Troublés par de récents incidents à caractère sexuel, dont les allégations qui ont entraîné une enquête policière et la suspension du programme de hockey masculin de leur établissement, des professeurs et des étudiants de l'Université d'Ottawa lancent une vaste mobilisation pour contrer ce qu'ils appellent la «culture du viol» sur leur campus.

«Nous ne pouvons plus nous permettre de rester silencieuses», écrit un groupe d'étudiantes dans une lettre qui sera transmise aujourd'hui au Bureau des gouverneurs de l'établissement.

Leur texte parle des récents incidents comme d'un wake-up call qui «lève enfin le voile sur cette réalité trop souvent quotidienne vécue par des femmes et des hommes sur nos campus».

Lundi, l'université a suspendu son programme de hockey masculin après le déclenchement d'une enquête par la police de Thunder Bay sur des allégations d'agression sexuelle commise par plusieurs joueurs sur une jeune fille lors d'un périple de deux matchs dans l'Ouest ontarien.

Quelques jours plus tôt, des leaders étudiants avaient démissionné de leur poste après la publication de propos sexuels dégradants qu'ils avaient tenus pendant une conversation privée sur la présidente de la fédération étudiante locale, Anne-Marie Roy. Les jeunes en question avaient notamment évoqué la possibilité de la «punir» par des actes sexuels.

«Ce qu'on dit, c'est que ce ne sont pas des actes isolés», affirme Anaïs Elboujdaïni, gouverneure étudiante qui portera la lettre lors de la prochaine réunion du bureau. Avec ses cosignataires, elle demande l'instauration d'une série de mesures, dont la création d'un cours crédité sur la discrimination et le harcèlement sexuel.

En parallèle, une cinquantaine de professeurs ont eux aussi transmis une lettre à la direction intitulée «Il faut nous mobiliser contre la culture du viol sur les campus».

«Les preuves s'accumulent et montrent que notre campus ainsi que d'autres dans l'ensemble du Canada sont mis au défi par ce qu'il est convenu d'appeler la «culture du viol», une culture qui normalise et célèbre la violence contre les femmes [...] Il est temps de nous donner un plan d'action», écrivent les professeurs issus de différentes facultés.

Anne-Marie Roy, la présidente de la Fédération, croit qu'il existe un lien entre les deux récentes controverses qui ont secoué l'université.

«Les deux relèvent de la même culture du viol. Une attitude qui banalise le viol et rend cela pas trop grave, qui est enracinée dans des paroles de chansons ou dans la culture populaire», a-t-elle expliqué à La Presse hier, alors qu'elle enchaînait les entrevues avec des dizaines de médias, y compris la BBC, en Grande-Bretagne.

La jeune leader étudiante dit avoir été ébranlée par les propos tenus à son endroit par les élus étudiants démissionnaires. Elle dit avoir pris conscience de l'acuité d'un problème qui afflige l'établissement auquel elle appartient. «Je ne l'avais jamais vu de mes yeux à ce point-là. J'étais sous le choc, j'ai eu un peu la nausée», dit-elle.

Elle aimerait maintenant tendre la main à la présumée victime qui dit avoir été agressée par des joueurs de l'équipe universitaire de hockey. «Chacun réagit différemment, c'est à elle de voir, je ne veux pas m'imposer. Mais j'aimerais l'appuyer, car ce qu'elle vit ne doit pas être facile», dit-elle.

D'autres sur le campus croient toutefois que d'autres facteurs devraient être examinés dans les récents dérapages.

«Je trouve ça dommage que des gens disent que c'est juste un problème de gars. Il y a en général un problème de culture dans les universités par rapport à l'alcool qui fait que des gens se saoulent à l'excès et que des choses graves peuvent arriver», affirme Catherine Fortin, une étudiante en enseignement.