire de la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (CSMB), à Montréal.

À la reprise des classes, au début du mois de janvier, les parents de l'école secondaire Cavelier-De LaSalle, dans l'ouest de l'île, ont appris que « l'uniforme complet » serait obligatoire à la rentrée de septembre et que le code de vie serait modifié en conséquence. D'ici la fin de février, un contrat sera attribué à un fournisseur auprès duquel les parents seront tenus de s'approvisionner. Le tout avec le « souci » de réduire les coûts de l'uniforme, a souligné l'école dans une note envoyée aux parents, il y a quelques jours.

Au Québec, l'adoption d'un code vestimentaire avec uniforme partiel ou complet relève de chaque école, et non des commissions scolaires. À Cavelier-De LaSalle, un sondage a été mené auprès du personnel, du conseil des élèves et des parents avant d'imposer le port de l'uniforme complet. Actuellement, les élèves doivent porter un chandail au logo de l'école, ce qu'on appelle le « demi-uniforme » dans le milieu.

Selon les résultats du sondage de cette école, 80 % des employés se sont prononcés pour cette mesure, et plus de 90 % des membres du conseil des élèves. Chez les parents consultés par courriel, la réponse a été plus mitigée, la moitié d'entre eux se montrant favorables au port de l'uniforme.

La présidente de la Fédération des comités de parents du Québec, Corinne Payne, estime que le phénomène des uniformes complets dans les écoles est largement dû à la concurrence que se livrent le public et le privé. Elle croit aussi qu'il s'agit d'un moyen de baliser l'hypersexualisation chez les adolescentes.

« Le réseau des écoles publiques concurrence plus que jamais le privé, dit-elle. Mais au-delà de ça, je me souviens d'un bal des finissants en sixième année où les élèves avaient été consultés sur l'organisation de l'événement. Les jeunes filles ne voulaient qu'une chose : pouvoir porter des bretelles spaghettis. »

« L'hypersexualisation vestimentaire est un problème depuis des années dans les écoles. C'est une façon de le contrôler. »

À la Commission scolaire de Montréal (CSDM), l'uniforme partiel ou complet est aussi en pleine montée. À l'heure actuelle, 21 écoles secondaires sur 29 imposent l'uniforme ou un code vestimentaire strict, avec des couleurs, des modèles et des longueurs à respecter. La présidente de la CSDM, Catherine Harel Bourdon, explique que les premières écoles à avoir adopté un uniforme sur son territoire étaient situées dans des quartiers du nord de la ville, où il y avait un problème grandissant avec les gangs de rue.

« C'est également une façon de diminuer la disparité entre les jeunes en matière d'habillement, de vêtements griffés, ajoute Mme Harel Bourdon. Les écoles où l'uniforme n'est pas obligatoire sont en train de devenir l'exception. »

La directrice de l'école secondaire Cavelier-De LaSalle, Julie Lavigne, n'a pas donné suite à une demande d'entrevue. La présidente de la CSMB, Diane Lamarche-Venne, a indiqué que les établissements avaient l'habitude d'organiser des friperies maison pour offrir à bas prix les uniformes d'occasion des années précédentes. À Cavelier-De LaSalle, on projette un coût moyen de 15 $ le chandail et de 25 $ le pantalon ou la jupe. Des dépenses qui s'ajouteront aux fournitures scolaires obligatoires, à la rentrée scolaire.

Légal, le port obligatoire de l'uniforme?

Au cours des dernières années, de nombreuses commissions scolaires ont demandé des avis juridiques avant d'aller de l'avant avec l'imposition d'un uniforme complet dans les écoles secondaires. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse avait déjà publié un avis, dans les années 90, où elle se penchait sur les clauses de la Loi sur l'instruction publique (LIP) et la notion de gratuité. Selon les conclusions des conseillers juridiques, l'imposition d'un code vestimentaire ou de l'uniforme dans une école publique ne constitue pas une atteinte à la liberté des élèves, au droit au respect de leur vie privée, à leur droit à l'égalité ou au droit à l'instruction publique et gratuite. Elle ne porterait pas non plus en soi atteinte à la liberté d'expression, à moins que l'élève puisse démontrer que le port d'un vêtement envoie un message précis.