Les compressions en éducation font une nouvelle victime: le programme d'aide aux devoirs, mis sur pied en 2004, sera réduit et même suspendu dans plusieurs écoles de la grande région métropolitaine.

En campagne électorale, le premier ministre Philippe Couillard s'était pourtant engagé à «assurer un service d'aide aux devoirs dans toutes les écoles primaires» et même à étendre le programme aux écoles secondaires.

Le programme d'aide aux devoirs sera réduit ou risque de l'être dans plus de la moitié des 12 commissions scolaires de la grande région métropolitaine, selon une recension faite par La Presse. D'autres commissions scolaires n'ont pas voulu rendre publiques les mesures qui seront adoptées ou ont indiqué qu'il était trop tôt pour le savoir.

Selon un directeur d'école qui nous a parlé sous le couvert de l'anonymat, sa commission scolaire cessera entièrement de financer le programme dans ses écoles primaires. La décision a été prise cette semaine au conseil des commissaires.

«Habituellement, j'avais 25 000$ par année pour aider une cinquantaine d'élèves allophones ou en difficulté d'apprentissage avec leurs devoirs. J'engageais du personnel professionnel pour les aider une heure ou deux par semaine. Cette année, il n'y en aura pas», déplore-t-il, soulignant que les parents de ces jeunes n'avaient pas encore été avisés.

La commission scolaire, dont il préfère taire le nom pour l'instant, cessera également de financer le programme École en forme et en santé, qui promeut l'activité physique chez les jeunes, et réduira de moitié les subventions allouées à la francisation. «Elle pensait aussi ne pas donner les fonds pour acheter les livres de bibliothèque, mais le ministre a dit qu'il fallait rétablir le budget [à la suite de la controverse qu'ont soulevée les déclarations du ministre Yves Bolduc]»

«C'est sûr que le service direct aux élèves commence à être affecté», affirme le directeur.

La directrice d'une l'école primaire de la Commission scolaire des Grandes-Seigneuries, sur la Rive-Sud, devra composer avec une baisse de 40% de son budget pour l'aide aux devoirs et pour École en forme et en santé. Des compressions ont aussi été faites dans son service de garde, notamment pour l'achat de matériel.

«Déjà, les enfants qui recevaient l'aide aux devoirs chez nous avaient été ciblés par le personnel parce qu'ils en avaient besoin, dit-elle. Ils étaient regroupés en petit groupe de trois. Je vais devoir m'asseoir avec mon équipe pour déterminer à qui l'on devra désormais rendre le service.»

«Inacceptable», selon Bolduc

La Presse a demandé hier une entrevue avec le ministre de l'Éducation, Yves Bolduc, mais c'est son attachée de presse, Yasmine Abdelfadel, qui nous a rappelée. Celle-ci a indiqué que le programme d'aide aux devoirs est «très important» pour le Ministère et que les diminutions de services aux élèves étaient «inacceptables».

«Quand les besoins sont prioritaires et réels, on s'attend à ce que les commissions scolaires protègent le service aux élèves, comme il a été entendu avec le Ministère» a-t-elle dit.

«On dit souvent que les politiciens ne tiennent pas leurs promesses, mais là, c'est une coche au-dessus: on fait exactement le contraire de ce qu'on a promis», lance pour sa part Jean-François Roberge, député de Chambly et porte-parole de la Coalition avenir Québec en matière d'éducation.

Les commissions scolaires qui ont fait des coupes dans ces programmes ne l'ont pas fait de gaieté de coeur, souligne la présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec, Josée Bouchard.

«Ça nous arrache le coeur, dit-elle, mais ce qu'il est important de dire, c'est que ces choix ont été faits à la suite d'une évaluation des besoins dans chaque milieu. On a choisi de couper où ça ferait le moins mal.» Elle rappelle que les commissions scolaires n'ont cessé, au cours des dernières années, de réduire leurs frais administratifs, qui se situent sous la barre des 5%.

Elles ont, selon elle, atteint un «point de rupture».

Les commissions scolaires ont la possibilité de supprimer les mesures comme l'aide aux devoirs, cette année, parce que le ministère de l'Éducation a regroupé 39 programmes (aide aux devoirs, École en forme et en santé, Jeunes actifs au secondaire, achat de livres, francisation, etc.).

Les commissions scolaires demandaient cette liberté depuis longtemps afin de mieux répondre aux besoins particuliers de leur milieu. Le hic, souligne Josée Bouchard, c'est que le gouvernement a demandé du même coup des compressions de l'ordre de 150 millions, qui s'ajoutent aux nombreuses compressions réclamées ces dernières années.

Problème de bureaucratie

Selon les données de la Fédération québécoise des directions d'établissement d'enseignement (FQDE), le Ministère a demandé de réduire de 90 millions dans l'enveloppe Appui à la réussite scolaire et service de garde, qui réunit les mesures d'appui à la réussite scolaire, comme l'aide aux devoirs, qui bénéficie d'un budget annuel d'environ 20 millions. 

Auraient-elles pu faire des coupes ailleurs que dans les programmes destinés aux élèves?

La présidente de la FQDE, Lorraine Normand-Charbonneau, estime qu'il y aurait matière à changer des façons de faire, en diminuant, par exemple, la bureaucratie dans la gestion des différentes mesures du Ministère.

«Couper dans les mesures comme l'aide aux devoirs, c'est ce qui est le plus facile, estime Mme Normand-Charbonneau. C'est facile de demander aux écoles quelles allocations elles veulent couper. C'est comme demander: "On vous coupe le bras droit ou le bras gauche" ?»

Jean-François Roberge, de la CAQ, souligne que plusieurs commissions scolaires «qui pouvaient couper dans leurs frais administratifs l'ont déjà fait». «Leur marge de manoeuvre est beaucoup plus mince qu'elle ne l'était, dit-il. Les commissions scolaires sont prises pour assumer l'odieux des coupes du gouvernement Couillard alors qu'elles n'en sont pas responsables. En fait, pour faire de nouveaux gains d'efficience, il faut changer de paradigme, il faut accepter de revoir le système.»

La CSDM s'oppose

Pour protéger les services aux élèves, dont l'aide aux devoirs, la Commission scolaire de Montréal (CSDM) entend tenir tête au ministère de l'Éducation en refusant de réduire de 9 millions supplémentaires son budget dès cette année.

«La décision finale sera prise mercredi prochain au conseil des commissaires, mais mon équipe du conseil des commissaires ne veut pas faire des compressions de l'ordre de 9 millions», a dit la présidente de la CSDM, Catherine Harel-Bourdon.

«Nos services des finances ont fait l'ébauche de ce que ça voudrait dire dans nos milieux, poursuit-elle, et ça veut dire des compressions de services, des réductions de budget dans nos écoles et des programmes qu'on devrait couper. Nous, on ne veut pas ça.»

À la mi-juillet, avec l'autorisation du ministère de l'Éducation, la CSDM a adopté un budget prévoyant un déficit de 29 millions. Un mois plus tard, le Ministère a envoyé une lettre à la CSDM pour l'aviser qu'elle devait présenter, d'ici le 15 septembre, un plan de redressement prévoyant des compressions de 9 millions pour l'année 2014-2015. «Ça va avoir un impact sur la réussite des élèves. À long terme, je me demande vraiment si ça ne va pas coûter plus cher à la société.»

Le conseil des commissaires proposera quand même différentes pistes dans l'optique de réduire ses dépenses.

Les commissions et l'état de l'aide aux devoirs

> Marguerite-Bourgeoys : réduite

> Des Affluents : réduite

> Grandes-Seigneuries : réduite

> Seigneuries des Mille-Îles : réduite

> Des Patriotes : pourrait être réduite

> Des Trois-Lacs : pourrait être réduite

> De la Pointe-de-l'Île : maintenue

> De la Rivière-du-Nord: maintenue

> De Laval : maintenue

> Les commissions scolaires Marie-Victorin et de la Vallée-des-Tisserands n'ont pas encore adopté leur plan de redressement