Une mise en demeure qui vise au premier chef le gouvernement du Québec et deux écoles hassidiques de Boisbriand risque-t-elle d'obliger le gouvernement à agir plus promptement dans le dossier des écoles illégales?

Disant avoir été privé de l'éducation à laquelle il avait droit, dans les années 90, Yonanan Lowen, aujourd'hui âgé de 36 ans, réclame 1,2 million à deux écoles hassidiques de Boisbriand (Yeshiva Beth Yuheda et le collège rabbinique Oir Hachaim D'Tash), de même qu'au gouvernement du Québec, à la commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Îles et à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ), qui ont, à son avis, fermé les yeux sur la situation.

Les deux écoles en cause, est-il écrit dans la mise en demeure, ne se conforment pas au régime pédagogique obligatoire, offrant plutôt un programme axé sur l'enseignement de la Torah. Ainsi, M. Lowen «n'a pas pu bénéficier de l'éducation gratuite obligatoire prévue par les lois régissant le Québec».

Difficultés juridiques

M. Lowen, qui a tourné le dos à sa communauté il y a quatre ans et qui peine à gagner sa vie, dit qu'il «se retrouve aujourd'hui isolé et désavantagé comparativement aux personnes ayant fréquenté une école qui dispense l'enseignement prévu à la Loi sur l'instruction publique».

M. Lowen pourrait-il avoir gain de cause? C'est en tout cas une affaire très intéressante aux yeux de Julius Grey, ardent défenseur des libertés individuelles.

En cour, si l'affaire se rend jusque-là, les écoles pourraient plaider que l'enseignement de la Torah est à leur avis la meilleure éducation qu'on puisse recevoir.

Le gouvernement, lui, pourrait dire qu'il ignorait tout de ces deux écoles, à l'époque.

La difficulté, pour M. Lowen, sera celle de la prescription, selon Me Grey. Si M. Lowen avait entrepris des démarches juridiques plus tôt, la marche serait moins haute que maintenant, alors qu'il a 36 ans.

Chose certaine, «si cet homme finissait par l'emporter, le gouvernement risquerait de prêter plus d'attention [à la question des écoles illégales], et les écoles, se sachant exposées à des poursuites, pourraient réaliser qu'elles ne peuvent pas ignorer le cursus comme elles le font» aujourd'hui, poursuit Me Grey.

En entrevue à Radio-Canada, M. Lowen a expliqué que c'est une entente survenue au début du mois entre le gouvernement et une école illégale d'Outremont - qui prévoit que les 160 enfants hassidiques de l'Académie Yeshiva Toras Moshe pourront être scolarisés à la maison - qui l'a notamment poussé à agir. «Tout le monde sait que cette entente, c'est une blague», a-t-il dit.

Interrogé en Chambre hier sur le sujet, Yves Bolduc, le ministre de l'Éducation, a assuré qu'il avait l'intention «de mettre fin aux écoles illégales», mais que le contexte est difficile «parce que certaines écoles ne collaborent pas».

À la commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Îles, on s'est contenté de déclarer que la responsabilité de scolarisation des enfants incombe aux parents, non à la commission scolaire.

Les responsables des deux écoles en cause n'ont pas émis de commentaire, pas plus que la DPJ.