Alors que plusieurs établissements scolaires publics ont récemment annoncé un véritable chaos dans les écoles si les signes ostentatoires y étaient proscrits, un collège privé très multiethnique de Montréal interdit depuis déjà plusieurs années le port de symboles religieux entre ses murs. Et ça fonctionne très bien.

Le règlement du Collège international Marie de France, chemin Queen-Mary, est plus sévère encore que ce que propose la Charte des valeurs du ministre Bernard Drainville. Non seulement les membres du personnel doivent-ils s'abstenir de porter des signes religieux, mais les quelque 2000 élèves aussi. L'école, d'enseignement primaire et secondaire, est entièrement laïque.

«Nous sommes homologués par le ministère français de l'Éducation, explique la porte-parole Marie-Claude Caron. Nous suivons donc la loi française sur la laïcité», qui interdit les signes ostentatoires dans les écoles, les collèges et les lycées.

Contestation possible

Le but: «Maintenir la paix sociale, instaurer un climat de confiance et de coopération indispensable à la réussite de chacun» et éliminer «les éléments de distinction, de discrimination ou de prosélytisme», dit le règlement interne de l'école. Bien sûr, l'établissement est soumis aux lois canadiennes et à la Charte des droits et libertés. Sa position sur les symboles religieux pourrait donc être contestée. Elle ne l'a jamais été.

«Ça va de soi. Les parents le savent et l'acceptent quand ils choisissent d'inscrire leurs enfants ici. On n'a jamais été confrontés à des cas de contestation, dit Mme Caron. Bien sûr, on a une clientèle particulière. Beaucoup de parents ont, eux aussi, fait leur scolarité dans le système français. Ils sont habitués.» Plus de 60% des élèves sont d'ailleurs des expatriés. Les autres sont canadiens.

Malgré un corps enseignant très multiethnique et des élèves provenant de plus de 70 nationalités, dont plusieurs pays de confession musulmane, l'établissement ne fait l'objet d'aucune poursuite et affirme ne jamais avoir reçu de plainte. Même son de cloche du côté de l'association des parents et du syndicat des employés, qui ne font état d'aucun grief. «Je ne sais même pas si mes collègues sont pratiquants ou non. On n'en parle tout simplement pas», dit une employée.

Tout le monde s'entend: le règlement ne pose «aucun problème».

«Il n'y a pas de soucis. Ça fonctionne complètement. Il est arrivé que des familles nous posent des questions, mais sans plus», assure la présidente de l'association des parents, Nathalie Mesurolle. «Personne ne parle d'intolérance. Personne ne parle de racisme, ajoute un autre parent. Dans les réunions de parents, [certains portent] des kippas ou des voiles. Mais voilà, ils envoient leurs enfants dans cette école et il n'y a pas de chaos.»

«Pourtant, dit Mme Mesurolle, je n'ai jamais vu autant de cultures se côtoyer en un seul endroit.»

Mamans voilées

À la sortie des classes, des gens de toutes origines et confessions attendent leurs enfants dans un froid polaire. Parmi le groupe, une maman à la tête couverte d'un hijab parle avec d'autres parents.

Neveen Hassan a inscrit sa fille Mira, 8 ans, au Collège Marie de France lorsqu'elle a quitté l'Égypte pour Montréal, il y a deux mois. Elle connaissait la politique de laïcité de l'institution. Ça ne l'a pas arrêtée.

«Je ne trouve pas nécessairement que c'est une bonne règle, dit-elle. Pour moi, le voile est un choix vestimentaire et ça ne devrait pas déranger, mais ma fille ne le porte pas, alors pour elle, ça ne change rien.»

Et si Mira décide, une fois adolescente, de se voiler, changera-t-elle d'école? Selon Mme Hassan, le problème ne se posera pas. «Je ne crois pas qu'elle va le porter, maintenant qu'on vit au Canada.»

La question pourrait tout de même venir hanter la direction du Collège. «Il y a beaucoup de mamans voilées dont les filles vont au primaire, note Mme Mesurolle. Lorsqu'elles vont vieillir, peut-être que certaines voudront aussi le porter.»

Entre-temps, la règle demeure. Et elle est respectée.