L'Association québécoise des centres de la petite enfance, qui rassemble près de 750 CPE à travers le Québec, se dit en faveur du principe de laïcité énoncé dans la Charte des valeurs du gouvernement péquiste, mais refuse de se prononcer sur la question des signes ostentatoires parce que ses membres sont trop divisés sur la question.

Au cours des derniers mois, l'AQCPE a réalisé deux sondages d'opinion auprès de ses membres. Plus de la moitié des directeurs généraux membres de l'association ont répondu au sondage. «Sur la question des signes ostentatoires, nos membres sont divisés en deux, à l'image de ce qu'on voit dans la population en général», explique Louis Sénécal, directeur général de l'AQCPE.

Ce sondage - non-représentatif selon les règles de l'art du sondage, précise-t-on - permet pour la première fois de mettre un chiffre sur le nombre de femmes qui pourraient être touchées par les dispositions de la Charte des valeurs: 1% des éducatrices des CPE membres de l'association porteraient le hidjab.

Si on reporte ce chiffre sur les 19 000 éducatrices à l'oeuvre dans le réseau des CPE, cela laisse autour de 200 personnes qui devraient retirer leur foulard ou quitter leur emploi. «Mais il faut faire attention. Ce qu'on a fait, c'est un sondage, pas un recensement», précise M. Senécal.

Tout le processus de mise en place de la loi suscite d'ailleurs de grandes inquiétudes dans le réseau, dit M. Senécal. «Comment on va expliquer à un enfant qu'on congédie son éducatrice parce qu'elle porte le hidjab?»

Louis Senécal craint aussi que les gestionnaires de CPE n'héritent de la tâche ingrate de distribuer des avis disciplinaires et des congédiements. L'AQCPE compte faire valoir ces craintes à la commission parlementaire sur le projet de loi 60 qui se déroulera à l'Assemblée nationale ce printemps.

«On a beaucoup de préoccupations sur l'opérationnalisation du projet de loi, dit-il. Le jour où ça commence, qu'est-ce que les directeurs généraux font? Ils distribuent des avis écrits? Des avis disciplinaires? On ne veut pas que l'application de la loi soit pelletée dans la cour des CPE. Et l'autre question qui se pose, c'est qui va s'assurer de l'application de cette loi. Va-t-il y avoir des amendes aux CPE récalcitrants? Est-ce qu'il y a des inspecteurs qui vont se promener dans les milieux?»

Et le problème se pose avec encore plus d'acuité pour les 15 000 responsables de services de garde en milieu familial. «Ces femmes sont chez elles et elles sont travailleuses autonomes», observe M.  Senécal.

Le contact avec les enfants

Malgré tout, les membres de l'AQCPE se disent généralement en accord avec les principes énoncés dans le projet de loi 60. «La laïcité, on a toujours défendu cela et on le défend encore. Et on est complètement contre le voile intégral pour des raisons pédagogiques. Le lien d'attachement, les émotions... les enfants ont besoin d'être en contact avec le visage de leur éducatrice.»

Mais rien dans la littérature scientifique ne démontre que le port d'un signe religieux visible peut être nuisible à la tâche d'éducatrice, souligne Louis Senécal. «Quelqu'un qui travaille en CPE, il doit avoir beaucoup de réserve sur la chose religieuse. Si un enfant lui demande pourquoi elle porte le hidjab, la réponse de l'éducatrice a beaucoup d'importance. Elle peut être neutre ou empreinte de religiosité. Il ne faut pas qu'il y ait d'incitation à la chose religieuse.»

Quant à la question des accommodements raisonnables, l'AQCPE se dit en faveur de leur encadrement. Mais dans les faits, peu d'accommodements ont été demandés dans le réseau, souligne M. Senécal. «Et quand ça a été le cas, ça s'est réglé à l'interne, sans que ça pose de problème.»

Les CPE en chiffres

> 977 CPE au Québec, dont 750 membres de l'AQCPE

> 19 000 éducatrices

> 1477 installations

> 15 600 responsables de services de garde en milieu familial