Si la moyenne de leur classe est jugée insuffisante, des enseignants de certaines écoles de la Commission scolaire de la Pointe-de-l'Île se voient attribuer un code rouge qui les place sous haute surveillance, dénonce le syndicat des enseignants, qui accuse la commission scolaire de faire d'énormes pressions pour que les notes soient gonflées artificiellement. La commission scolaire assure pour sa part n'avoir jamais été témoin de telles pratiques.

La semaine dernière, le syndicat des enseignants de Laval dénonçait le fait que ses membres soient l'objet de pression pour que leurs élèves atteignent à tout prix les cibles de réussite fixées par le gouvernement du Québec. Bon nombre d'acteurs du milieu avaient alors dit que ce genre de pratique était largement répandu et que c'était là un effet pervers des cibles précises de taux de réussite à atteindre dictés par le ministère de l'Éducation.

À la Pointe-de-l'Île, dans l'est de Montréal, le syndicat affirme que le problème est aigu. « Dans quatre ou cinq écoles, des profs nous ont rapporté que quand un enseignant a une moyenne inférieure à un collègue, il est convoqué par sa direction, il se fait poser des questions et il se fait demander s'il n'y aurait pas moyen d'augmenter les notes, dit Luc Ferland, président du syndicat de l'enseignement. Si l'enseignant refuse, il se voit attribuer un code rouge et l'année suivante, il est suivi de près et ses méthodes pédagogiques sont remises en question. »

Une grande proportion d'enseignants à la Commission scolaire de la Pointe-de-l'Île ont un statut précaire, précise-t-il, ce qui les rend particulièrement vulnérables à ce genre de pression.

Miville Boudreault, président de la commission scolaire, dit qu'il n'a jamais entendu parler de cela.

« J'ai posé la question et on m'assure que les notes ne sont pas gonflées artificiellement. »

Si de telles pratiques (système de codes ou autre) ont cours dans des écoles, la commission scolaire invite le syndicat à lui en faire part.

Coupes dans les classes d'élèves en difficulté

Dans la journée, la Commission scolaire de la Pointe-de-l'Île a par ailleurs fait parvenir un communiqué dans lequel on précisait que malgré des coupes de 4,4 millions à faire, elle adoptera « un budget équilibré (...) qui protégera les services directs aux élèves. »

Dans le communiqué, il n'a pas été mentionné que la commission scolaire coupera trois classes pour élèves en grande difficulté au primaire.

Quand on l'a questionné à ce sujet, M. Boudreault a précisé que si ces abolitions sont faites, ça n'a rien à voir avec le budget, mais tout à voir avec le fait que le nombre d'élèves dans cette catégorie est en baisse.

Dans une optique de « continuum de services », les élèves des cinq classes restantes seront dirigés au secondaire dans les trois polyvalentes qui offrent la formation de métiers non spécialisés débouchant vers des emplois de type commis de quincaillerie, installateur de pneus ou commis d'épicerie.

Ces élèves sont regroupés dans des polyvalentes précises pour qu'ils n'aient pas à changer d'école secondaire en cours de route, précise M. Boudreault, certaines écoles secondaires de ce territoire n'offrant pas la formation de métiers semi-spécialisés.

Le sort d'élèves scellé

La Fédération autonome de l'enseignement (FAE) voit les choses autrement. À son avis, en regroupant ces élèves en grande difficulté dans des polyvalentes précises, on scelle beaucoup trop tôt le sort des élèves.

« Ce que cela signifie, c'est qu'on décide dès le primaire que des élèves ne s'en sortiront jamais. », affirme Nathalie Morel, vice-présidente à la vie professionnelle à la FAE .

Mais de façon réaliste, quand un élève a accumulé deux, trois ou quatre ans de retard scolaire, ne faut-il pas reconnaître que c'est le cas ? « Oui, c'est vrai pour certains élèves en grande difficulté, dit Mme Morel, mais deux ans de retard scolaire, ça se rattrape. Ce que l'on n'accepte pas, c'est qu'on ne fasse pas d'exception à la règle. »