Bibliothèques transformées en classes, pelles mécaniques sur le terrain des écoles, roulottes pour accueillir le surplus d'élèves: les effets de la surpopulation dans les écoles primaires se font sentir en cette rentrée scolaire, qui a lieu aujourd'hui dans de nombreuses écoles du Québec. Pendant que les commissions scolaires tâchent d'accueillir ces milliers d'élèves supplémentaires, le ministère de l'Éducation vient de leur allouer près de 250 millions pour construire et agrandir des écoles, a appris La Presse.

Alors que le nombre d'élèves de maternelle au Québec atteint cette année le haut de la vague, le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport (MELS) vient d'autoriser le financement de 32 projets d'agrandissement et de construction d'écoles, pour un total de 243 millions, selon les données obtenues par La Presse. Plus de la moitié de ces projets seront réalisés à Montréal et en Montérégie, où les besoins sont importants.

«Nous avons fait état au MELS de la hausse des naissances, de la densification des quartiers et de la forte immigration dans plusieurs quartiers et municipalités de notre territoire, et nous avons été entendus», se réjouit Diane Lamarche-Venne, présidente de la commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, où des projets d'une valeur de 50 millions viennent d'être approuvés.

Au cours des dernières semaines. le MELS a annoncé aux commissions scolaires les projets de construction et d'agrandissement d'écoles retenus parmi les demandes formulées l'an dernier. Ils seront annoncés publiquement au cours des prochaines semaines.

Le Ministère a toutefois indiqué à La Presse que la plupart d'entre eux seront réalisés dans la métropole et sa banlieue: 13 à Montréal, 5 en Montérégie, 3 dans les Laurentides, 3 dans Lanaudière et 2 à Laval.

Le besoin d'espace dans les écoles primaires de la grande région métropolitaine croît depuis maintenant cinq ans. Cette année, plus de 18 000 élèves montréalais sont inscrits en maternelle, soit 25% de plus qu'en 2008.

L'exode des familles vers les banlieues se fait-il moins sentir? «J'ai le sentiment que beaucoup de jeunes parents font le choix de rester à Montréal pour réduire le temps de transport et passer plus de temps en famille, estime la présidente de la Commission scolaire de Montréal (CSDM), Catherine Harel-Bourdon. Il y a aussi le phénomène de l'immigration et du petit baby-boom [qui a commencé vers 2007 et qui se poursuit encore aujourd'hui].»

Cela dit, l'étalement urbain est bien réel dans les couronnes, où les nouveaux quartiers se sont multipliés au cours des dernières années. Les nouveaux projets résidentiels, à Montréal comme en banlieue, nécessitent évidemment la construction d'écoles.

Autre facteur important: au cours des dernières années, les classes primaires ont graduellement été réduites, passant de 29 à 26 élèves au maximum (20 en milieu défavorisé). À Laval, ce seul

changement aurait nécessité l'ajout de trois écoles.

«À partir de 2010, il y a vraiment eu une nette augmentation des demandes d'ajout et d'agrandissement d'écoles», constate Ève Roussel, conseillère stratégique aux infrastructures au MELS. 

Depuis cinq ans, le Ministère a investi pas moins de 1,3 milliard pour réaliser 206 projets d'ajout et d'agrandissement d'écoles, en grande majorité de niveau primaire. L'an dernier, le Ministère a autorisé 82 projets, pour un investissement total qui frôle les 500 millions.

Pourquoi en avoir autorisé un moins grand nombre cette année? «Il y a eu moins de demandes déposées par les commissions scolaires», explique la chef de cabinet du ministre de l'Éducation, Marie-Ève Bédard. Elle souligne qu'au total, l'enveloppe destinée à l'éducation dans le Plan québécois des infrastructures a augmenté de 650 millons pour atteindre 1,7 milliard en 2014. «Il y a eu plus d'argent investi dans le maintien des actifs», dit-elle. 

Le MELS pourrait autoriser d'autres projets cette année, sans toutefois dépasser le budget total de 324 millions alloué à l'ajout d'espace pour l'ensemble des commissions scolaires.

Prévoir à long terme



Les commissions scolaires ont envoyé 84 nouvelles demandes au Ministère en prévision des annonces de 2015. Il est nécessaire, selon Catherine Harel-Bourdon, de prévoir à long terme, étant donné qu'il s'écoule environ quatre ans entre la demande initiale et l'inauguration d'une nouvelle école. 

«On essaie de travailler en amont avec la Ville, dit-elle. Il y a un projet de développement de milliers d'unités dans l'hippodrome Blue Bonnet: il faudra qu'il y ait une école primaire et secondaire. L'école doit être au coeur du développement, pas dans le dernier terrain octroyé.»

Le manque de terrains vacants a compliqué certains dossiers dans le passé. À Repentigny, la commission scolaire des Affluents cherche depuis plus d'un an un terrain pour installer une école primaire dans Valmont-sur-Parcs. Il y a également eu des délais à Brossard et à L'Île-des-Soeurs. 

Les commissions scolaires doivent parfois faire preuve d'imagination pour trouver de l'espace. Dans Pont-Viau, la Commission scolaire de Laval a acheté un édifice de bureaux en juillet pour y déménager les élèves d'un centre de qualification et transformer leur ancienne école... en école primaire. «Le soucis, c'est d'essayer de garder le jeune dans son école de quartier», dit Louise Lortie, présidente de la commission scolaire de Laval.

Les 12 projets de construction d'écoles qui viennent d'être achevés ne pourront être complétés pour la rentrée de 2015, car le Ministère les a autorisés trois mois plus tard que prévu en raison du changement de gouvernement. 

Les commissions scolaires dont les besoins sont criants à court terme pourraient entre-temps avoir recours à des roulottes installées dans la cour d'école, comme c'est déjà le cas ailleurs. «On s'y résigne, dans la mesure où c'est temporaire», dit le directeur général de la commission scolaire des Patriotes, Joseph Atalla.

S'il est agréable de gérer la croissance, les besoins d'espace constituent tout un «défi d'organisation», surtout en période de compressions budgétaires, fait remarquer Josée Bouchard, présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec.

Et la tâche est loin d'être terminée: les élèves actuellement au primaire grandiront. Le MELS a déjà reçu deux demandes de projets pour des écoles secondaire.

 Les locaux spécialisés transformés en classes

Pour accueillir des élèves supplémentaires, la première étape est de transformer les locaux utilisés à d'autres fins - musique, anglais, etc. - en salles de classe. À la Commission scolaire de Laval, par exemple, 50 locaux polyvalents ont été ainsi transformés pour la rentrée. Au lieu d'avoir leur propre local, des enseignants se promèneront de classe en classe, avec un chariot.

À l'école L'Odyssée, à Saint-Amable, on a décidé cette année d'amputer la bibliothèque de moitié pour y installer une classe supplémentaire. Cette décision a été prise à contrecoeur. «Notre école se trouve dans l'un des milieux les plus défavorisés du Québec et dès l'arrivée à la maternelle, les enfants ont déjà été beaucoup moins exposés à la lecture que d'autres enfants. On y tenait donc beaucoup, à notre bibliothèque», dit la directrice, Hélène Richard.

Inaugurée en 2011, L'Odyssée est déjà beaucoup trop petite et ça ne s'arrangera pas: 80 élèves s'ajouteront l'an prochain dans les trois écoles primaires déjà au maximum de leur capacité et on ignore où on les mettra. Déjà, des enseignants de L'Odyssée se partageront une grande classe et enseigneront en équipe. 

- Louise Leduc

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

 Des roulottes dans la cour

Des élèves de Brossard et des quartiers Saint-Michel, Notre-Dame-de-Grâce, Côte-des-Neiges et Cartierville, notamment, feront leur rentrée dans des roulottes installées dans les cours d'école. Le concept des «modulaires» n'est pas nouveau, mais il est certainement plus répandu qu'avant.

Pour accueillir ses 860 élèves à la rentrée, l'école Cardinal-Léger, dans l'arrondissement de Saint-Laurent, a ajouté trois roulottes dans sa cour qui en compte maintenant six.

Toutes reliées à l'école par des corridors, ces roulottes, qui s'assemblent à la façon des maisons Bonneville, ressemblent à s'y méprendre, vues de l'intérieur, à des salles de classe normales. La cour de récréation a dû être amputée du quart. Le directeur de l'école, Dany Tremblay, dit que cela se vit bien et qu'en cette ère d'explosion des effectifs scolaires, tout le monde doit contribuer. «C'est quand même un beau problème, dit-il. Je viens du Saguenay, où l'école primaire que j'ai fréquentée, enfant, a été fermée il y a quelques années...

Les roulottes demeurent une solution temporaire, assure Ève Roussel, conseillère aux infrastructures au ministère de l'Éducation. «Ce n'est pas le souhait de garder les roulottes à la place des classes permanentes», dit-elle.

- Louise Leduc et Catherine Handfield

 On agrandit... en présence des élèves

On est en train d'ajouter pas moins de 15 locaux à l'école Jean-Lemonde, à Sainte-Dorothée.

Les travaux, entrepris en juin dernier, se poursuivront toute l'année scolaire, pendant que les élèves sont en classe. «C'est une première pour nous, et c'est comme ça que ça va se faire dans le futur», explique Louise Lortie, présidente de la Commission scolaire de Laval. «Quand les premiers camions arrivent, c'est sûr que les élèves sont dans les fenêtres, mais ensuite, ça va», dit Mme Lortie, qui assure que le chantier est sécurisé.

L'agrandissement de l'école ne se fait pas sans sacrifier beaucoup d'espace et d'arbres.

- Avec Louise Leduc