Les frais de gestion des centres de la petite enfance (CPE) sont trop élevés, estime la ministre de la Famille, Francine Charbonneau. Sa réforme du financement vise à les réduire eux aussi, a appris La Presse.

Questionnée par les journalistes sur sa réforme, hier, Francine Charbonneau a cherché à tourner les projecteurs vers les coûts de gestion des CPE. Les frais d'administration accaparent 17 % de leur budget en moyenne, selon le gouvernement. Ces frais comprennent le salaire du personnel de direction et de secrétariat et le matériel de bureau, notamment.

« On se doit de regarder pourquoi certains CPE ont plus de 17 % [de frais] d'administration. C'est quoi, leur bureaucratie ? », a plaidé Mme Charbonneau. Elle avait parlé du taux de 17 % une première fois lors d'une commission parlementaire en mai dernier. 

La ministre avait alors souligné que la Commission scolaire de Laval, dont elle a été la présidente de 2002 à 2008, « peut se vanter » d'avoir des frais administratifs équivalant à 3,5 % de son budget. C'est 4 % environ dans l'ensemble des commissions scolaires, selon leur fédération, qui se targue d'afficher le taux le plus bas du réseau public et parapublic.

Subvention à la baisse

Québec entend donc revoir à la baisse la subvention servant à couvrir les frais d'administration dans le cadre de sa réforme du financement des services de garde. Cette réforme modifie toutes les enveloppes, et pas seulement celle concernant les « services directs » et servant à payer les éducatrices.

Selon les chiffres présentés par le ministère de la Famille aux associations de CPE et de garderies privées subventionnées, les coûts administratifs des CPE représentent en moyenne 2441 $ par année par place.

Le gouvernement a calculé que ces coûts sont de 2038 $ chez le « tiers performant », c'est-à-dire les services de garde qui ont des dépenses les plus basses et qui lui coûtent donc le moins cher. Mais il voudrait accorder moins, soit 80 % de cette somme, c'est-à-dire 1638 $ par année par place. Ce serait le montant de base versé à la fois à un CPE et à une garderie privée subventionnée pour les frais administratifs. Dans le cas d'un CPE, Québec voudrait toutefois ajouter un montant de 36 000 $ par année parce que, contrairement à une garderie privée, il a un conseil d'administration.

Un CPE de 80 places recevrait donc environ 167 000 $ par année au total. À l'heure actuelle, les coûts d'administration atteignent un peu plus de 195 000 $ en moyenne (2441 $ multipliés par 80). Il y aurait donc une baisse de 28 000 $, soit 14 %.

Les associations de CPE et de garderies privées subventionnées estiment que les coupes seraient plus élevées encore que les 120 millions annoncés, car le gouvernement revoit à la baisse plusieurs paramètres du financement. Elles évaluent les compressions à 320 millions.

Ces compressions vont s'ajouter à celles de 74 millions imposées cette année et de 100 millions en 2014-2015. Sur ces 174 millions, 116 millions sont des coupes récurrentes, le reste ayant été pigé dans les surplus des CPE.

Surplus

Les surplus des CPE totalisent 350 millions de dollars, a soutenu Francine Charbonneau hier. Ce n'est pas tout à fait juste, car les 350 millions en question représentent à la fois les surplus des CPE et les bénéfices nets non répartis des garderies privées subventionnées. Les surplus des CPE tournent autour de 165 à 170 millions. Notons toutefois qu'un CPE sur six est en déficit, selon le gouvernement.

Le cabinet de la ministre Charbonneau soutient que la réforme présentée aux associations est une « hypothèse » qui doit faire l'objet de discussions. Il ne veut pas commenter les chiffres publiés dans La Presse. Il ne les conteste pas, bien au contraire : « Les documents que votre collègue a eus sont des documents de travail qui sont sur la table pour comprendre comment ça se passe dans l'ensemble des services de garde », a dit Mme Charbonneau aux journalistes parlementaires.

Les associations de CPE et de garderies privées feront une sortie commune aujourd'hui. Demain, elles retourneront à la table de discussion créée par le ministère de la Famille pour présenter sa réforme du financement. Elles avaient claqué la porte d'une précédente réunion, la semaine dernière.

Réaction du Conseil du statut de la femme

« Nous désirons lancer un appel à la prudence face aux effets possibles de [la révision du financement] sur l'accessibilité et la qualité de ce service essentiel pour les Québécoises. [...] Les services de garde ne sont pas tous construits sur le même modèle et n'évoluent pas dans un environnement homogène. Il faut raffiner la grille d'analyse et inclure d'autres critères pour évaluer leur performance. La qualité de ces services auxquels nous confions nos enfants ne se mesure pas avec un simple calcul comptable. Les services de garde sont une des pierres d'assise d'une société qui a pris acte que les mères comme les pères sont en emploi. »

- Julie Miville-Dechêne, présidente du Conseil du statut de la femme, dans une lettre envoyée à la ministre Charbonneau hier.