Le ministre de l'Éducation, François Blais, a dû nuancer ses propos, mercredi, après avoir invité les recteurs des universités à expulser deux ou trois étudiants par jour afin de «refroidir les ardeurs» des grévistes étudiants qui perturbent les activités académiques de certains campus.

Dans une entrevue radio, mardi, M. Blais a affirmé qu'il comprenait les réticences de certains dirigeants d'université à recourir aux forces policières pour rétablir l'ordre dans leurs établissements.

Par contre, le ministre les a invités à recourir à des sanctions pour envoyer un message dissuasif aux étudiants qui perturbent les campus en raison de la grève sociale déclenchée pour protester contre les mesures d'austérité du gouvernement libéral.

«J'ai dit ceci à l'ensemble des recteurs: «vous avez des moyens d'agir, prenez des mesures, des sanctions, ne serait-ce que deux ou trois étudiants par jour qui vont beaucoup trop loin, qui exagèrent'», a-t-il dit lors d'une entrevue à la station CHOI, de Québec.

M. Blais, un ancien doyen de l'Université Laval qui vient d'être nommé à l'Éducation, a estimé que les sanctions pourraient aller jusqu'à l'expulsion de quelques étudiants chaque jour.

«Il y a des règlements disciplinaires et ça peut aller jusqu'à l'expulsion, ils peuvent le faire, a-t-il dit. S'ils le faisaient pour deux ou trois personnes par jour, ça refroidirait, je pense, les ardeurs de certains. Sans mettre donc de l'huile sur le feu, c'est des endroits où il y a beaucoup de personnes, sur un campus, il y a 40 000 personnes souvent sur un grand campus.»

Devant la controverse suscitée par ses propos, M. Blais s'est défendu, mercredi, de fixer un quota de sanctions ou de renvois aux dirigeants d'établissements d'enseignement supérieur, collégial ou universitaire.

«C'est important qu'ils puissent imposer des sanctions, surtout quand il y en a qui dépassent les bornes par rapport aux biens et par rapport aux personnes, a-t-il dit à la sortie du conseil des ministres. Et j'ai donné l'exemple, écoutez, s'il faut appliquer des sanctions à deux ou trois personnes, faites le parce que ça envoie un message positif, ça donne le signe que vous êtes en contrôle quand même, minimalement, de la situation.»

M. Blais a néanmoins plaidé pour une gradation des sanctions, en plaçant l'expulsion dans la catégorie des situations exceptionnelles et extrêmes.

«En général, la première conséquence, c'est un avertissement, dans le milieu universitaire, a-t-il dit. On l'avertit: «écoutez, vous n'avez rien à votre dossier jeune homme, mais pour la prochaine fois, faites attention'. Ça peut aller vers d'autres sanctions, parfois un cours, etc. On n'est pas rendu là. Une expulsion c'est pour des situations assez limites, notamment quand il y a eu de la violence.»

À Montréal, Camille Godbout, porte-parole de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ), a déclaré mercredi que les propos de M. Blais n'auront aucun effet sur la mobilisation étudiante, bien que le regroupement envisage un report de son mouvement de grève à l'automne.

«Expulser des étudiants, ce n'est qu'une tactique de peur qu'en ce moment il utilise à l'égard du mouvement étudiant, a-t-elle dit. Face à ça c'est sûr qu'on ne se laissera pas faire. On va continuer d'être dans les rues, pour se faire entendre tant sur nos campus que partout ailleurs.»

La porte-parole en matière d'enseignement du Parti québécois, la députée Véronique Hivon, a accusé M. Blais d'envenimer la situation une fois de plus, après avoir déjà affirmé que les cours ne seraient pas repris dans les établissements en grève.

«On en vient à se demander carrément si le ministre ne veut pas attiser la grogne délibérément, a-t-elle dit. Il jette de l'huile sur le feu, ce n'est pas la première fois.»

Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, a appuyé la position de M. Blais, dont il a toutefois déploré la formulation, lors d'un point de presse.

«Je pense qu'il devrait y avoir des pénalités importantes pour les étudiants qui empêchent d'autres étudiants d'avoir accès à leur classe, a-t-il dit. Donc, c'est peut-être un peu malheureux comme formulation de viser juste deux, trois étudiants. Mais moi, je pense que tous les étudiants qui bloquent l'accès aux cours, devraient avoir des pénalités importantes.»

Mardi, dans l'entrevue accordée à CHOI, le ministre voyait dans les sanctions l'occasion de corriger graduellement les comportements indésirables sur les campus où des associations étudiantes prennent les moyens de faire respecter leurs moyens de pression.

«Ça va faire réfléchir les autres, c'est clair, a-t-il dit. On fait ça avec les enfants, quand on veut les corriger ou corriger leur comportement. On ne dit pas du jour au lendemain: "Va dans ta chambre tu n'auras pas de souper". On commence par leur dire: "Écoute, il va y avoir une sanction pour ce que tu as dit à ta mère, etc."»

Étant donné la proximité du Parti québécois avec les enjeux du dernier conflit étudiant de 2012, qui l'a mené à recruter deux de ses leaders, Martine Desjardins et Léo Bureau-Blouin, les dirigeants d'établissements veulent connaître la position des libéraux, a expliqué mercredi M. Blais, pour qui «c'est un problème de bloquer» les activités sur les campus.

«Il y a à peine un an, il y a un gouvernement qui était en place qui avait participé de manière assez active au conflit étudiant, a-t-il dit. Ils sont même allés chercher deux vedettes de ce conflit-là. Alors les recteurs veulent entendre de la part du ministre de l'Éducation où est-ce que nous on se situe sur ces questions-là.»

La députée de Québec solidaire Manon Massé a affirmé que la maladresse des propos de M. Blais rappelle son prédécesseur Yves Bolduc, qui a été forcé de démissionner après une succession de controverses.

«On ne gère pas une situation comme celle-là en traitant les étudiants comme des enfants trop gâtés, a-t-elle dit dans un communiqué. Le désordre et l'instabilité ne sont pas les objectifs de celles et ceux qui font la grève. Notre jeunesse ne demande qu'à être écoutée, elle a une vision du monde à nous partager.»