Compressions obligent, l'école primaire Sainte-Jeanne-d'Arc, située dans un secteur défavorisé d'Hochelaga-Maisonneuve, a décidé de faire rouler ses classes au maximum de leur capacité. Résultat: la direction a fermé le jour même de la rentrée l'une de ses trois maternelles 5 ans.

L'enseignante remerciée ne sait pas où elle sera mutée, les parents sont sous le choc et les deux enseignantes qui restent craignent les répercussions sur les enfants, qui découvriront les bancs d'école entassés dans deux classes. Il est question de quarante enfants - qui, dans certains cas, n'ont jamais fréquenté une garderie - pour deux enseignantes.L'enseignante Caroline Massé s'affairait à rassembler ses affaires dans des cartons, mercredi midi. Elle a accumulé douze ans d'expérience et enseignait depuis quatre ans dans une maternelle de cette école. La veille de la rentrée, elle avait nettoyé sa classe, replacé les pupitres, les chaises, les ordinateurs. La rentrée avait quelque chose de magique, puisqu'elle revenait d'un congé de maladie pour soigner une dépression.

«J'étais motivée, mes conditions de travail étaient merveilleuses. Mon médecin était d'accord avec mon retour. C'était d'autant plus merveilleux que mon fils est inscrit à la garderie de l'école, et que ma fille devait fréquenter mon groupe», a-t-elle raconté à La Presse.

Le rêve n'a pas duré longtemps. Le lendemain matin, elle n'a pas pu aller à la rencontre de ses nouveaux élèves. Elle a plutôt été convoquée dans le bureau de la directrice de l'école. Son poste est supprimé, a-t-elle appris. Il ne manquait que quatre inscriptions pour maintenir la classe ouverte, mais les règles sont les règles, lui a-t-on expliqué.

Pétition

Dans les heures qui ont suivi, collègues et parents ont réuni près de 200 signatures dans l'espoir de renverser la vapeur. Certains d'entre eux, joints par La Presse, ont décrit l'enseignante comme un être d'exception, aimé de tous. Jusqu'à maintenant, le ministre François Blais a été interpellé, tout comme le commissaire de l'établissement et le député, même la présidente de la Commission scolaire de Montréal (CSDM). En vain.

Lors d'un entretien avec La Presse, Catherine Harel-Bourdon, présidente de la CSDM, a expliqué que l'école Sainte-Jeanne-d'Arc est située dans un rare quartier où les inscriptions sont à la baisse. Cet automne, la commission scolaire doit jongler avec 12 000 élèves inscrits en «libre choix» sur son territoire, c'est-à-dire de parents vivant dans un autre quartier. Afin de satisfaire la clientèle, une dizaine d'enseignants ont été embauchés, ce qui a permis de réintégrer le tiers des élèves expulsés des écoles lors de la rentrée, par exemple à Lambert-Closse, qui a fait la manchette. Mais comme une classe coûte 100 000$ par année à faire rouler, il a fallu faire des coupes ailleurs, explique-t-elle.

«Le phénomène du libre choix est grandissant pour diverses raisons, ajoute Mme Harel-Bourdon. Il y a les parents séparés qui choisissent une école à mi-chemin. Il y a ceux qui choisissent une école en dehors de leur quartier en raison du lieu de leur travail. Il y a également les choix en fonction de la perception de la qualité des écoles. Et enfin, les parents qui font des choix en raison des projets éducatifs, musique, science, etc.»

De nouvelles demandes d'inscription cette semaine

L'enseignante congédiée a été convoquée à une assemblée, qui se tiendra jeudi, comme à ses débuts dans la profession. Lors de cette assemblée, des postes seront pourvus selon l'ancienneté. Mme Massé ne sait pas quel rang elle occupera.

Sa collègue d'une maternelle épargnée de Sainte-Jeanne-d'Arc, Justine Giguère, raconte pour sa part qu'elle aura beau former des sous-groupes dans la classe, il n'en demeure pas moins que les enfants devront attendre longtemps avant qu'elle puisse répondre à leurs questions. Elle ne comprend pas la décision, d'autant plus que l'école aurait reçu de nouvelles demandes d'inscription cette semaine.

«On va y arriver, mais il faut comprendre qu'il y a une différence énorme entre une classe de 16 et de 20 élèves dans une école où certains enfants n'ont jamais vécu la vie de groupe et proviennent d'un milieu défavorisé. Dans mon cas, j'ai conservé mon poste parce qu'il s'agit d'un remplacement de congé de maternité. Nous sommes toutes très tristes.»